Il y a deux ans, nous vous parlions de Belgazou de Mascare, artiste de cabaret et moitié de Namoro. Le spectacle sera représenté deux fois ce mois-ci à FAWA les 28 et 29 mai prochain. Nous vous proposons de relire tout le bien que nous en disions déjà, à l’époque le projet cherchait un lieu pour l’accueillir et nous regrettions de ne pas pouvoir le voir sur scène. On a été entendu·es : à ne pas louper !
Pour comprendre Belgazou, on peut partir de la biographie de son autrice, Mascare, l’une des moitiés du groupe Namoro et artiste polymorphe.
Petite fille de harki née en France, Mascare glâne des brides de son histoire dans les récits familiaux de son enfance et réalise peu à peu qu’elle est le fruit d’un exil forcé et d’une guerre silenciée. Lorsqu’elle entend en 2021 un élu du Front National instrumentaliser l’histoire des harkis pour servir sa cause fasciste, elle décide qu’il est temps de réagir : « Ce jour-là je ressens un fort sentiment d’impunité face à cette parole qui si facilement bafoue mon héritage, qui si facilement tord l’Histoire. Ce jour-là j’ai besoin d’écrire pour aller contre cette aisance nauséabonde, ce sera le début de Belgazou. »
Et bientôt il me fallut comprendre : Belgazou est une pièce qui pousse sur mes terres brûlées, celles-là mêmes qui s’étendent depuis la guerre d’Algérie.
Mascare
Belgazou est une pièce sonore, pensée comme un objet radiophonique. Le plateau de théâtre n’est ni un reflet ni un commentaire de ce texte, il est le réceptacle du vide laissé par la présence sonore, sa chambre d’écho. Belgazou cherche à nommer le vide que laisse derrière elle la machine coloniale. Raoul Peck affirmait que le processus décolonial était né dès le premier jour de la colonisation. Belgazou met au jour cette idée que la lutte existe dans la lenteur, et la persévérance de celle-ci.
Sur scène, les interprètes ne veulent surtout pas témoigner à la place des témoins. Ce qui nous relie à cette machine coloniale ce sont des images stéréotypées, héritières de la domination. Que faire de cet héritage impérial omniprésent et silencieux ? Et surtout comment montrer le trou laissé par l’entreprise coloniale ? Belgazou répond en faisant résonner le constat d’Audre Lorde : tout faire parler, les larmes, les pas, les objets et les fantômes car « nos silences ne nous protègeront pas. »
À l’origine programmé à la MC2 de Grenoble, Belgazou est aujourd’hui un théâtre qui cherche à exister, qui attend de rencontrer son public et qui doit le rencontrer. Il est plus que temps que l’Histoire soit dite par celleux qui en portent l’héritage dans leur chair.
Article de Leslie, initialement publié le 11 mai 2022
Belgazou enfin sur scène les 28 et 29 mai 2024 à FAWA