Toro/Azor a toujours fait plusieurs choses en même temps. Elle écrit, compose et produit de la musique. Elle joue de plusieurs instruments et s’intéresse aux musiques traditionnelles. Elle mixe et fait des podcasts. Bref, Toro/Azor sait tout faire et elle nous l’a démontré dans le morceau « Somnifère » premier extrait de son prochain EP Figurines à sortir tout bientôt.
Est-ce que tu peux revenir un peu sur ton parcours ?
Je collabore avec d’autres artistes, et j’adore faire partie de collectifs, je commence à les collectionner : çhâñt élečtrónïqùe, Fortune Collective, Fin d’Race. J’ai appris à faire de la musique avec mes meilleurs amis de Le Vasco, en même temps je me suis formée avec le chant lyrique, la guitare jazz, la lumière, le théâtre. Je viens de la banlieue sud de Paris.
Il y a de très nombreuses influences musicales dans ta musique. Quels sont les genres musicaux qui te parlent ? Comment tu expliques cette variété ?
L’EP Figurines s’est fait à tâtons, à partir de sujets intimes. Ce sont des chansons, aussi pour moi c’est super important qu’elles puissent être jouées autant guitare-voix qu’avec des drum machines. Alors ça laisse la porte ouverte aux influences ! Je suis marquée par le sound design et les rythmiques de la bass music que j’écoute et que je mixe en djset. Dans le même temps, je veux raconter des histoires qui tiennent en peu de mots mais qui restent dans la tête. En ce moment j’écoute Lucrecia Dalt, Cartola, S8jfou et Carmen Linares.
Comment produis-tu ta musique ? Parle nous de ton processus de création…
Ça se passe à trois niveaux plus ou moins simultanément. Les textes des chansons de Figurines sont comme des collages de mots qui ne sont pas de moi, tirés de conversations que j’ai eues avec des femmes autour de moi. Je travaille le squelette de la chanson en guitare-voix, ou en collaboration, avec Nils Peschanski sur Poudre à Canon et Rasheeda Khobza sur L’autre sens, deux autres chansons de l’ep. Je commence la production avec des machines pour trouver le son et le groove et je continue dans le détail du sound design et des arrangements. Ensuite j’ai fait le mix avec Sébastien Forrester et Paulie Jan.
Tu parles d’anesthésier les voix qui viennent nous pourrir la tête dans Somnifère. Pourquoi ce sujet ? Peux-tu nous parler également des thèmes qui t’inspirent et te font écrire ?
Somnifère c’est une histoire d’insomnie – je parle des pensées qui envahissent le crâne entre 4 et 5h du matin, font monter l’angoisse, et dont on se réveille fatiguée. C’est aussi la confrontation avec les moments chez nous ou chez les autres où la raison n’est plus exactement à sa place, plus assez en phase pour se faire comprendre.
Avec un peu de recul, je me rends compte que j’écris des micro-scènes où, de l’intérieur des personnages, on comprend ce qui est en train de se jouer pour eux. J’aime faire voir pour faire sentir les émotions.
Ta démarche est résolument féministe. Est-ce que tu peux nous en parler ?
Ça a commencé comme un processus pour me sentir mieux. J’ai eu besoin de parler à d’autres femmes pour les entendre dire comment elles se sont senties devenir femme – ou sur ce qu’être fille ou femme a eu comme conséquence sur leur vie, sur leur rapport aux autres et sur leur création. Elles étaient d’accord pour que la conversation soit enregistrée et que leurs mots puissent devenir les paroles de mes chansons. A force de conversations, je me suis rendue compte que nos expériences et nos ressentis sur ce qu’était pour chacune la condition de femme pouvaient être très différentes, mais qu’il y avait toujours une impression de défaut, de culpabilité de n’être pas assez ou pas à sa place. On a pu se dire : « j’ai la voix trop forte » ou « j’ai la voix trop douce » ; on s’est trouvées plus ou moins « féminine », toujours trop ou pas assez. J’ai perçu que pour toutes c’est un long chemin pour se sentir au bon endroit. Et d’une certaine manière, ça allait mieux dans ma tête quand je me suis rendue compte que le problème était systémique. Alors là j’ai eu envie de lire, d’écouter et de rencontrer des personnes pour comprendre que le féminisme c’est une lutte anti-système.
Quelle est la suite pour toi ? Des concerts sont-ils prévus ?
Mon premier EP solo Figurines sort le 2 juin sur le label de Fortune Collective, collectif multidisciplinaire d’artistes avec qui on organise le Festival de Fortune en juin à Paris. Je serai au Festival Palmipède à Palaiseau le 21 avril. Je prépare aussi une release party pour laquelle je vais inviter les artistes qui ont participé à l’élaboration de l’EP à montrer leurs créations, pour que ça soit un moment beau et drôle à vivre.