Selon notre zone géographique et notre connaissance du milieu du livre, on peut avoir du mal à trouver des publications féministes pour découvrir de nouvelles plumes ou soutenir ces efforts : on a soit les grosses plumes déjà connues qui publient dans de grosses maisons assez larges politiquement (Virginie Despentes chez Albin Michel par exemple, qui publie aussi des gens comme Nathalie Heinich), soit quelques exemples bien connus mais rares : Zones, La Découverte pour les essais, la collection Sorcières chez Cambourakis, Talents hauts pour la jeunesse et La Déferlante côté revues.
Or, dans un contexte de concentration de l’édition, où les maisons s’agglutinent en gros groupes dominés par des patrons pas franchement féministes (pour dire le moins) qui, marchands de livres comme marchands d’armes, se servent des deux pour les mêmes objectifs, rechercher, connaître et soutenir des maisons d’édition féministes n’est pas accessoire.
Une maison d’édition féministe, c’est quoi ? C’est une maison qui positionne clairement et ouvertement sa ligne éditoriale comme féministe. C’est une maison, évidemment, qui publie des textes féministes. Cela n’a pas forcément à être des manifestes avec le mot patriarcat à toutes les pages : il s’agit d’un angle avec lequel on peut raconter n’importe quelle histoire. C’est une maison qui veille à accueillir des voix minorisées. Enfin, c’est une maison qui tente d’appliquer des principes féministes dans son fonctionnement. Tout ceci est très concret.
C’est Daronnes qui accompagne dans l’écriture ses autrices pour faire émerger les voix éloignées de l’écrit. C’est Blast qui mêle esthétique et engagement pour lancer des appels politiques par le sensible. C’est La ville brûle qui aligne des romans graphistes féministes incendiaires. C’est la nouvelle équipe du Passager clandestin qui transforme la maison en Scop. C’est Goater qui lance « UniversELLES », une collection sur le matrimoine pour réinscrire dans l’histoire littéraire les autrices effacées, et accueille dans sa collection de SF « Rechute » des premiers romans et des traductions d’auteurices qui bouleversent enfin les mondes imaginaires rêvés ou craints par des hommes blancs.
Ces maisons sont nécessairement indépendantes. Souvent, elles impriment en France, se montent en coopératives, sont diffusées par un diffuseur militant comme Hobo, refusent d’être distribuées par Amazon.
Dans un ensemble plus large, vous pourrez trouver des livres féministes chez Anamosa, Les éditions du commun, Premiers matins de novembre ou encore L’Oie de Cravan.
Lire Ursula Le Guin, Monique Wittig, Virginia Woolf et Roxane Gay, c’est super. Mais ce qui fourmille aujourd’hui, encore vert, parfois douteux, d’une acidité réjouissante ou d’une douceur inconnue, j’en suis persuadæ, ce sont les maisons d’édition indés féministes qui vous le feront goûter.
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(Retrouvez des portraits de plusieurs de ces maisons sur https://rafaellegm.wordpress.com/articles/, rubrique « Entretien »)