[DÉFOULOIR] Petit conte de Noël, en été

Il était une fois une militante plutôt malade dont, depuis plus d’un mois, les symptômes s’étaient aggravés. Du genre zéro motivation, zéro confiance en elle. Cette fois, il lui semblait avoir touché le fond. Mais ce n’est pas exactement pour faire son bulletin de santé que nous nous intéressons à son cas. Pas vraiment. Même si ces derniers temps, il faut bien l’admettre, entre son humeur maussade (dans le meilleur des cas) et les médocs qui l’endorment, elle a du mal à lutter contre l’émotivité, l’irritabilité, surtout, elle n’a ABSOLUMENT aucune fierté.

Elle n’y est pour rien, c’est plus fort qu’elle. Elle n’arrive plus trop à lire, encore moins à écrire, et surtout, elle n’arrive plus à militer : elle ne parvient plus à lever le poing ni à gueuler plus fort que les mascus, ni même à pondre un thread un peu vénère où quoi que ce soit.

 

Bref, notre militante n’est franchement pas en grande forme quand soudain, pourtant, elle entrevoit la possibilité d’une belle histoire, avec un peu de RETARD [le magazine qui déchire], un peu de Twitter, beaucoup d’émotion, et une petite victoire personnelle et égoïste.

Une histoire de cyber-harcèlement 

Toute cette histoire commence, pour elle, le 17 juillet dernier. Depuis 20 jours, un compte « anti_aleeshay » est apparu sur Twitter pour harceler une militante féministe qui lutte activement contre la grossophobie – mais pas que – et fait partie des fondatrices du super webzine Simonae. Ça, c’est pour le contexte.

Aleeshay est une personne inspirante pour beaucoup de meufs sur Twitter, c’est quelqu’une qui écrit des choses toutes simples mais qui font du bien à toutes, quelqu’une qui parle vrai, qui parle de ses luttes, de ses agacements, de ses espoirs, de son quotidien. Rien ne justifie, n’explique et encore moins n’excuse le fait qu’une telle haine se soit cristallisée autour d’elle, et même ne la connaissant finalement que virtuellement, et encore, de loin, il faut bien dire que nous l’admirons.

Ce que l’on sait par contre, c’est que les comptes ont été signalés pour harcèlement tous les jours, d’abord sans aucune réaction de Twitter. D’ailleurs, plus d’un mois après le début des hostilités, Aleeshay est toujours harcelée, et ne peut même plus utiliser son pseudonyme sur le réseau à l’oiseau bleu. Pas la peine de la chercher donc. Tu ne l’y trouveras plus sous ce nom.

Mais Aleeshay n’est malheureusement pas la seule à subir des attaques car malheureusement, partout sur les internets, les meufs craignent de se faire harceler par les mascus boutonneux utilisateurs de jeuxvideos.com, de se faire moquer, insulter, slut-shamer. Pour notre militante malade, cette énième attaque finit par faire déborder le vase. Il fallait réagir.

C’est drôle, parce que ce même jour, RETARD annonce que leur t-shirt « J’ai mes règles » est à nouveau disponible. Là, tu te dis que tu vois pas le rapport… Pourtant, l’existence même de ce t-shirt a suscité pas mal de réactions : haters gonna hate, comme d’habitude, et on a même pu voir passer des tweets de mecs qui réclament un équivalent masculin qui serait, d’après eux : « Je peux pas, j’ai manspreading ». Comme si règles = manspreading (si, si, tu sais, la pratique qui consiste à écarter bien grand ses jambes pour occuper le plus d’espace public possible au motif qu’on a une paire de couilles…).

Et de solidarité sur internet

Donc là, notre militante amorphe, celle qui n’arrive plus à rien, commence à s’échauffer. Merde à la fin, on peut pas être une meuf, un groupe de meufs, et être tranquille sur internet ? Est-ce que c’est vraiment trop demander ?

Il se trouve que la fabulous Aleeshay remarque que ledit t-shirt n’existe que jusqu’à la taille L. Mais non, les tout aussi fabulous zouzes de RETARD peuvent faire le t-shirt dans toutes les tailles ! Voilà donc qu’Aleeshay tweete une blague, dans le genre : « Si t’as 15 balles en trop, j’veux bien que tu m’offres le t-shirt ». Une cagnotte Leetchi s’organise, née d’un besoin d’un truc tout doux, un truc pipou, un truc mignon comme un ronron. Deux heures plus tard, la cagnotte contient de quoi offrir 4 t-shirt à Aleeshay.

Cette cagnotte est une toute petite goutte d’eau, un petit truc ridicule mais qui met du baume au cœur. C’est un peu la magie d’internet, ça pourrait être un conte de Noël, mais on est en plein été et Twitter reste rempli de haters en tous genres et de tous genres qui viendront toujours nous apprendre le féminisme, et plus largement le militantisme.*

Mais une chose est certaine, c’est qu’on est plus fort·e·s quand on se serre les coudes, avec nos règles, nos corps, nos parcours, nos soucis, nos difficultés. Et chez Friction, c’est notre conte de Noël en plein été, et il tombe à point nommé.

 

 

*À ce sujet, jetez un œil au compte @DessertTaCause, qui recense indirectement – en distribuant des desserts métaphoriques – le nombre de fois où l’on a dit à une meuf : « tu dessers ta cause »…

 

☆☆☆

Pour le t-shirt génial de Retard, c’est par .

Pour le webzine féministe Simonae, c’est par ici.

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