Les Londoniennes se mettent au drag

Il y a quelques semaines, on vous disait combien on était fans de Broadly (le média du groupe Vice dédié aux femmes) et surtout de ses reportages comme celui qui suivait la musicienne JD Samson dans sa quête nostalgique des derniers bars lesbiens des US.

 

london female drag

 

Quand les filles s’approprient le drag queen

Quelques semaines plus tard, Broadly a remis le couvert avec un nouveau court documentaire assez cool, consacré à trois jeunes drag queens londoniennes qui ont une particularité : celle d’être des filles cisgenres. Comme l’expliquent les performeuses, endosser le rôle de drag queen est avant tout un outil d’empowerment, un moyen pour elles de s’approprier l’espace public en forçant le regard des passants.

 

Dans le reportage, elles évoquent aussi les réactions négatives et parfois misogynes de certains gays qui refusent de voir des femmes devenir drag queens.

 

Historiquement, les drag queen shows ont longtemps été un moyen pour des biohommes, souvent gays, de caricaturer à l’extrême une féminité qui leur est refusée par la norme. Comme l’a théorisé Judith Butler dans « Critically Queer », ce que la performance drag donne à voir ne serait donc pas l’expression honnête du genre du performeur, mais bien une réaction à des codes et à des interdits sociaux.

 

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Queer the drag

Pourtant, malgré les critiques des gays qui y voient une forme d’appropriation culturelle, une démarche presque similaire est à l’œuvre chez les performeuses de Londres. Comme l’explique Victoria Sin, c’est bien la lecture de Butler qui a influencé sa démarche : « Être drag est un outil qu’on utilise. Ca équivaut à devenir une sorte de clown du genre. Il s’agit de parodier ces constructions culturelles que nous avons pour bousculer la façon dont nous pensons le genre. »

 

En se réappropriant et en queerant le drag, ces filles démontrent une fois encore l’aspect artificiel de la féminité exacerbée. Le documentaire illustre bien la dimension cathartique de cette expérience chez les filles comme chez les garçons, même si le but pour ces premières est de caricaturer une norme qui leur est non pas refusée mais au contraire imposée.

 

La performeuse Lolo Brow, éduquée dans une école tenue par des nonnes afin de devenir une lady, raconte en riant comment cette expérience l’a préparé à devenir drag queen plus que n’importe quoi d’autre, puis résume : « Le drag ne se limite plus nécessairement à un homme qui s’habille en femme. C’est devenu une forme d’art, c’est devenu une culture. Et les femmes ont une place là-dedans autant que n’importe qui. »

 

Et Victoria Sin de conclure : « La féminité n’appartient pas aux femmes, et elle n’appartient pas aux hommes non plus. »

 

Matthieu F. – Twitter : @Matthieufoucher