St Graal : une plume affûtée pour raconter l’amour sous toutes ses formes

« D’aussi loin que je me souvienne, il y a toujours eu l’envie de faire de la musique » St Graal nous le dit d’emblée : faire autre chose n’était pas une option. Pourtant, choisir de faire carrière dans la musique et la chanson n’est pas le choix de carrière le plus simple ni le moins risqué. Mais à force de travail et de détermination, St Graal s’est bâti une solide réputation à tel point que Télérama l’a récemment surnommé « l’électron top de l’électro pop ». Avant une date à la Cigale en avril prochain, il jouera au profit d’Utopia56 au Point Ephémère ce dimanche 12 janvier. L’occasion pour nous de lui poser quelques questions. 

© Ilan Brakha @ilanbrk_

C’est au début de l’adolescence que naît l’amour de la musique pour le jeune homme originaire d’Angoulême. Il prend alors des cours de guitare avec un ami de ses parents qui lui dispense un enseignement basé sur le plaisir de la musique : « il n’y avait pas de solfège, j’arrivais, je disais ‘’j’ai envie de jouer ça” et je l’apprenais. Et je me suis dit “mais je peux chanter tout en jouant de la guitare !” et ça a vraiment confirmé que je voulais faire ça ! » Il s’inscrit ensuite au conservatoire où il peaufine sa maîtrise de la guitare et en parallèle il fait de l’opéra et travaille le chant. Il commence ensuite des études de musique qu’il abandonne rapidement : « Moi, je voulais m’amuser ! » Et c’est bien cette dimension qu’a gardée sa musique depuis ses rapports conflictuels avec le solfège et ses aspects rébarbatifs. De fait, St Graal a toujours ce même objectif « ça n’aurait aucun sens pour moi que je ne m’amuse pas quand je fais de la musique. Je pense d’ailleurs que l’on peut s’amuser même dans des trucs sombres. Mon but ultime dans la musique, je pense que c’est de faire une chanson triste sur laquelle les gens peuvent danser. » 

Il pouvait sembler paradoxal qu’un artiste qui revendique une telle légèreté ait choisi un nom de scène si lourdement chargé symboliquement. On associe souvent le Graal, objet sacré doté de propriétés miraculeuses dont on trouve les premières traces dans les romans arthuriens médiévaux à une quête d’idéal, une recherche perpétuelle de perfection ou de vérité. Toutefois, ne pourrait-on pas y voir également une forme de boutade tendant à faire de l’art une quête inaccessible, un mystère insaisissable ? Rien de tout ça, et l’explication que nous donne l’artiste nous renvoie bien à la légèreté. C’est une référence à l’humour des Monty Python dans Sacré Graal qu’il faut voir dans ce nom de scène : « ça me faisait mourir de rire et j’ai eu envie de voir les choses comme une quête. J’ai envie que mon projet soit une sorte de quête, d’y cacher des choses, des petits indices à droite à gauche et de lancer une vraie chasse au trésor à un moment donné ! » 

En attendant que soit ouverte cette chasse au trésor digne des quêtes romanesques médiévales, St Graal a donné vie avec finesse aux neuf chansons de son premier mini-LP, Les Extraordinaires Histoires d’amour de St Graal. Chaque morceau est une histoire à part entière, baignée d’une tendre ironie, où l’écriture se distingue par sa finesse : « j’avais envie de représenter, à travers cet EP, toutes les histoires d’amour que je n’entends pas forcément dans les chansons. J’ai envie d’entendre parler de trucs qui soient pas romancés par le filtre des représentations d’Hollywood, j’ai envie de trucs qui parlent de polyamour, de relations gays, d’amours adolescents… » 

St Graal explore des thématiques LGBTI à la fois dans ses chansons et ses clips. Son titre Drag célèbre cette scène en mettant en lumière des drag queens et drag kings. Il a commencé à fréquenter la scène drag à l’époque où il débutait avec son projet à Bordeaux et où ses amis danseurs se tournaient vers cet univers. C’est à ce moment-là qu’après avoir enchaîné les soirées à passer du son pendant des shows drag aux Beaux-Arts de Bordeaux, il tourne le clip de « Violence » dans des hangars désaffectés de la région bordelaise. Cette proximité avec les artistes drag lui a énormément appris quant aux rapports à la scène : « ça m’a beaucoup appris par rapport à l’aisance corporelle qu’on peut avoir malgré tous nos PTSD et nos traumas. Ça m’a aussi aidé à m’assumer par rapport à ma bisexualité dans mes chansons et dans mon art.Mais je n’ai pas fait de drag parce que justement je n’ai pas de personnage. Dans mes concerts ou sur les réseaux, j’ai pas vraiment de filtre, je suis assez honnête par rapport à ça. J’aime trop le fait d’être juste moi, ça m’a permis de commencer à m’apprécier et à moins me détester, de me dire que j’arrive à être moi-même sur scène et dans ma musique et ça plaît à des gens, donc let’s go être soi-même ! »  

Le morceau Playboy dont le clip, co-réalisé par Ilan Brakha, ne nous a pas laissé indifférent·es questionne quant à lui la masculinité : « je voulais déconstruire l’image qu’on peut avoir de la virilité des relations gays à travers un clip et quoi de mieux qu’un vestiaire de sport pour ça ? Au départ, je voulais qu’il n’y ait que des bodybuilders mais j’y allais trop les deux pieds dans le plat, donc on a préféré quelque chose de beaucoup plus ouvert. C’est ça aussi la représentation. Le but, c’était de représenter chaque corps, beau comme il est, sans aucun jugement derrière » 

Et St Graal fait vivre toutes ces histoires sur scène dans des dates où le public est toujours au rdv (rappelons que le chanteur a obtenu le Prix du public aux Inouïs du Printemps de Bourges en 2022) : « Je suis tout seul sur scène et je trouve que ça permet de créer une vraie connexion avec  le public, d’être vraiment à 100% focus sur le public et c’est un peu participatif comme concert, les gens peuvent parler, on parle entre nous parfois et c’est très drôle. Justement, je ne suis pas vraiment tout seul, puisqu’il y a vraiment tout le public. Je descends énormément dans la fosse. » Et cette année, St Graal part en tournée et aura l’occasion de faire vivre ses chansons aux quatre coins de la France

Retrouvez St Graal sur scène lors du Festival Utopia 56 « Contre ces murs et ces frontières » le 12 janvier 2025 au Point Éphémère (billetterie) et à la Cigale le 2 avril prochain.