Tangerine Your Face – Critique d’une bombe acidulée

Si vous pensez que votre dernière veillée de Noël a été houleuse voire chaotique (vous et vos envies terroristes, coincé-es à table des heures durant entre votre oncle manif-pour-tous et votre cousine complotiste), c’est que vous n’avez toujours pas vu Tangerine. Pas de panique : ce petit bijou cinématographique de Sean Baker, acclamé dans les festivals depuis sa sortie en 2015, est enfin programmé aux Halles où il fait même un très bon lancement.

tangerine - film culture trans - Friction magazine shemale

Un film ultra-coloré tourné à l’iPhone

Nous sommes à Los Angeles, un 24 décembre. Sin-Dee Rella, une jeune et jolie femme trans de couleur, sort d’un mois en prison. Pour fêter ça, elle retrouve sa pote Alexandra à Donut Time pour partager un donut de Noël. Les deux copines sont de bonne humeur et échangent joyeusement des potins, jusqu’à ce qu’Alexandra fasse la boulette du siècle : annoncer à Sin-Dee Rella que son jules Chester la trompe avec une pimbêche blanche. S’ensuit une dérive déjantée à travers la ville, la belle à peine sortie de taule étant bien décidée à régler ses comptes avec son mac de mec et surtout avec Dinah la pute (ici au sens propre).

Tourné à l’iPhone 5s et à l’aide de l’appli Filmic Pro, Tangerine est une pépite indé comme on aimerait en voir plus souvent : avec sa bande son détonante, sa photographie pétillante et saturée, ses punchlines toutes les 30 secondes et une caméra perpétuellement en mouvement, on n’a pas le temps de s’ennuyer.

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Des actrices issues de Los Angeles 

Pourtant, malgré ses images colorées (le orange, qui domine le film, aurait inspiré ce titre qui se traduit par mandarine), malgré son ton tragicomique et ses répliques hilarante (une partie des dialogues a été improvisée), Tangerine nous expose sans filtre le quotidien difficile de ces femmes trans de couleur coincées entre prostitution, violence et crystal meth.

Elle-même ancienne travailleuse du sexe, Mya Taylor [Alexandra] aurait été recrutée par Sean Baker dans le centre LGBT local. C’est elle qui lui a présenté Kitana Kiki Rodriguez, devenue depuis l’héroïne de cet étrange conte de Noël. D’après le réalisateur, les deux actrices auraient même agi comme consultantes sur le film, introduisant les co-scénaristes auprès des gens du quartier dans un souci d’authenticité.

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L’histoire d’amitié signée par Baker s’avère finalement aussi touchante qu’elle peut être drôle. On regretterait presque, par moments, que le film n’assume pas davantage sa dimension politique. Et si on reste convaincus, on espère aussi que le succès de Tangerine rassurera les producteurs frileux, et surtout ouvrira la voix à d’autres chef-d’œuvre du genre.