Appel du CLAQ à la grève et à manifester le 5 décembre
Nous, les trans, biEs, pédes, gouines, queers, meufs du Claq, invitons toutEs celleux qui le peuvent à faire grève et à marcher ce 5 décembre pour dénoncer le projet de loi du gouvernement.
Derrière le flou du dernier projet de loi esquissé par le rapport Delevoye, le gouvernement continue de mener la politique progressive de précarisation qu’on lui connait et assène l’injustice sociale en principe fondateur.
Cette réforme n’est là que pour entériner au-delà de la période consacrée au travail salarié, les inégalités du capitalisme patriarcal fondé sur le travail non rémunéré de la reproduction sociale, sur le travail précaire des femmes et des minorités. Cette réforme ne fera qu’accroitre la précarité de celleux qui, au sein de nos communautés, ont connu une vie professionnelle fragmentée et différentes violences dans leurs parcours de vie.
1. L’arnaque de la réforme
La reforme des retraites s’inscrit d’emblée dans le projet politique néolibéral macroniste qui consiste à démanteler les droits sociaux conquis par les luttes qui nous ont précédé, et à approfondir l’exploitation des populations minoritaires. Un des derniers chapitres de cette histoire a été la refonte de l’accès au chômage. Aujourd’hui, c’est cette réforme présentée comme « universelle » et égalitaire qui s’enracine au contraire sur les inégalités déjà existantes et constitue un cadeau pour le système assurantiel et financier, les piliers d’un système capitaliste dont on connait les ravages, et pour les plus riches.
Cette réforme vise à ne pas augmenter le fond total des retraites (pas plus de 14% du PIB) alors que plus de gens devront la toucher très bientôt (vieillissement de la population). Le système de points ouvre la possibilité pour chaque gouvernement de baisser les pensions à volonté, ne nous permettant pas non plus de connaître leur montant avant de quitter le travail salarié.
En plus de la précarité dans l’emploi et dans les revenus, c’est avant tout notre autonomie personnelle et nos horizons qui se voient menacés.
Cela aura pour effet de rendre impossible toute sortie programmée du monde du travail pour les populations les plus précarisées. Ce qui veut dire aussi l’impossibilité d’avoir des projets, des rêves, d’avoir prise sur nos vies. En plus de la précarité dans l’emploi et dans les revenus, c’est avant tout notre autonomie personnelle et nos horizons qui se voient menacés. Gouvernement pervers, il s’octroie le pouvoir d’introduire encore plus d’incertitude et de décider de nos vies futures.
Mais iels le savent : cette incertitude va rendre profitable le marché de la retraite que le gouvernement encourage, puisqu’elle nous forcera à cotiser dans des caisses privées. Et voilà une nouvelle introduction des inégalités car ce seront les plus riches qui pourront de fait épargner le plus.
Celleux ayant un salaire élevé et un parcours professionnel sans heurts ni accidents pourront toucher le minimum établi (1000€). Cela veut dire qu’il faut toujours travailler en CDI, enchaîner des CDD, ne jamais s’arrêter, qu’on sera découragéEs de partir au chômage, et toujours épargner à côté ! Cette réforme est punitive pour celleux qui ne parviennent pas ou ne veulent pas suivre le modèle de vie imaginé par la Macronie. Mais cela n’est pas tout : la pension de retraite serait calculée sur l’intégralité de la carrière au lieu des 25 meilleures années dans le privé ou les six derniers mois dans le public du système actuel provoquant irrémédiablement une baisse immédiate et rapide des retraites pour les plus précaires. Les syndicats et les économistes ont calculé qu’avec le nouveau système, les retraites vont baisser de 25% en moyenne, avec des effets catastrophiques, surtout pour les plus petites retraites. Ce n’est pas la même chose de passer de 2000€ à 1500€, que de passer de 750€ à 560€ !
2. Nos communautés
Mais comment serons-nous impactéEs ? Inscrite au sein d’un système hétéropatriarcal et néocolonial, on voit bien que la réforme du système de retraites doit être lue d’après les conditions actuelles du marché du travail et de ses tendances futures à la flexibilité :
– Celles qui touchent les plus âgéEs d’entre nous, futurEs retraitéEs. SoumisEs à une précarité accrue, iels pourront encore moins avoir accès aux institutions spécialisées qui les accompagnent parfois à la fin de leurs vies (maisons de retraite, maisons médicales).
– Celles qui touchent les enseignantEs, infirmierEs, aides-soignantEs, travailleurs-euses sociales qui accomplissent dans le déni, l’invisibilité, un travail primordial d’éducation et de soin.
– Celles des descendantEs et personnes issuEs de l’immigration post-coloniale, souvent reléguéEs aux taches les plus pénibles et les moins bien payées – agentEs d’entretien, femmes de chambre dans l’hôtellerie, travailleur-euses du BTP…
– Celles des indépendantEs, free-lance et travailleurs-euses uberiséEs, pousséEs à sortir de structures habituelles du marché du travail par besoin ou peur des discriminations sautent de contrats précaires en contrats précaires. Ces dernierEs voient leurs couvertures médico-sociales diminuer et leurs droits au chômage diminuer, voire disparaître.
– Celles des intérimaires exploitéEs qui voient leurs droits rabotés.
– Celles des travailleuses et travailleurs du sexe pousséEs vers toujours plus de clandestinité et de vulnérabilité depuis la pénalisation des clients.
– Celles des personnes séropositives qui continuent de souffrir de discriminations à l’embauche, d’une plus grande précarité sociale, d’isolement au travail, et d’un manque d’accès aux soins.
– Celles des migrantEs interditEs de travailler en France malgré la nécessité de justifier d’un travail pour être régulariséEs.
Car comment parler du travail, du chômage et des retraites lorsque nous oublions celles et ceux qui se voient forcéEs de travailler sans accompagnement ou droits sociaux susceptibles de leur permettre de vivre dans la dignité ?
C’est l’entièreté de l’organisation du travail qu’il faut donc faire trembler, ces lieux où l’on s’épuise au nom des sacro-saintes « productivité » et « consommation », assises sur des politiques économiques coloniales et écocides.
Nous voulons décider quand, comment et pourquoi nous travaillons ! Car nous nous battons pour des vies aux activités qui ont du sens, pour que chacunE ait de quoi vivre dignement, pour la disparition du travail aliénant et autres bullshit jobs, pour des régimes de retraites indexés sur des enjeux de justice sociale.
3. Nos demandes
Nous voulons donc aujourd’hui un revenu inconditionnel et universel, déconnecté du travail et des conditions de citoyenneté ou de résidence. Un revenu garantissant l’autonomie économique, et donc une forme concrète de compensation contre les violences et les inégalités du capitalisme patriarcal et colonial !
Nous voulons le maintien des retraites par répartition ! Car si nous voulons imposer la logique de la déconnexion du salaire et de l’emploi en socialisant les ressources par l’impôt, cela doit se faire tout au long de la vie, y compris pour le temps de vie libéré du travail qu’est le temps de la retraite !
Nous voulons généraliser et universaliser la logique de l’autonomie des caisses communes financées par l’impôt – les régimes dits spéciaux ! Car ce n’est que justice et la moindre des choses que de prendre en compte les différences d’accès au travail, de pénibilité, de carrières plus ou moins morcelées à cause des aléas de la vie et de nos positions plus ou moins favorables dans le monde du travail. Un monde fait par et pour la masculinité (hégémonique), bourgeoise, cis, hétéro, blanche et valide ! Jusqu’au jour où nous n’aurons pas équitablement réparti les richesses et le travail, salarié et gratuit, « productif » et « reproductif »; jusqu’au jour où nous pourrons vivre en fonction de nos besoins et de nos moyens, nous exigerons toujours des compensations, en salaire et en retraite, pour les inégalités que le capitalisme nous impose !
Les vernis politiques LGBT-friendly en matière de discriminations au travail ne sont que superficiels dans un monde qui fait fi de l’exploitation de nos vies. Nous refusons de rejoindre celleux qui, au sein de notre communauté, décident de jouer pleinement ce jeu du libéralisme. Nous faisons aussi grève du genre et des genres ! Car faire grève c’est arrêter tout travail, arrêter l’exploitation de nos corps, de nos genres et nos sexualités par la machine capitaliste.
Les vernis politiques LGBT-friendly en matière de discriminations au travail ne sont que superficiels dans un monde qui fait fi de l’exploitation de nos vies.
Mais faire grève c’est aussi et peut-être surtout se donner les moyens d’arrêter le temps et de faire surgir notre force collective. L’occasion de se rencontrer, de s’organiser et d’expérimenter des lieux et des temporalités de vie différentes et des pratiques de partage, d’autonomie et de libération.
Nous continuerons à nous mobiliser et à tisser des complicités avec d’autres mouvements sociaux, des écologistes radicaux, des Gilets Jaunes, des Gilets Noirs, des syndicats, des étudiantEs et des autres secteurs en lutte pour nourrir la contestation et notre désir de renverser le système actuel.
SalariéEs ou pas, nous ferons grève et manifesterons ce 5 décembre et au-delà !