A la première édition du WHOLE festival : voyage au bout de la Nacht

WHOLE festival © Rafael Medina

Pour la couverture de la première édition très spéciale du WHOLE FESTIVAL – United Queer Festival (25-27 août 2017), Friction a envoyé deux reporters sans frontières : Docteur Celio et Renée Kotti, dont voici le récit à quatre mains.

DÉFINITION DES TERMES DU SUJET

Dans la vidéo promotionnelle du WHOLE festival et la description de l’événement, le ton est annoncé (traduction de la rédaction) :

“Venant des trous que la scène berlinoise vous a apportés, rampe et naît le dernier WHOLE – United queer festival – un espace commun pour toutes les façons et méthodes de connecter nos trous, une célébration de tout ce qui fait de nous un tout.

Queens, Kings, criminels et queers:
Il n’y a pas de larmes pour les créatures de la nuit.
Nous sommes venus ensemble pour être défaits, ne devenir plus qu’un,
Comme la biologie pure ou la prophétie de l’histoire,
Et à la fois échappant et rejetant ce qui ne peut nous contenir, qui ne peut se protéger de nous.
Bienvenue à tous !”

Le WHOLE FESTIVAL – United Queer Festival, dont la traduction littérale est “TOUT FESTIVAL – Festival des Queers unis”, joue en anglais sur la ressemblance graphique entre tout (whole) et trou (Hole)… Et c’est bien l’un des derniers trous en date creusés par la scène queer berlinoise où tout et n’importe quoi se rassemblent.

Concocté par les collectifs queers, experts en programmation, PORNCEPTUAL , TRASHERA , MEMBERS, FEMALE:PRESSURE, LIBER NULL BERLIN, RIOT et G DAY , le festival se définit comme “utopique et sex-positif” et limite le nombre de participants à 1 000 personnes “ouvertes d’esprit”. C’est quasiment un goûter d’anniversaire en comparaison avec les 70 000 participants du Fusion Festival. C’est aux abords du lac Bergheider, dans le Brandenbourg (état fédéré qui entoure la ville-état de Berlin), dans un décor lunairo-tchernobylesque et sous un soleil peu connu de la zone, que s’est déroulée cette première édition.

Des créatures politisées et déconstruites (voire détruites…Cela fait beaucoup de truites tout ça ma foi), venues des cinq continents, atomisant toute notion de genre, d’accoutrement et de pudeur, ont dansé, non-stop, sans interruption, sans interrupteur, pendant deux nuits et deux jours. On se croirait à l’ONU en colonie de vacances, pleine de bonnes résolutions. Seul un incident a été relevé : un vol de tartines dont nous furent les matinaux témoins.

LES PRÉPARATIFS : LE SAC N’EST PAS FAIT

Réfléchies, nous avions prévu bien à l’avance tout ce dont nous n’avions pas besoin ! Doc Celio, arrivait la veille, mini short, résilles et harnais dans sa valise taille cabine Easyjet, gorge et bronches attaquées par une angine, le corps parsemé de jolis bleus, directement d’Andalousie. Renée Kotti, quant à elle, attendait sagement dans le froid berlinois l’arrivée de son acolyte. Il ne restait plus que 24 heures chrono pour trouver le principal : une tente, des duvets, des k-ways et une lampe torche.  “Départ 18:34, rdv à la Hauptbahnhof” voici le message lapidaire et ambitieux de la correspondante Irlandaise de Renée, Ysolte (les prénoms ont été changés), qui avait accepté de nous accompagner dans cette nouvelle expérience. 19 :17, le Doc met la main sur une tente 3+ Quechua, non sans cacher une certaine fierté patriotique, emballe deux duvets et trois plaids et le tour est joué… enfin presque. Ni taxi, ni métro, le train est finalement décalé à 19:47, ticket de 5 personnes car “il n’y a pas de petites économies”, partagé avec notre ami galicien et son, encore un autre, corres’ irlandais. Nous attrapons le train de justesse après une course folle et des hausses de tons pour savoir comment obtenir un taxi au plus vite. Bien vite, nous voilà installées, dans un premier train, puis un second, direction le sud-est de la partie allemande de l’ex-URSS.

Deux heures plus tard, c’est  l’arrivée en gare de Finsterwalde. La proximité orthographique avec Fisterwalde nous conforte dans notre direction. Il reste toujours une dizaine de kilomètres à parcourir pour atteindre la plénitude du lac Bergheider. L’option taxi est retenue… Arrivée sur un chemin caillouteux, l’accueil est vide et isolé. Les bracelets sont remis, chaleureusement. On nous indique vaguement, du doigt, où installer le campement, dans le noir… Nous découvrirons le lendemain que nous nous sommes installées derrière le “Pissoir” et que l’on pouvait s’installer n’importe où, que de toute façon, personne n’avait vraiment prévu de dormir…

Plus de 50 heures de musique sont programmées, doublées de performances, de projections et même, apparemment, de workshops, que nous n’avons jamais trouvés.

L’événement se répartit sur 4 lieux principaux: la forêt, le dancefloor – fait de bois et de sable, de miroirs et de structures non identifiées – le Bunker et le Black Hole, à l’intérieur, et le Whole, piste au coeur d’une sorte de bâtisse en bois, formée autour d’un patio, en plein air (voir photo ci-dessous).

Les festivaliers du whole se déhanchent dans le patio du Whole. © Rafael Medina

Ajoutons un cinquième lieu: les “sanitaires” aussi appelés latrines, où Collapsella nous a offert, dimanche matin, un set aussi incroyable qu’improvisé. Perruque blonde, maquillage dégoulinant, jupe jaune et paire de couilles ballotant au rythme du son disco, à l’entrée des toilettes, entre deux rouleaux de papier hygiénique et les pots à brosses à dents.

Collapsella au toiletroom. © Benedikt Frederik au Whole Festival

INSTALLATION DU CAMP ET PREMIÈRE NUIT

La douce mélodie grondante de la techno de Marc Miroir puis celle de Boris se fait entendre au loin, dans ce qui est désigné comme le “Bunker”, tandis que nous installons le campement… Du moins, le Doc installe quand Renée sabote, se prenant pour THE CAMPER et Ysolte plante les piquets.

La tente à peu près ficelée, première exploration des lieux, périlleuse puisque dans le noir. Une forêt et des structures en bois et métal semblent nous entourer, le “Bunker” est un véritable labyrinthe, ayant deux salles, deux ambiances: le Bunker et le Black Hole; des dark rooms, una salle de cinéma, une salle de performances, des bureaux style RDA, des confessionnaux… les gentes présentes sont belles, presque oniriques. Là, une créature déambule sous une ombrelle blanche, une horde de serviteurs lui tenant sa traîne; là-bas notre ami berlinois Dagobert arbore de longues tresses grises, une couette imprimée léopard, un boubou et des chaussures méduses blanches à talons carrés. On se laisse emporter par les beats énervés, et à tour de rôle, allons nous coucher, sur le sol humide de notre humble tente.

Lendemain matin, réveil en musique, (nous dormions presque sur la scène de la “Forest”). Après avoir englouti 2 cafés et une quesadilla veggie, nous voilà reparties pour plus de 17 heures de zumba électronique : on enchaîne les mouvements de bras, de hanches, de pieds, de bassin en avant. Première remarque du Doc, la bouffe se fait rare, il va falloir taper dans les réserves ! Les danses reprennent, sous un soleil clément. Puis, nous nous rendons au bord du fameux lac, ambiance nucléaire et frictions garanties. Sur le chemin, nous rencontrons un français ravi: “do you know where is the festival?”, blague très drôle, prononcée avec un accent parisien à couper au couteau. Nous le retrouverons quelques heures plus tard, en plein échange torride avec deux créatures splendides et pétillantes, au milieu du dancefloor ouvert de la scène Whole. Mais avant, direction la plage.

Line-up du WHOLE Festival : un bon petit programme

L’AMOUR A LA PLAGE

L’expérience du lac est incroyable : les corps se mélangent et défient toute esthétique normative. Des chaînes de massages, corps nus, différents, s’organisent, proposant caresses et bien-être. C’est l’amour à la plage. Au loin, Renée flotte sur un radeau cubique, en bois, avec dix autres passagers. Une sorte de radeau de la méduse. Tout le monde se parle, partage, se laisse dériver… comme cette jeune femme, qui a manifestement ramassé des champignons, sur sa bouée licorne. Elle semble passer un très bon moment et finit par tomber de son destrier, ce qui fait beaucoup rire le bateau.

Il est à noter, pour notre plus grand étonnement, que ce lac n’est pas un endroit privatisé. Une famille allemande, composée de deux parents hétérosexuels et de leurs enfants en très bas âge, sont en train de construire des châteaux de sable parmi les festivaliers. Drôles de vacances.

Les festivaliers du whole se dorent la pilule au lac. Un moment de détente bienvenu pour recharger les batteries. © Rafael Medina

UN FESTIVAL QUI NE MANQUE PAS DE FACETTES

La nuit tombe et les naufragés se mettent à danser dans le Whole (dancefloor principal). Si la première nuit fut relativement calme, c’est bien le samedi soir que la machine se mit en branle avec l’enchaînement Ena Lind-Discodromo. La musique est bonne, tout le monde est fou. Nous réalisons alors qu’on n’est vraiment pas là pour enfiler des perles.

Le dancefloor « Whole ». © Rafael Medina

Les danseurs électrifiés virevoltent. C’est un tourbillon de couleurs, de chaînes, de harnais, de cuir, de latex, une horde de décadents du futur qui tambourine le plancher. C’est comme si tout le monde à l’unisson conjurait le sort funeste de l’humanité en dansant. Suite à la prestation musicale, vient le temps de la performance. C’est un peu là que tout bascule et que l’on passe de la prestation de qualité à l’épisode potache. Un jeune homme que l’on surnomme “le farfadet” et qui se fait martyriser à répétition (vendredi soir il se faisait déjà fouetter, mais en peinture fluo) se prend sous nos yeux effarés de la peinture phosphorescente dans le rectum puis se fait porter par ses bourreaux jusqu’à une toile où il y vente et défèque le coulis injecté. Un ange passe et surtout un immense moment de gêne et d’incompréhension. Le Whole dancefloor étant manifestement en maintenance pour préparer la prochaine performance, nous migrons vers les autres pistes de danse.

Il n’y a pas un chat sur le dancefloor, à part quelques pelés et un kick boxeur. On compte le nombre de danseurs sur nos doigts et quelques badauds mènent l’enquête, à croire que Columbo est de la partie : “mais où est passé tout le monde ?” nous demande-t-on. Après un sondage le lendemain, il semblerait qu’une majorité absolue de festivaliers soit restée sous la tente ou sur la plage.

UN DÉPART SUR LES CHAPEAUX DE ROUES

Le dimanche se termine en beauté avec les sets vitaminés de Lipstick Trash et de Oliver Deutschmann. Ce dernier rechigne à jouer jusqu’à 19 heures (horaire contractuelle selon la foire aux questions) et finit par céder au “one last track please” de la foule suppliante. Une fois la musique éteinte, il est temps de plier bagage. Pendant que nous rangeons la tente nos voisins du camping car forniquent librement. N’ayant pas de billet retour, nous manquons de peu de rater le dernier train qui nous ramènera vers Berlin. Fort heureusement, les allemands n’ont que faire des limites de vitesse et le taxi nous transporte en un temps record à la gare.

Deux festivaliers bien apprêtés. © Rafael Medina

EPILOGUE : L’APRÈS WHOLE

Comme pour la chute du mur, il y a un avant et un après WHOLE.

Comme si cela nous suffisait pas, nous nous rendons à la Cocktail d’Amore la semaine suivante et fermons le Berghain la semaine d’après. Le Docteur à la mémoire d’Asperger se prendra au jeu de compter les festivaliers présents lors de ces deux bringues. Résultat : à la Cocktail d’Amore, pas moins de 57 festivaliers répondaient présents. Espérons en compter autant l’année prochaine !

Retrouvez le reportage photo de Rafael Medina sur Facebook, sur Instagram ou sur son site.

Micro playlist pour écouter l’article en musique :

Niagara – L’Amour à la plage

Discodromo – Cosmorama

Oliver Deutschmann – Wingz

Ena Lind – The Wisdom To Know The  Difference

Aswad DJ – Mark sur le coeur

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