Les femmes dans la musique électronique sont moins rares qu’on veut bien nous le faire croire, d’ailleurs, souvent, celles qui réussissent perdent de vue le fait qu’elles ne sont pas la règle, mais l’exception qui la confirme. Les line up paritaires sont encore trop peu nombreux et peu de clubs s’engagent sur des programmations exclusivement féminines. Ce mois-ci, la Java programme trois musiciennes, Marion Guillet, l’organisatrice des soirées Vie Garantie, dont la dernière a eu lieu le 9 septembre, Owlle qui jouait à la Gang Bambi XXL (et dont nous étions partenaires) et Margie qui jouera lors de la soirée Belleville Boogie, le 23 septembre prochain. On a tenu à rencontrer ces trois artistes qui font la Java en septembre ! Interview croisée.
Friction : Si vous deviez vous présenter chacune en quelques mots, vous diriez quoi ?
Owlle : Mon nom de scène est Owlle, comme hibou en anglais mais féminisé. Je suis songwriter et je viens tout juste de finaliser mon deuxième album.
Marion Guillet : Je suis Marion Guillet, dj et dessinatrice, je fais également de la radio et j’organise des soirées.
Margie : Je m’appelle Mijke Hurkx, écrivaine et DJ. Sous le nom de Margie, je joue et j’anime une émission de radio mensuelle sur la radio d’Amsterdam Red Light Radio et j’ai co-créé le fanzine Rush Hour’s House of Music.
Vous êtes-vous déjà rencontrées en vrai ? Est-ce que vous connaissez le travail les unes des autres ?
Owlle : Pas encore mais il me tarde de faire leur connaissance.
Margie : Je pense que le travail visuel de Marion est très beau. Je l’ai d’abord découvert par la pochette qu’elle a faite pour « Black Deer » de Willie Burns. Mais en dehors de son art, je ne sais pas grand-chose d’elle, pour être honnête.
Si vous deviez utiliser un mot pour définir la soirée à laquelle vous participez, ou que vous organisez, et son ambiance, ce serait quoi ?
Owlle : « réjouissante » !
Margie : « Lovely. » J’ai joué pour Martin Malin à la Rotonde en janvier et c’était « super lovely ». De super danseurs et danseuses et des amateurs de musique !
Marion Guillet : « Vie Garantie » est un peu l’idée de la soirée et donc son nom.
Ça change quelque chose, pour vous, d’être une femme derrière les platines ?
Marion Guillet : Non, je ne m’intéresse pas tellement au genre d’un dj, je pense toujours à la musique en premier.
Owlle : C’est un exercice que je fais occasionnellement, étant plus habituée aux concerts. Je n’ai jamais ressenti la difficulté d’être une femme dans ce rôle de dj jusqu’à maintenant. Je pourrais davantage parler de mon expérience en tant que musicienne, chanteuse et des différences que j’ai pu noter au cours de ma encore jeune carrière.
Margie : Je suppose que oui. Être une femme dans ce monde est résolument différent d’être un homme. Ça n’a rien de nouveau. Les hommes ont du mal à percevoir les questions que posent les différences de genre. Peut-être parce que les femmes restent une minorité dans le monde [de la musique électronique, ndr]. Ce serait intéressant d’entendre davantage d’hommes à ce sujet, je pense. En ce qui concerne le fait de jouer, je ne sais pas. J’aurais tendance à pense que les femmes DJ ont une approche différente de celle des hommes… mais je ne suis pas sûre de savoir en quoi. De plus, ce n’est pas vraiment un sujet qui me préoccupe, je suis très heureuse de partager des instants musicaux ou non […] avec des gens inspirants de façon générale, plutôt sur un sound system qui rende le mieux possible leur travail.
D’après vous, est-il compliqué d’être une femme dans le monde de la nuit ? On entend souvent que c’est un milieu très masculin…
Owlle : Je crois que cela nous demande plus d’efforts que les hommes oui. Il faut souvent s’adapter, s’imposer face à des individus qui ont parfois encore un peu de chemin à faire. Le monde de la nuit m’est familier donc je me sens capable de réagir aujourd’hui mais ça n’a pas toujours été le cas. J’ai tout de même la forte conviction que les choses bougent et dans le bon sens.
Marion Guillet : Il est compliqué je pense d’être une femme dans beaucoup de milieux, pas seulement celui de la nuit. Il y a toujours du sexisme, mais les choses évoluent heureusement.
Margie : Oui, ça doit être le cas. C’est plus difficile d’être une femme en règle générale, dans tous les domaines. C’est un monde d’hommes. Si tu considères les statistiques concernant les salaires, c’est déjà très net. En ce qui concerne le monde de la nuit, je pense qu’il est important pour les femmes de voir que de plus en plus de femmes DJ le font, donc ça doit être possible et fun. Pour être honnête les différences entre les genres ne me préoccupent pas beaucoup, j’ai toujours privilégié la musique […].
Est-ce que la visibilité des meufs dans la musique électronique est une dimension que vous prenez en compte, dans vos bookings par exemple, dans vos choix de soirées ?
Marion Guillet : Je pense à la musique de prime abord, puis à booker des artistes qui ont pour moi un manque de visibilité. Je ne m’intéresse pas au genre des artistes.
Owlle : Pour ma part, je suis davantage curieuse lorsque je vois une programmation qui équilibre ou privilégie la scène féminine.
Et pour finir, si je vous dis, « friction » qu’est-ce que ça vous évoque ?
Margie : Je ne suis pas sûre de comprendre la question…
Owlle : Ça m’évoque une tension mais qui produit quelque chose de positif. Un échange, parce que justement, il y a un désaccord.
Marion Guillet : Ça m’évoque un truc un peu ambivalent, énergique mais qui fait un peu mal, avec un côté baston, mais pas trop.
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Belleville Boogie à La Java sur Facebook, c’est là.