Fauve ≠ Blizzard EP

En échange de tout ça ils m’offrent ce dont ils disposent, des réponses franches à mes questions. Depuis qu’on les a vus en concert au Trabendo, ils nous obsèdent, c’est dans notre peau.

Fauve sort son premier EP et a organisé une release party décontractée à la Miroiterie (Ménilmontant) lundi 20 mai. Jour de pluie et sol humide pour une promo accessible, malgré la tornade du succès qui les entoure.

 

Les membres du collectif vendent eux mêmes les t-shirts, sacs, cds et vinyles tout en discutant avec les fans, les potes de passages et les curieux journalistes. Sur la scène du fond, trois chaises, une belle plante et une sorte de transat. Rencontre avec les membres de la corp à l’origine des nuits fauves.

 

Quelle est votre vision du monde ? Par rapport à vos chansons pour la plupart assez tristes ?

 

Nos chansons sont tristes mais en même temps on est pas juste là à vomir nos frustrations, nos peines. On crée nos propres alternatives. La musique c’est juste un journal intime, y a pas de fictions, ni de filtre. Dans la vie, on est comme ça, on est atterré par plein de choses, désemparé par plein de choses mais à côté de ça on est plein d’espoirs. C’est une question de personnalité, d’éducation… si tu te contentes de ne voir que le coté sombre de la vie, tu ne vas pas loin. Ton instinct de survie te pousse à réfléchir plus loin et à te botter le cul, mentalement et physiquement, pour te lever le matin par exemple. Et juste moralement, sinon tu coules.

Donc dans nos chansons ce n’est pas qu’une vision négative, je dirai plutôt réaliste, et en même temps y a un côté très idéaliste, un peu naïf. Notre vision du monde, elle est comme ça. On partage tous ça, la vie c’est quelque chose d’infiniment riche, qui va du plus sombre (peut-être beaucoup en ce moment, en tout cas en France et surtout à Paris) à des choses très colorées, fortes, qui brûlent. On voit le monde comme un truc très large, avec tout ce qu’il a de très très dur, de très très beau, et tout ce qu’il y a au milieu comme un spectre de couleur.

Le monde c’est aussi un peu ce que tu en fais toi, il y a plein de choses, tu pioches dans ce que tu peux prendre. Regarde le monde c’est ça (un hot-dog arrive) ! Je le trouve beau le monde, c’est une super opportunité, je dis pas qu’on en fait que du bien… c’est pas parce que certaines choses te cassent le cerveau qu’il ne te reste pas plein de portes à ouvrir.

 

Notre jeunesse, elle a un peu de mal quand même..

 

Dans notre périmètre à nous, ce qu’on voit, c’est qu’on est une génération un petit peu tabassée dans la tête, abattue. Désemparée et violentée par ce qui nous entoure, en tout cas au niveau des rapports humains. En même temps, on est beaucoup plus fort que ce qu’on croit, on a plein de ressources. C’est ce qu’on a eu l’impression de mettre à profit avec Fauve.. faut se botter le cul, les choses restent difficiles mais le spectre coloré apparait.

 

Faut savoir qu’on a jamais prétendu parler au nom d’autres personnes que nous-même, peut-être nos proches et nos potes, parce qu’y en a qui savent pas s’exprimer, ou qui n’osent pas parler. On a jamais pensé faire des chansons ou un projet générationnel. On nous pose la question souvent, on commence à s’habituer mais au début on comprenait pas.

 

Sérieux le mec qui arrive et dit « j’veux faire un projet qui parle à tout le monde », il a un problème dans sa tête, un problème de mégalo.

 

Le monde a l’air difficile, en tout cas dans notre périmètre à nous, mais faut pas s’arrêter à ça sinon tu coules. Sinon tu fais quoi ? Tu restes tout seul chez toi, tu vas au bureau et au bout d’un moment tu finis sous anti-dépresseurs et tu finis la vie comme un calamar.. Après le bureau c’est un peu symbolique, y a plein de gens qui sont admirables parce qu’ils ont cette foi en ce qu’ils font, ils ont choisit d’y aller. Nous au sein de Fauve, on ressentait une insatisfaction, une frustration, par rapport à ça. Mais plein de gens sont heureux là-dedans. Le but c’est d’être épanoui, donc au bureau ou dans une montgolfière.. si ça marche !

 

 

D’ailleurs, vous voulez faire quoi dans la vie ?

 

On veut faire quelque chose qui nous donne l’impression d’être utile aux autres, en tout cas dans notre périmètre. Qui nous donne envie de nous lever le matin, de pouvoir, sur notre lit de mort, nous dire qu’on a exploré le spectre. On veut ne pas avoir de regrets, vivre de belles choses, trouver l’amour, vivre milles vies en une seule. On partage tous ce truc là, cette espèce de niaque qui fait le contrepoids avec cette vision un peu négative qu’on peut avoir de la vie.

 

Une fan dégaine son iphone pour immortaliser le moment. L’un des membre la regarde, très calme et poli, en s’excusant « ça te dérange si en fait non, pas de photos, même pour pas les diffuser. »

 

On aime pas les photos, on est super mal à l’aise avec ça. C’est pas le sujet.. je dis la même chose à ma grand-mère. Dès que ça sort du cercle intime j’aime pas, j’aime pas ma gueule. C’est pas notre truc, c’est pas le propos de Fauve, pas l’intérêt du projet.

 

 

C’est assez marrant quand même, on est en plein dans la société de l’image et vous refusez les photos ?

 

 

On refuse pas les photos, on refuse d’être identifiable et en représentation de quoi que ce soit. Mais à la base ça vient juste du fait que c’est pas agréable. J’aime pas ma gueule sur les photos, j’aime pas qu’on me prenne en photo, même pour ma famille, mes potes. Vue la manière dont Fauve fonctionne c’est pas très intéressant de foutre des tronches. Les gens vont se rattacher aux visages, celui-ci il fait ça, lui il fait ça et ça s’arrête là. Fauve c’est beaucoup plus large que ça. C’est comme la vie, les gens qui vont au bureau et ceux qui n’y vont pas, c’est pas parce que tu vas au bureau que t’as une étiquette sur le front…

Le culte de l’image, de la représentation, c’est pas nos personnalités. Ça nous parle pas, on trouve même que ça rend les gens malheureux, parce que tout le monde est en représentation permanente. Par exemple, sur Facebook les gens c’est pas eux mêmes, c’est une version idéalisée d’eux même. Tout le monde se tire la bourre là-dessus parce qu’il y a un espèce de cercle vicieux. « Ah merde sa vie elle est beaucoup mieux que la mienne », l’herbe est beaucoup plus verte chez le voisin, donc tu essaies de faire pareil et tu n’arriveras jamais à suivre, c’est épuisant. Donc le mieux c’est : pas de représentation ou alors anecdotique. A la limite une photo de Fauve qui nous représenterait, ça serait une photo sur laquelle on est dans des situations les plus ridicules possibles.

Ensuite les textes sont suffisamment transparents pour qu’on ait pas à en rajouter et à coller notre gueule dessus. Quand tu sors KANE, tes parents regardent le clip et ils voient ta gueule en gros plan dessus, ça va les mettre mal à l’aise. Sans image de nous, ça permet de créer une distance et c’est beaucoup plus cohérent avec le projet. Après, en concert on est pas masqué, caché, les gens prennent des photos et c’est pas grave. Ça changera peut être et on sera peut-être détendu avec ça plus tard..

k

Pour le titre Kané, est-ce qu’il y a eu un élément déclencheur ? Est-ce que c’est une fiction ?

 

Il n’y a pas de fiction pure dans nos chansons.

k

Et sinon, qu’est-ce que vous aimez sous la jupe ?

J’aime bien la chanson de Souchon ! On aime bien ce qui est censé y avoir sous la jupe, ne pas être trahi sur la marchandise, enfin bon moi j’dis ça j’habite à Pigalle ! Moi j’aime pas trop les jupes, je préfère les pantalons, les bernudas… ! La vraie réponse c’est quoi ?

 

Il n’y a pas de vraie réponse.

 

Sous la jupe tu aimes quoi toi ?

 

La surprise.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.