Les invisibles – Pride hivernale

À l’heure où la cause LGBT ne voit pas forcément son avenir en rose (cf. les récentes manifestations « anti-mariage pour tous » et leurs débordements) et que notre douce France connaît une résurgence de réflexes conservateurs, le nouveau film de Sébastien Lifshitz rend hommage à une militance homosexuelle méritante, et se positionne ainsi comme une œuvre documentaire actuelle et nécessaire.

Les invisibles de Sébastien Lijfitz

Davantage habitué à explorer les émois adolescents et les troubles du passage à l’âge adulte – comme à travers « Presque rien » ou « Plein Sud », le cinéaste retourne vers le genre documentaire pour s’intéresser aux portraits de différents individus, hommes et femmes, nés durant l’après seconde-guerre mondiale. En couple ou vivant seul(e)s, citadins ou ruraux, avec ou sans enfants, ces individus ont pour point commun d’être homosexuels et d’avoir choisi de le vivre au grand jour, à une époque où la société entraînait une forte stigmatisation.

Sous l’œil attentif de Sébastien Lifshitz, ces « invisibles » retrouvent une nouvelle forme d’existence, et investissent le cadre filmique comme un espace de liberté et de dialogue. Bien que l’itinéraire de chacun soit en effet mis en images à travers des archives personnelles, c’est bien la parole qui occupe rapidement la place centrale du film, et leur permet de sortir enfin de l’ombre et de l’oubli. Interrogeant des individus aux origines sociales et aux destins variés, le réalisateur offre à ces hommes et à ces femmes une liberté de ton qui met en lumière une spontanéité extrêmement touchante.

Des « biqueettttttessss, biqueettteess ! » d’un berger évoquant sans pudeur ses premières expériences du désir au discours plus élaboré d’un « ex-sciencepoiste », la prise de parole devient elle-même un acte militant et souligne la capacité de ces individus à se mettre à distance vis-à-vis de leur propre passé. Le militantisme s’apparente alors à une liberté d’être et se donne à voir à travers des séquences drôles, isolant des instants légers de la vie quotidienne comme avec ce couple qui arpente leur futur lieu de mariage. Sébastien Lifshitz fait ainsi de la nature un véritable motif visuel et narratif, qui exploite un format scope – habituellement réservé aux long-métrages de fiction – comme pour mieux romancer des moments familiers.

Le réalisateur privilégie également des mises en situation qui poussent ces individus à un exercice de confidence inédit, laissant l’émotion surgir de la simple captation d’un repas en famille ou de la confrontation d’une femme avec ses propres origines. Attentionné et vigilant, l’œil du cinéaste développe donc une profonde affection envers ses propres sujets, et parvient à éviter le piège d’une banale compilation de portraits grâce à un découpage qui croise les trajectoires et souligne les contours d’un militantisme courageux. De quoi offrir à ces hommes et à ces femmes, à travers le genre documentaire, l’occasion de laisser derrière eux une belle empreinte sur le monde.

Sortie en salle mercredi 28 novembre 2012
Le site officiel du film
La bande annonce :

Sacré César du meilleur film documentaire 2013.

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