Représenter la musique « trans » dans toute sa richesse et sa diversité : rencontre avec Scarlett curatrice de la playlist Trans Culture

Couvre x Chefs est une plateforme de diffusion live et digitale de club music émergente fondée en 2011. Nous avons rencontré Scarlett, elle-même musicienne et DJ et curatrice d’une playlist Trans Culture destinée à mettre en avant les artistes trans émergent·es.

© Julien Fallecker

Est-ce que tu peux te présenter et nous présenter Couvre x chefs ?

Je m’appelle Scarlett et je suis une meuf trans productrice, musicienne et DJ. Couvre x Chefs est un média / label / crew fondé par Philou CxC dont je fais partie. 

Vous vous donnez comme but de faire découvrir des artistes émergents : comment les découvrez vous ?

On a la chance d’avoir acquis une visibilité suffisante pour que les labels et les artistes nous contactent directement et nous fassent confiance pour faire des premières et parler avec sincérité et bienveillance de leurs nouvelles sorties. C’est un privilège et on essaye d’être à la hauteur. 

Les artistes, comme tout un tas de catégories de la société et de la société, sont menacés par le programme de l’extrême-droite : comment envisagez-vous l’avenir de la musique et les possibilités de créer et d’innover ?

Avec beaucoup de difficulté, mais j’ai le sentiment que c’est dans ces moments là que la création musicale est précieuse et vivante, de même que les soirées qui sont des moments essentiels pour se rappeler que le monde est beau

Tu élabores également la playlist Trans Culture qui met en lumière des artistes trans, est-ce que tu peux nous en parler ? Comment as-tu sélectionné les morceaux qui figurent sur la playlist ?

L’idée derrière cette playlist, c’est de composer une sélection qui se fout complètement du genre musical et qui présente la musique « trans » dans toute sa richesse et sa diversité. On parle souvent de tokenisation et je fais un peu le constat amer de ce qu’on voit avec Arca & SOPHIE, deux artistes pour lesquelles j’ai bien entendu énormément de respect, mais sur qui les gens s’arrêtent et se disent, j’ai fait l’effort d’écouter des personnes trans, ma curiosité ne va pas plus loin. Alors que non, on continue de créer, on continue d’expérimenter et d’innover, tout en restant anonymes et précaires. Je voulais tenter de répondre à cette problématique. Pour aller plus loin je trouve ça extrêmement dur que l’artiste trans la plus connue et la plus admirée (SOPHIE) soit une personne morte, comme si c’était le seul moyen d’accéder à la reconnaissance grand public. Il y a un travail d’archivage et de mise en valeur qui manque et cette playliste tente tant bien que mal de combler ce vide.

Les artistes peuvent-ils et elles proposer leurs sons ? Comment peuvent-iels le faire ?

Absolument, il faut que la musique proposée soit sur Spotify idéalement, mais on décline aussi la playlist en une liste buymusic.club qui permet de partager les liens Bandcamp. Nous ne ferons jamais aucun gatekeeping pour les personnes qui proposent leurs musiques : if you think you belong, you belong. Sinon un simple mail à transculture@couvrexchefs.com⁠ suffit.

De nombreuses personnalités subissent déjà énormément de violences, à l’instar de Lexie par exemple que nous avons rencontrée il y a peu, dans un climat politique extrêmement angoissant. Comment peut-on penser les enjeux de visibilité des personnes trans dans une période où les violences à l’encontre des minorités sont de plus en plus nombreuses ? 

J’ai une immense admiration pour Lexie que je suivais déjà avant ma transition et je salue son courage et sa détermination. La visibilité est toujours à double tranchant, en particulier pour les minorités, et spécifiquement pour les personnes trans. Je ne jetterai jamais la pierre sur les adelphes qui ont le luxe d’être invisibles et qui choisissent de l’être, quelles que soit leurs raisons, mais à titre personnel je pense qu’on doit notre existence et notre survie, entre autre, à des femmes trans bruyantes, sans véritable passing, visibles et irrévérencieuses. Je crois fondamentalement que c’est leur faire honneur que de reprendre le flambeau et d’essayer de faire de même, autant que l’on peut.

Même si Trans Culture n’est qu’une simple playlist Spotify et que c’est un travail assez « léger » en comparaison au travail de médiation que fait Lexie, je pense que c’est un travail aussi essentiel d’archivage et d’affirmation. Nous sommes des personnes trans, artistes et producteur.ices, et nous méritons de ne pas être ignoré.e.s et oublié.e.s