Ce samedi 21 Janvier 2024 aura lieu la Club Humide x Festival Jerk Off. Comme on adore l’humidité, les drags et clubber à Friction Magazine, on s’est dit qu’on irait bien rencontrer certains des membres de cette prochaine édition ! On a tendu le micro à Lucifer (DJ et fondateur), Cyberr Prince (organisateur et performeur) et Nadann (DJ en b2b avec Lucifer). Et voilà ce qu’ils nous ont répondu !
Hello Lucifer ! En tant que co-fondateur de cette soirée, comment présenterais-tu Club Humide à des gens qui ne seraient jamais allés dans votre soirée ?
Lucifier : Club Humide c’est le souvenir de nos soirées avant covid, mais pas dans une forme de nostalgie délétère du type « c’était mieux avant ». Plutôt comme l’invocation d’une énergie qu’on a laissé disparaître au fil de la pandémie jusqu’à maintenant. C’est une envie de reconnecter en discutant, en dansant et en regardant des performances. Club Humide c’est aussi l’envie de lâcher prise entre TPBG, de transpirer, de s’abandonner sur le dancefloor et croire, encore une fois, que tout est possible la nuit. On peut être qui l’on veut et surtout qui l’on est vraiment. On aime proposer une programmation éclectique, autour de la house, trance et techno, avec des performances surprenantes, un espace de discussion queer et parfois des zones humides pour sexplorer. On met en avant des artistes queer et/ou racisés, car c’est important pour nous. Venez à Club Humide, vous allez être surpris⸱e…et trempé⸱e, on l’espère !
Comment a évolué la Club Humide depuis ces derniers mois ? Vous avez mixé à la Pride, vous avez organisé plusieurs éditions dans plusieurs lieux : comment tous ces événements ont fait évoluer la Club Humide ?
Lucifer : Tout est allé très vite pour nous. On a eu une première année absolument belle, avec plusieurs éditions au Klub où notre public n’a cessé de grandir et de se forger. On a pu faire une édition sex-positive, ce qui était un beau défi pour nous. On remercie du fond du cœur tous les lieux et collectifs qui nous ont accueillis et avec qui on a pu travailler. On a collaboré avec WITH US, notre collectif sœur de cœur avec qui tout est une évidence. On a été invité à la Ma Sœur par Aubry à Virage aux côtés de merveilleux collectifs queers. C’était incroyable ! On a fêté nos 1 an à la Station, et c’était un grand rêve pour toute l’équipe car c’est un lieu qu’on affectionne énormément et dont notre public nous parlait beaucoup. On prend à cœur le retour de notre public, les mouillettes, et des artistes qui viennent à chaque édition. On a mixé sur le char de la Riposte Unitaire Antifasciste, et c’était fou. OUI LA FÊTE EST POLITIQUE. On a été invité par le Hasard Ludique pour organiser la programmation du bal populaire queer « Bisous la France » aux côtés de Catherine Pine O’Noir, Anaacab et le Phalène. C’était un évènement pluvieux mais sacrément heureux, une merveilleuse bulle après avoir passé un mois à s’angoisser des élections (qui nous ont été volées LOL). Ces évènements ont à chaque fois été des moments de joies, d’humidité, de liberté et d’adelphité. Chaque lieu et événement présentent des défis dont on apprend à chaque fois. Comment s’agrandir tout en gardant son identité et en protégeant son public ? Comment passer d’une line-up plutôt locale dans des clubs de petite capacité à des plateaux plus internationaux ? Jusqu’où pouvons-nous prendre des risques ? Comme le dit Bjork dans la track 3 de Medulla « Where is the Line? » Pleins de questions et surtout BEAUCOUP DE RÉPONSES ! Après un an, on a encore plus envie de faire la fête avec vous, de se rencontrer, de vivre de belles histoires tous⸱te⸱s ensemble et de vibrer aux rythmes des basses suintantes de nos nuits les plus haletantes.
Nadann, tu seras derrière les platines samedi soir. Quand as-tu commencé à mixer et pourquoi ?
Nadann : J’ai commencé en 2019 au Cri du Singe lors de la genèse de la Shortbus, une teuf à l’esprit queer créée par des amis à Montreuil, dont le nom et l’esprit est un hommage direct au film éponyme de John Cameron Mitchell sorti en 2006. Ce film explore les vies et relations entrelacées de divers personnages à New York, qui cherchent à surmonter leurs blocages émotionnels et sexuels à travers des expériences intimes et libératrices dans un salon underground. La Shortbus était donc une teuf, mais une teuf augmentée où les performances, la liberté et les ateliers proposés visaient à ce que chacun⸱e puisse, dans cet espace presque sanctuarisé, vivre un moment d’expérimentation personnelle forte sur le sens de la fête et des valeurs queer, tout en dansant sur de la musique de qualité. J’ai toujours été passionné de musique électronique fréquentant plusieurs festivals de ce genre de musique. Donc quand mes amis m’ont proposé de mixer à la première édition (puis aux trois suivantes), je me suis lancé, j’ai adoré et je ne me suis plus arrêté. Étant de nature plutôt introvertie, faire passer des émotions et ma personnalité à travers ma musique est pour moi la meilleure manière de m’épanouir dans la communauté.
Qu’est-ce que ça signifie pour toi de mixer devant un public queer et dans une soirée comme celle de la Club Humide ?
Nadann : Avec la Club Humide et son côté résolument libertaire, je retrouve l’esprit qui a pu exister lors des Shortbus, ce qui me fait énormément plaisir. Pouvoir mixer devant des personnes queer qui trouvent dans ces espaces festifs une possibilité d’être pleinement elles-mêmes, d’expérimenter des façons d’être et des modes relationnels souvent non admis ou compris par la société, cela a vraiment du sens pour moi. C’est hyper gratifiant de pouvoir contribuer à ces moments d’euphorie partagée.
Quels sont les styles que tu aimes mixer ?
Nadann: J’aime les sons mélodieux et punchy, entre la house et la trance, de la progressive à des sons plus bouncy. Cela dépend vraiment du moment mais je mixe des sons dans un spectre assez large, globalement du massage sonore à des vibes très ravy et percutantes. C’est assez éclectique. En tout cas je vise à proposer une musique plutôt euphorique, subtile et qui provoque curiosité et émotions positive chez les gens c’est tout ce qui m’intéresse !
Peux-tu nous donner un petit avant-goût de ton mix de samedi ?
Nadann : Je mixe en b2b avec Lucifer le fondateur de la Club Humide. Au vu de notre amour commun pour la house et les sons bouncy, et puisque que ce sera le closing de la soirée, on est pas à l’abri d’aller sur des bonnes grosses basses groovy rapides, des vibes trancy et surtout beaucoup de sueur.
Et maintenant, Cyberr Prince. Tu seras un des drags lors de la Club Humide. Quand as-tu commencé le drag et pourquoi ?
Cyberr Prince : J’ai commencé le drag “off stage” en mars 2022. Je précise “off stage” car, au début, l’enjeu n’était pas pour moi de performer sur scène. Effrayéx d’arriver au bout de mon coming in transgenre et ne sachant pas comment ni avec qui vivre cette nouvelle identité, j’ai un soir ressenti un grand apaisement dans une soirée karaoké animée par deux kings. Celle-ci m’a conduit à considérer le drag comme une excuse que je me donnerai à moi-même pour performer le genre que j’aurai envie d’incarner.
En juillet 2022, après avoir proposé quelques semaines plus tôt une performance collective au festival King des Champs, je suis pour la première fois montéx seulx sur scène au Bonjour Madame dans le cadre d’une Misandrag. Mes performances sont alors devenues des espaces de libération et de projection dans lesquels se matérialisent bien souvent certaines de mes aspirations pour le futur.
Qu’est-ce que ça signifie pour toi de performer lors d’une soirée queer comme la Club Humide, que tu organises également si je ne m’abuse ?
Cyberr Prince : Performer à la Club Humide est toujours un plaisir pour moi. J’aime penser mon drag en fonction du public et de l’atmosphère des lieux dans lesquels je me produis.
Dans cette soirée, les performances ont lieu au cœur de la fête. Entourées par des dj-set après, mais également avant, elles sont une sorte de pause, de changement de rythme dans la nuit. Le show est là pour accompagner et faire exister autrement le lâcher-prise du Klub humide. De 2 heures à 2 heures 30 du matin, nous, créatures de la nuit, venons intensifier la fête en proposant des performances libératrices et euphorisantes pour les clubbers.
Les spectateurices, bien que souvent amateurices de drags, viennent principalement à la Club Humide pour la musique et la danse. L’un des défis du drag show est donc de réussir à capter l’attention du public. Je prends évidemment en considération ces conditions singulières de performance pour penser mon drag dans ces shows.
L’envie de faire se rencontrer, le temps d’une nuit, les pratiques artistiques respectives des deux artistes drags de la soirée, via la création d’un univers commun, est un aspect que je trouve par ailleurs plaisant dans les événements Club Humide.
Enfin, le public TPBG de la soirée inscrit les performances dans un cadre intra-communautaire. Dans cet environnement, mon intention est double. J’essaie à la fois de fédérer, en célébrant nos vécus communs, tout en tentant de mettre en lumière les endroits de frottements et d’inconforts qu’il peut exister dans les communautés queers parisiennes qui fréquentent la Club Humide. En tant que personne trans gouinx pédéx, je trouve important de donner à voir un corps et un vécu trans à un public en majorité cisgenre.
Les soirées de la Club Humide sont des nuits de liberté dans lesquelles je me sens à l’aise d’expérimenter sur et en dehors de la scène.
Quelles performances aimes-tu offrir au public ? Quels sont tes thèmes de prédilection ?
Cyberr Prince : J’aime proposer des performances narratives empreintes de douceur et de poésie aux univers visuels caractérisés. Il me tient également à cœur, dans certaines de mes performances, de mettre en lumière l’ambivalence de l’identité “folle” (au sens psychique du terme). Pour cela, j’apprécie travailler l’archive (communautaire, cinématographique, radiophonique …) dans les bandes sons de mes performances. En incarnant des figures non et/ou post humaines, je cherche à sublimer la fluidité de genre en dépassant toutes formes d’incarnations binaires.
Peux-tu nous donner un petit avant-goût de ta performance de samedi ?
Cyberr Prince : Ma performance de samedi est pensée autour de la récitation d’un poème qui rythmera l’ensemble de ma prestation. J’ai particulièrement accentué le travail autour de la cohérence visuelle et esthétique de mon drag pour cette soirée. Cette scène sera la dernière pour moi avant ma torsoplastie, lui donnant forcément une saveur un peu particulière.
Rdv au Jerk Off x Club Humide Samedi 21 Sept · 00h à 6h au Klub
Retrouvez la mixtape de Nadann sur le Soundcloud de Friction.
