Comme on les aime d’amour, on a décidé de mettre en place un partenariat avec les meufs de Cyclique / Clean Your Cup. L’objectif : donner toujours plus de visibilité aux menstruations dans les règles de l’art mais aussi aborder des sujets qui restent souvent tabous pour beaucoup.
Pour ce troisième Focus Cyclique : le « Game-Ovaires » de Katia, un texte qui interroge le désir d’enfant et l’injonction à procréer.
Je n’ai jamais voulu d’enfants. Jamais. Ça a toujours été une certitude. J’ai régulièrement demandé aux médecins quelles démarches entamer pour me faire stériliser. L’unique option à l’époque qui s’offrait à moi était la ligature des trompes. Tous les médecins étaient unanimes, personne ne me le ferait, je n’avais jamais eu d’enfants et j’étais trop jeune. Naïvement, je les ai cru. Cependant, j’ai continué à évoquer l’idée à chaque fois je croisais un·e professionnel·e de santé.
J’ai pris la pilule de mes 16 à mes 21 ans. Réglée très classiquement, je n’avais pas de douleurs spécifiques ni avant ni après la pilule : des cycles constants, réglés comme du papier à musique et des pertes de sang vraiment très légères. Un jour notable, puis les suivants à peine de quoi mettre un tampon. À 21 ans j’arrête la pilule et jusqu’à mes 32 ans, je ne prend plus de contraception, ni hormonal ni autre. De temps en temps, je prends la pilule 4/6 mois tous les 4/5 ans. Mais tous les mois, je me retrouve dans un stress intense à l’idée de tomber enceinte en dépit des techniques alternatives utilisées (préservatif, retrait ou pilule).
Chap 1. Mon parcours vers la stérilisation
À 24 ans mon pire cauchemar arrive. Je tombe enceinte. Étonnamment, je le sens vite et je peux donc bénéficier d’un avortement médicamenteux. Mon corps et moi sommes à la fois ennemis et très connectés. L’avortement se passe bien, un succès du premier coup sans aucune séquelle physique. Lors du cycle suivant, je saigne légèrement puis un peu plus et enfn, tout revient à la normale. Ces chamboulements hormonaux – aussi bien la prise ponctuelle de pilules que l’avortement médicamenteux – n’ont pas d’effet sur mes cycles. Je suis toujours incroyablement réglée et à cette époque, je sais quasiment le jour et l’heure à laquelle je vais avoir mes règles. L’arrivée de ces dernières sont un soulagement, même les mois où je n’ai pas de rapports hétérosexuels. En revanche, ma non-grossesse de moins de 3 semaines a été pour moi traumatisante. Je me suis sentie aliénée, perdant le contrôle sur un corps avec lequel, j’étais plutôt en adéquation (fertilité mise à part). Ma décision de me faire stériliser est désormais une certitude, un salut vital et urgent.
Il me faudra 7 ans pour entamer réellement les démarches (comprenant (trop tard) que c’est tout à fait légal depuis 2001, contrairement à ce que l’on pense). Je suis tellement stressée, voire terrifiée, à l’idée de tomber enceinte que je fais des tests de grossesse même pendant mes règles alors que je n’ai pas eu de rapports hétérosexuels. Je suis alors persuadée que mon corps peut à nouveau me trahir et je suis terrorisée à l’idée de faire un possible déni de grossesse.
Après quelques mauvaises adresses médicales, je trouve une docteure formidable dans le nord de Paris (spécialisée dans la chirurgie gynécologique, utérus, ovaires trompes, vulve ainsi que mammaire. Je donne l’adresse avec plaisir à celleux qui sont intéressés·e·s.). Elle m’a tout de suite mise à l’aise et les démarches sont rapidement enclenchées : c’est tellement facile que ça en est stupéfiant après plus de dix ans de refus. L’intervention se déroule très bien. J’opte pour la pose d’implant Essure plutôt que la ligature des trompes, ayant une phobie absolue de la chirurgie et ne voulant pas non plus de contraceptifs hormonaux. La méthode Essure me permet également de ne pas être totalement endormie durant la pose qui se fait à peu près comme une pose de stérilet (plus de détails sur mon blog). On m’insère deux ressorts dans les trompes qui vont gêner le fonctionnement de celles-ci : ils vont produire du tissu cicatriciel et en trois mois, mes trompes seront bouchées. De fait, je serais stérile. C’est une intervention en ambulatoire assez bénigne : j’arrive le matin et ressors en début d’après-midi. Les douleurs stomacales sont assez intenses, comme des contractions et mon organisme est un peu en état de choc face à ce nouveau corps étranger. Cependant, les douleurs/contractions/crampes sont de courte durée.
Aux dernières nouvelles, Essure a été retiré du marché français suite à des plaintes en Europe (principalement en Irlande). Un petit nombre de personnes auraient eu des symptômes graves suite à la pose d’Essure. Je ne dis pas que ce n’est pas mon cas du tout, je pense juste que tous les moyens contraceptifs (temporaires ou définitifs) peuvent avoir des effets secondaires. J’ai choisi le mien en connaissance de cause et en fonction de mes croyances. Je fais au mieux pour moi.
Ce qui est sûr de mon côté c’est que depuis, je suis officiellement stérile. En revanche, trois mois après la pause des implants, mes cycles deviennent extrêmement chaotiques. Mais je n’ai pas d’autres symptômes : je ne perds pas mes cheveux, je ne suis pas plus déprimée que depuis mes dix ans, je bouge toujours pareil et je ne suis pas couverte de boutons d’acné. Côté règles par contre, c’est l’enfer. Et je n’ai jamais connu l’enfer dans ce domaine. Les trois premiers mois qui suivent la pose d’Essure, mes cycles sont tout à fait normaux. Je n’ai pas (ou peu) de vie sexuelle en attendant l’absolue délivrance du verdict et lorsque je retourne voir la docteure, les nouvelles sont bonnes. Un instant, je pense que je vais avoir du mal à y croire, que je vais rester dans ma terreur mais c’est tout le contraire. Je comprends tout de suite que c’est bon, que je suis libérée de ma pire angoisse : la grossesse et par extension, la maternité. Je suis enfin en adéquation avec mon corps.
Chap 2. Aménorrhées et Métrorragies
Je pense que c’est à ce moment là que mes ovaires et mon cerveau décident de se liguer contre moi. Après l’annonce du verdict, je me retrouve en aménorrhée (absence de règles) pendant trois mois. J’imagine que je suis tellement heureuse que mes règles ne sentent plus le besoin de se manifester. Je ne vais jamais me reproduire et les règles ne me concernent plus. C’est la première fois depuis mes douze ans que je n’ai pas mes règles et je ne suis pas plus inquiète que ça. Après quelques rapports sexuels dits à “risques”, je me remets à saigner. Ça commence par une métrorragie (perte de sang d’origine utérine plus ou moins importante survenant en dehors de la période des règles) de quasiment trois mois. Je vois plusieurs médecins à cette période et je fais plusieurs échographies, tests et tout le tintouin car je commence à m’inquiéter : est-ce en lien avec Essure ? Avec ma chance légendaire, je vais être de l’infime pourcentage qui ont des mauvaises réactions… Des généralistes aux gynécologues en passant par les échographes, l’avis est unanime : mes hémorragies n’ont aucun rapport avec Essure. Ouf. Que celle qui m’a opéré me dise ça, admettons, mais que tou.te.s les autres le confirment d’une seule voix est rassurant. Et je les crois. Ça n’a pas de rapport avec Essure, d’accord, mais je saigne par jour l’équivalent d’un cycle complet (40ml) et suis en anémie lourde. D’où cela peut-il provenir ? Vague soupçon de kyste bénin, confirmé et infirmé selon les docteur.e.s et les différentes échographies. Personne n’a de réponse concrète à m’apporter. Je ne peux plus bouger, trop épuisée. Pour stopper mes hémorragies, je prends un traitement hormonal à la progestérone et le résultat est catastrophique. Je continue à saigner et cela créé un énorme caillot de la taille d’un oeuf que je finis par expulser au bout de plusieurs semaines dans une douleur affreuse. Mon corps avorte d’un caillot de sang qui a commencé à fusionner avec mon utérus. C’est encore plus douloureux que l’avortement médicamenteux quelques années auparavant. Les contractions sont extrêmement vives et je suis à bout nerveusement. Mon utérus est devenu mon pire ennemi. Je me lève le matin avec du sang jusqu’à mi cuisses alors que j’utilise une grande cup et que je n’ai dormi que 7 heures. Mon quotidien devient un enfer, sans pause, pendant trois mois.
Puis, par je ne sais quel miracle, les hémorragies finissent par se calmer. Pour autant, je n’ai plus de cycles réguliers, c’est toujours le chaos : un peu de sang, puis rien, puis beaucoup, puis rien… Aucune régularité. Parfois il ne se passe qu’une semaine entre chaque saignement, parfois deux. Mon corps est fou, et moi, pire encore. Puis un jour, au bout du rouleau, ayant encore saigné n’importe comment, je dis à voix haute à un ami : « J’en ai vraiment ras le cul, à chaque fois que je veux baiser, j’ai mes règles. » On s’est regardé·e·s et là… Révélation. Et si tout simplement mon subconscient, et donc mon corps ne déclenchait pas mes règles pour me protéger de situations dans lesquelles je me mettais en danger par rapport à de potentielles ’infections sexuellement transmissibles (IST) ? Ma pire phobie étant la grossesse, mes précautions concernant les IST lors des rapports pouvaient être précaires. Les saignements étant vraiment abondants, mes envies sexuelles étaient de suite oubliées, trop contrariée par les douleurs et l’hémorragie. Mon corps fait sa loi et mon cerveau aussi. Une fois que je comprends qu’il est en train de m’escroquer, j’arrive à le contrer, la simple prise de conscience que je suis en saignements psychosmatiques a suffit à ce que mes cycles redeviennent vaguement réguliers. Afin de mettre mon corps au repos, ma généraliste me propose une pilule microdosée que je prends en continu durant quelques mois. J’ai bien assez saigné ces derniers six mois. Les règles de pilule étant artificielles, je peux être tranquille quelques temps, m’a-t-elle dit. Et ça m’allait très bien. La pilule fait finalement le boulot après une semaine de sautes d’humeur (mon corps n’étant plus habitué aux hormones). Je suis libérée de mes règles mais peu encline à la sexualité, ce qui (possiblement) m’évite de repartir en hémorragie.
Chap 3. Saignements et Subconscient ?
Afin d’appuyer mon propos sur mon lien subconscient/règles une énorme dispute (avec ma mère après quelques semaines de répit) me déclenche des règles alors que je suis toujours sous pilule en continu. Je commence à saigner mois d’une heure après avoir raccroché de l’échange téléphonique extrêmement contrariant. Mes rapports familiaux sont compliqués mais ceux avec ma mère le sont tout spécialement. Je retourne voir ma généraliste pour lui expliquer ce qui c’est passé et pour, éventuellement, prendre une pilule plus forte. Elle ne me contredit pas sur le rapport psy/règles, bien au contraire, ce qui me rassure. Je continue la pilule et aucun saignement ne revient me contrarier. Aucun membre de la famille non plus.
Après quelques mois, je décide d’arrêter les hormones et de voir comment les choses se remettent en place « naturellement ». Mon premier cycle est assez intense, aussi bien en douleur qu’en quantité de sang perdu ainsi qu’en durée. Rien à voir avec un an auparavant, mais rien à voir non plus avec la période avant ma stérilisation (malheureusement). Le cycle suivant est moins douloureux, moins long, moins abondant et le troisième l’est encore moins. J’en informe ma généraliste qui me dit que c’est bon signe. Le timing est cohérent et j’ai de moins en moins mal. Je laisse mon corps revenir doucement à la normale.
Je pense sincèrement que le corps a une mémoire de la douleur et il lui faut un petit temps avant qu’il soit moins sensible. Par ailleurs, je constate les mêmes effets avec les modifications corporelles : je suis actuellement très sensible à la douleur alors que j’ai été sous des aiguilles régulièrement sans broncher pendant des années. À mon sens, il en est de même avec les blessures en général. Pour mon cas tout spécialement, mon utérus comme mon endomètre ont eu leur lot de violences.
Les choses se remettent doucement en ordre ce qui tend à confirmer mes réflexions et analyses : mon corps et mon cerveau m’empêchent de me mettre en « danger » et je tiens à préciser que ce n’est à priori pas Essure qui a provoqué ces hémorragies. Je ne ferais donc pas partie des « victimes d’Essure », mais plutôt victime de mon subconscient qui essaie de me rappeler à la raison avec ses propres moyens. Je continue d’observer l’évolution de mes cycles, curieuse de savoir ce qui a causé et cause encore des dérèglements hormonaux qu’aucun médecin n’arrive à comprendre.
Voici le lien vers le blog parlant de toutes mes démarches concernant ma stérilisation pour celleux qui voudraient en savoir plus.