Hasard du calendrier imposé par Macron, le premier tour des législatives aura lieu le lendemain de la Pride parisienne. Celle de Marseille, un jour avant le second tour. Et au fil du mois de juin, et ce comme chaque année, s’égrainent une bonne partie des autres marches. Une concordance des dates qui nous incite à faire de ce mois des fiertés un mois réellement antifasciste et qui soutient l’union des gauches.
Bien entendu, cette exigence ne date pas d’hier. Depuis de nombreuses années, plusieurs collectifs et orgas tentent de repolitiser la période des Prides : prides de nuit, prides radicales, prides des banlieues… Par leur influence, plusieurs revendications, notamment antiracistes, ont pu être mises en avant. Toutefois, ces événements, bien qu’importants, restent centrés autour de la région parisienne. Et encore aujourd’hui, beaucoup de marches des fiertés peinent à sortir d’un discours simpliste, qui, en se voulant fédérateur, se montre toujours timide et convenu. Cela fait bien longtemps que nous sommes lassé⸱es de mots d’ordre mous, parfois bien éloignés de nos préoccupations du moment. Certains communiqués se suivent et se ressemblent, évoquant l’homophobie et la transphobie sans complètement nommer nos ennemis politiques. Pourtant, et particulièrement pendant cette vague transphobe qui s’abat sur notre pays, il est très facile de trouver les noms de ceux qui menacent nos existences. Et hier comme aujourd’hui, défiler avec une association LGBT de membres des forces de l’ordre nous est toujours insupportable, en particulier après une année marquée par les violences policières, qu’elles soient commises contre les personnes racisées et/ou LGBT.
Beaucoup d’organisations de Pride osent communiquer sur l’homonationalisme et le danger de l’extrême-droite. Minimum syndical mais minimum à noter. Et puis quitte à rappeler sans cesse que la première Pride était une émeute, il faut au moins en garder deux trois héritages minimum, n’est-ce pas ? Toutefois, il nous semble primordial qu’elles évoquent aussi les législatives de manière frontale, qu’elles se positionnent en soutien de l’union des gauches. Continuer à se montrer conciliant⸱es avec le macronisme est toujours insupportable, qui plus est lorsque le gouvernement continue de jouer avec le péril fasciste pour nous pousser à le soutenir électoralement. Nos existences n’ont pas à être le prix d’un pari législatif du Président, qui par ailleurs, continue à soutenir et pratiquer une politique colonialiste en Israël comme en Kanaky.
Si construire d’autres prides qui se disent davantage politiques est une volonté louable, il reste toujours nécessaire d’investir celles qu’on qualifierait de “principales”. Ce sont elles qui attirent le plus nos allié⸱es, des hétéros qui viennent juste s’amuser ou des LGBT isolé⸱es qui ne sont auprès de la communauté qu’en cette période-là. Les prides sont un bon moyen de les sensibiliser à nos luttes, à nos revendications et à la nécessité de faire barrage aux législatives. De plus en plus, le simple fait de célébrer nos existences et imposer notre visibilité ne suffit plus.
A l’opposée d’une vision assimilationniste, il est normal d’en attendre des Prides qui se disent davantage révolutionnaires. Bien que les revendications politiques soient au cœur de leurs mouvements, peu d’entre eux mentionnent les législatives. Appeler à voter pour le nouveau front populaire n’est pas forcément antithétique d’une vision radicale. Nous savons bien que notre libération ne passera pas complètement par les urnes ou un vieux membre du PS. Nous savons que nous sommes les otages utiles d’un système qui nous oblige à voter pour des élu⸱es auxquel⸱les nous ne croyons pas véritablement. Nous savons que la lutte dure toute l’année. Toutefois, choisir ses futurs adversaires politiques et éloigner l’extrême-droite du pouvoir reste plus que jamais nécessaire.
On le sait, certaines organisations de Pride sont fragiles, notamment celles qui ont lieu dans de petites villes. Elles s’organisent souvent avec très peu de moyens et ont déjà le mérite d’exister, dans des environnements parfois très hostiles et d’extrême-droite. Là aussi, il devient urgent de les soutenir et de les encourager à évoquer tous les enjeux en cours, y compris pour sensibiliser dans certaines régions les plus touchées par le vote RN.
La Pride est également un événement festif, évidemment. Cette année, il est primordial que les organisateurices d’évènements rappellent que l’after le plus important se passera au bureau de vote. Beaucoup l’ont déjà fait, comme Discoquette ou Barbiturix. Un effort qui doit continuer à être déployé, porté par les DJs et les artistes qui animeront nos évènements.
Malgré tout ce que les organisations de Pride font ou ne font pas, ces événements sont incarnés par notre présence. Les associations qui peuplent les marches ont aussi leurs mots d’ordre, leurs revendications. Plus que jamais, nous comptons sur elles pour qu’elles évoquent également les législatives. Nombre d’associations vitales pour le soutien des personnes trans précaires, des séropos et des exilé⸱es LGBT ne pourraient pas continuer à recevoir des subventions sous un gouvernement RN. Par ailleurs, tout comme les marches féministes du mois de mars ont évoqué Gaza, le mois des fiertés doit aussi être l’occasion de dénoncer l’instrumentalisation des vécus LGBT quant au génocide perpétré en Palestine. Oui, nos revendications sont nombreuses, à l’image de toutes les attaques dont nous faisons l’objet. Nous avons le devoir d’être à la hauteur, aussi bien individuellement que collectivement.
Cette année et comme toujours, il n’y aura pas de fierté sans anticapitalisme, pas de fierté sans Gaza et pas de fierté sans antifascisme.