Clémence Guetté a été coordinatrice du programme de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle 2022, dans la foulée, elle a été élue députée. Elle vient d’être réélue au premier tour des législatives et juste avant la trêve électorale, elle a accepté de répondre à nos questions.
Comment avez-vous vécu la campagne pour le premier tour ?
Avec beaucoup de sérieux et de détermination et l’ambition de l’emporter partout dans le pays. Entre l’annonce de la dissolution et le premier tour des élections législatives, il était de notre responsabilité de nous engager pleinement dans la bataille contre le bloc réactionnaire. Nous avons été à la hauteur en scellant un accord historique en quatre jours qui a donné naissance au Nouveau Front populaire. En tant que responsable du programme de la France insoumise, l’Avenir en commun, j’ai d’abord participé à l’ensemble des négociations avec les autres forces politiques du Nouveau Front populaire pour rédiger notre contrat de législature et son chiffrage. Il répond à deux objectifs : affirmer une ligne de rupture avec les politiques de la Macronie et rendre crédible notre accession au gouvernement. En parallèle de ces nuits sans sommeil, j’ai mené campagne contre le Rassemblement national, la Macronie et l’abstention avec l’ensemble des militant·es de ma circonscription. Nous sommes allés sur chaque marché, toquer le plus de portes possibles pour convaincre que le Nouveau Front populaire était la seule alternative, que nous pouvions gagner et que ne nous trahirions pas nos engagements.
Vous avez été réélue au premier tour dans votre circonscription. Quel message adressez-vous à celles et ceux qui vous ont élue ?
Je veux leur dire un immense merci et qu’ils me font un grand honneur en me choisissant à nouveau pour les représenter. Ils sont 22 494 à m’avoir donné leur voix ce dimanche, ils étaient 12 440 en 2022. Ce score, c’est une victoire contre l’extrême droite et le macronisme, mais surtout une victoire contre l’abstention. Et, je le sais, si les habitantes et les habitants de ma circonscription – et de tout le pays – sont allés massivement voter dimanche pour le Nouveau Front populaire, c’est d’abord pour un programme et c’est grâce à ce programme que je suis élue aujourd’hui. Celui-ci est non seulement la seule alternative aux politiques néolibérales de casse sociale de Monsieur Macron et au racisme crasse du Rassemblement national, mais c’est aussi un espoir de tout changer. Je veux redire à l’ensemble des électeur·rices que je n’accepterai aucune compromission vis à vis de mes engagements et que j’emploierai tous mes efforts pour défendre l’ensemble de ses mesures à l’Assemblée nationale et pour qu’elles soient appliquées par un gouvernement du Nouveau Front populaire. Il est hors de question de revenir en arrière sur la possibilité du changement d’état civil libre et gratuit en mairie, l’abrogation de l’infâme loi immigration ou sur le SMIC à 1600 euros net.
Comment envisagez-vous la semaine qui vient jusqu’au deuxième tour ?
Cette semaine est décisive, il ne faut rien lâcher et s’engager pleinement dans la bataille pour défaire le Rassemblement national dans les urnes et être à la hauteur de l’espoir que représente le programme du Nouveau Front populaire pour des millions de Françaises et de Français. J’entends certains responsables politiques affirmer sur des plateaux de télévision que nous n’avons aucune chance de gagner dimanche prochain et qu’il faudrait se contenter de se mobiliser pour faire barrage à l’extrême-droite. Cela n’est pas vrai, nous pouvons arriver en tête dimanche prochain en multipliant nos efforts pour aller chercher toutes les voix qui manquent. Dimanche soir, le Nouveau Front populaire s’est qualifié pour le second tour dans 446 circonscriptions, dans 157 en première position et dans 158 en seconde. Nous pouvons avoir une majorité absolue dimanche prochain. Chacune et chacun nous devons mener campagne pour démasquer l’arnaque sociale et le projet réactionnaire du RN.
Le Nouveau Front populaire a été la première force politique à annoncer le désistement de ses candidat·es arrivé·es en 3ème position partout où le RN était qualifié pour le deuxième tour. Est-ce que ce désistement systématique était une évidence pour les équipes de campagne et les candidat·es ?
Nous l’avons dit dès l’annonce des résultats : pas une voix et pas un siège pour le Rassemblement national. Car notre camp est conscient que l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir est très directement une question de vie ou de mort pour de nombreuses personnes. L’ensemble des minorités est menacé dans sa chair. C’est le cas pour les personnes les plus vulnérables, racisées, minorités de genre, LGBTQIA+, sans-papiers… Les gens ont peur et ils ont raison d’avoir peur.C’est cela l’évidence. Le Nouveau Front populaire est non seulement la première force à avoir annoncé le désistement systématique mais c’est surtout la seule. La minorité présidentielle n’a aucun principe clair et se parjure dans le jeu extrêmement dangereux du “Ni, Ni”. Une fois de plus, elle participe activement au climat d’extrême droitisation médiatique en nous mettant dos à dos avec le RN. Les exemples de non-désistements de macronistes arrivés en troisième position se multiplient. C’est même le cas face à des candidats du Nouveau Front populaire issus du Parti socialiste comme dans la quatorzième circonscription des Bouches-du-Rhône où Anne-Laurence Petel (Renaissance) refuse de se désister pour que le candidat PS Jean-David Ciot puisse l’emporter face au RN. Le “Ni, Ni” dépasse largement les insoumis et offre des sièges au bloc réactionnaire. Leur posture est une faillite morale et politique.
Quel regard portez-vous sur le paysage politique actuel qui s’est profondément transformé depuis les dernières législatives ?
Les résultats des élections européennes et les résultats de ce dimanche témoignent de l’effondrement du bloc libéral et du rejet massif par l’ensemble des Françaises et de Français des politiques de malheur conduites par Monsieur Macron depuis plus de sept années. Au-delà des résultats, l’ensemble des limites franchies ces dernières semaines ont permis d’importantes clarifications sur la reconfiguration du paysage politique. Le parti des Républicains, après avoir voté pour la fin de l’Aide Médicale d’Etat (AME) au Sénat, a achevé de se compromettre ce dimanche. Après qu’une partie d’entre eux soit partie avec Eric Ciotti s’unir avec le Rassemblement national, d’autres comme François-Xavier Bellamy ont appelé à faire barrage au Nouveau Front populaire après les résultats de dimanche. De même, la minorité présidentielle en déroute n’a pas fini d’être le marchepied de l’extrême droite. Quelques exemples : Bruno Le Maire, ministre de l’inflation, appelle à faire barrage au Rassemblement National mais refuse de voter pour des insoumis. Emmanuel Macron, après avoir autorisé la préférence nationale avec la loi immigration, a qualifié “d’ubuesque” le libre changement de genre en mairie. Le constat est clair : faire la courte échelle aux idées réactionnaires ne permet pas de les endiguer, au contraire. En conclusion, aujourd’hui après la confusion et la compromission du bloc libéral dans le bloc réactionnaire et le rejet massif de la maltraitance sociale par l’ensemble des Françaises et de Français, le bloc populaire est la seule alternative au bloc réactionnaire. Le Nouveau Front populaire est la seule force politique capable de battre le Rassemblement national ce dimanche.
Les projections en nombre de sièges sont dans tous les cas préoccupantes en ce qui concerne la prochaine mandature : comment sera-t-il possible de gouverner avec de tels clivages politiques ?
Il faut rester vigilant et méfiant concernant les projections en sièges. Nous pouvons avoir une majorité absolue dimanche prochain et gouverner ce pays en étant largement majoritaires pour appliquer le programme du Nouveau Front populaire. Le choix qui se pose dimanche prochain est simple : les Français veulent-ils une majorité absolue populaire et humaniste incarnée par le Nouveau Front populaire ou une majorité absolue raciste et d’arnaque sociale incarnée par le Rassemblement national. C’est eux face à nous.
Comment le Président de la République peut-il prendre ses responsabilités face à la situation catastrophique dans laquelle il a plongé le pays ?
Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin après la débâcle de son propre camp aux élections européennes et d’organiser des élections législatives en trois semaines dans des conditions scandaleuses. Il a pris cette décision conscient du score du bloc réactionnaire et du rejet massif du peuple à l’égard de son camp. Maintenant, compte tenu des résultats du Rassemblement national de ce dimanche, il faut que le président appelle ses candidats à se désister systématiquement, et à voter clairement et coûte que coûte contre l’extrême-droite comme l’a fait le Nouveau Front populaire. Il y a urgence à cesser le “Ni, Ni” et mettre un terme aux attaques incessantes contre notre camp.
Quels messages avez-vous à adresser aux électeurs·trices qui sont à nouveau appelé·es à voter la semaine prochaine ? Et aux candidat·es qui ne se seraient pas encore désisté·es ? Quels moyens d’action avons-nous pour endiguer la progression du RN en 5 jours à peine ?
Je veux dire à l’ensemble des électeur·rices de ne pas se décourager et d’aller voter dimanche. Il n’y aucune fatalité à ce que l’extrême droite soit en tête, et nous pouvons avec le Nouveau Front populaire emporter une majorité absolue pour tout changer. Chaque voix compte et l’abstention a fait un plus gros score que le Rassemblement national dimanche dernier. Il faut convaincre toutes celles et ceux qui se sentent oubliés d’aller voter. Dimanche, chacune et chacun doit choisir entre un projet de casse sociale raciste et le projet du Nouveau Front populaire qui défend l’indexation des salaires sur l’inflation, la planification écologique, l’abrogation de la réforme des retraites, l’école réellement gratuite. Nous sommes la seule alternative et nous pouvons battre le RN dimanche en continuant à nous battre pour gagner le second tour des élections législatives.À ceux qui s’entêtent et ne se désistent pas, je veux dire qu’ils jouent avec la vie de nos concitoyens pour qui l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir est une question de survie. Ils seront les premiers coupables et responsables si le Rassemblement national l’emporte.