Attal à Matignon, une victoire pour qui ?

Ce 9 janvier, Gabriel Attal, jusque-là ministre de l’Éducation nationale, a été nommé Premier ministre. Le choix d’un premier chef du gouvernement ouvertement gay a été, dès les spéculations sur ce changement de poste, l’occasion pour certains journalistes ou auteurs de se réjouir de ce qu’ils considèrent comme une « victoire symbolique » pour les personnes LGBT. 

Pour la première fois, le gouvernement français a à sa tête une personnalité ouvertement homosexuelle. Une petite joie qui éclate pour l’instant sur Twitter mais qui a également fait l’objet de plusieurs articles, que ce soit dans les médias queers ou généralistes. Libération dessine ainsi un portrait presque ému de Gabriel Attal. Pour Frédéric Martel,  « il entre » ainsi « dans l’histoire », y voyant une « victoire symbolique ».

On ne sait pas si l’homosexualité de Gabriel Attal a joué un rôle dans le choix d’Emmanuel Macron de le nommer à Matignon comme le coming out d’Olivier Dussopt a fait partie d’une stratégie de communication dans le cadre de la réforme des retraites. De quel « symbole » parle-t-on ? Que sa courte carrière à la tête du ministère de l’Éducation nationale débouche sur une promotion est une victoire du conservatisme le plus sale : c’est lui qui à la rentrée 2023 signe un décret interdisant l’abaya à l’école, déclenchant par la même une vague de harcèlement sexiste et islamophobe de la part de fonctionnaires de l’Éducation nationale contre les élèves perçues comme musulmanes. C’est lui qui donne droit à la demande de la droite et de l’extrême-droite d’« expérimenter » l’uniforme à l’école, c’est lui qui met fin au collège unique, c’est lui qui souhaite restreindre l’accès au lycée. Et c’est toujours Gabriel Attal qui n’a lancé aucune enquête administrative pour le suicide du jeune Lucas. Aujourd’hui, le gouvernement dont il fait partie est sur le point de permettre un fichage sans précédent des personnes trans, à travers une « table des correspondance des noms et prénoms », comme le révèle l’Organisation de solidarité trans.

Quel est le message de cette « victoire symbolique » ? Est-ce que le gamin pédé, face à sa télé devant le 20h, se dira que lui aussi peut grappiller du pouvoir s’il se montre assez servile  ? Que lui aussi, s’il s’assoit gentiment à côté de Darmanin ou Cayeux en conseil des ministres, il pourra devenir quelqu’un ? Est-ce que ce genre de victoire symbolique ne nous prépare-t-elle pas à nous réjouir de l’élection d’un Sébastien Chenu parce qu’il est homosexuel ? D’une Marine Le Pen parce qu’elle est une femme ? 

Il y a quelques jours à peine, LREM — allié pour l’occasion à la droite et l’extrême-droite — a inscrit dans la loi la « préférence nationale » chère au FN. La devanture start-up « progressiste » du macronisme ne cache plus ses idées rances. 

Cette « victoire symbolique » n’en est une que pour celles et ceux qui disposent de la position sociale adéquate pour ne se soucier que de représentation, ignorant les conséquences concrètes de la politique raciste, d’harcèlement des pauvres et précaires, de recul des droits des travailleur·ses et d’anéantissement des services publics mise en place par Macron. Que certains sortent les cotillons car elle sera appliquée par un gay trentenaire révèle plus leur privilège pathétique qu’autre chose.

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