La montée de l’extrême-droite aux résultats des élections ces dernières semaines s’est accompagnée d’une hausse des violences à l’encontre des minorités. Les personnes trans sont tout particulièrement victimes de violences, notamment suite à la violente offensive à laquelle on a assisté au printemps dernier. Deux femmes trans, Géraldine et Angelina ont été tuées ces derniers jours à Paris et Compiègne. Ces deux féminicides transphobes nous rappellent à quel point les femmes trans sont les cibles privilégiées d’un système de domination patriarcal et cis-sexiste. Lexie (@aggressively_trans) est une activiste, autrice, conférencière et formatrice genre, inclusivité et droits LGBT+ et a alerté sur ces deux meurtres. Nous avons discuté avec elle.
Déjà, comment vas-tu ? Tu as été prise à partie violemment ces derniers temps…
Je suis dans une phase où j’évite de me poser la question. Il y a eu du travail à faire, collectivement, sur des urgences qui dépassaient beaucoup de choses, j’ai essayé d’aider et participer. Ça a des conséquences, j’espère qu’on arrivera à d’aménager du temps et de l’espace pour le gérer. Et en ce moment là ça sera l’effondrement avant d’aller mieux à nouveau, parce qu’on est résilient.es.
Comment as-tu vécu la séquence politique qui a suivi la dissolution en tant que meuf trans ?
Je suis pessimiste. Ma première pensée ça a été “ils (l’extrême droite) vont y arriver et nous avoir”. Ça a été mille scénarii qui vont très vite sur toutes les mesures de violences sociales qui pouvaient arriver, des plus réalistes aux plus cataclysmiques. Évidemment la communauté trans a eu juste avant ça une actualité législative transphobe au Sénat, et ça a fait sur renforcer le sentiment de menace imminente. Et avec le fait de décortiquer, on se souvient sur le racisme, la xénophobie, l’islamophobie, l’antisémitisme c’est le socle de cette menace. Donc on ça ravive toujours plus l’urgence de faire convergence.
On a assisté à une violente offensive transphobe au printemps, est-ce que la progression du RN dans les suffrages a renforcé ce climat ?
C’est certain. Et l’entre deux tours l’a rappelé : Macron s’est saisi du sujet transphobie pour se donner l’image du gardien de la raison et la société pure, comme l’a fait en premier lieu l’extrême droite. Et avec le chaos dans la configuration actuelle, il va y avoir des tractations, c’est le risque aussi de voir les sujet vendeurs devenir encore plus perméables au centre et à droite, et nous toujours plus exposé.es et menacé.es avec le seul bloc de gauche comme refuge.
On a encore l’espoir d’un gouvernement de gauche : quelles sont les mesures politiques à prendre pour assurer la sécurité des personnes trans ? Et lutter contre la transphobie ?
Aujourd’hui il faut revoir les bases psychophobes, l’eugénisme social qui dicte toute notre façon de traiter les personnes trans. Faciliter les transitions, les rendre gratuites, dépsychiatrisées, déjudiciarisées. C’est imposer des moments d’éducation dans le public et le privé. Des chartes de protection des droits trans, construire une vraie égalité dans les droits reproductifs, parentaux. Des définitions claires et fermes de la transphobie… assurer une possibilité d’accès à l’emploi, au logement… punir l’impunité médiatique et sociale des expressions de transphobie totalement décomplexées… c’est titanesque.
Les personnes trans sont souvent contraintes de prendre soin les unes des autres dans une certaine indifférence de la part des personnes cis : quelles sont les ressources dont peuvent disposer les personnes victimes de transphobie ?
Elles sont aujourd’hui presque exclusivement communautaires. C’est les forums, les boucles d’échanges, les groupes de parole. Les associations qui proposent des dépistage, de l’écoute, de l’accompagnement légal et administratif…. Humainement on est aussi souvent les seul.es à se donner compassion et dignité sans conditions. Et après, hors de moments d’urgence, on a un monde quand même riche de représentations et de culture qui nous permet une évasion et des perspectives nouvelles, plus épanouissantes, de vie. Dans le jeu vidéo, les zines, la musique…
Quelles sont les actions, les solidarités qu’on peut construire pour lutter contre les violences transphobes ?
Je crois que c’est aussi faire de la place aux personnes trans là où elles seront pertinentes sans que ça parle forcément de transidentité et de transition. C’est ouvrir une société qui voit le regard trans comme une richesse même hors de sa propre niche. Ça commencera par nous laisser parler de nous et nos identités sans nous dicter une parole dépolitisée et lisse.
C’est aménager les associations et les institutions en amont même d’une présence trans pour que le sujet se fluidifie. Ça passe aussi par des questions matérielles : des financements aux associations communautaires notamment.