Je m’appelle Icy Diamond, j’ai 22 ans et je suis une femme trans travailleuse du sexe. J’ai commencé dans l’industrie du sexe en tapinant puis, en parallèle, j’ai débuté le porno en 2019. J’ai également commencé à réaliser et produire mes propres films pornographiques indépendants. Je suis issue de la classe populaire et j’ai toujours été militante. J’ai intégré le STRASS (Syndicat du travail sexuel) en 2018.
Le samedi 11 février, à Paris je suis allée manifester contre la réforme des retraites avec quelques amies, armée de ma pancarte signifiant « PUTE EN LUTTE » d’un côté et « LA RETRAITE ON LA VEUT MÊME S’IL FAUT SUCER DES QUEUES » de l’autre. Mon objectif ce jour-là était aussi de visibiliser les travailleuses du sexe dans la lutte ouvrière. Rappeler que les putes aussi demandent le droit à la retraite. Que nous sommes concernées, même si habituées d’être sur la touche et considérées comme des citoyennes de seconde zone.
Sur la fin de la marche, les choses commençaient à se corser et les CRS se multipliaient. Je marchais fièrement avec ma pancarte en l’air et pendant quelques minutes j’ai levé mon haut pour continuer à défiler seins nus. Les gens ont commencé à s’exciter autour de moi, à se demander si mes seins étaient vrais ou siliconés, si j’étais trans…
Comme ce doute était apparemment trop lourd à supporter pour eux, un manifestant a surgi pour venir me toucher le sein et vérifier si en effet, ils étaient siliconés. Il est ensuite allé se vanter auprès des CRS en leur disant que j’étais trans. Je me suis sentie en colère et agressée, sur le moment mon réflexe a été de retirer sa main en lui disant « Je t’ai pas permis de toucher en fait » puis je lui ai craché dessus tout en reprenant ma route, la tête haute.
Quelques heures après, des abonné·es sur les réseaux sociaux ont commencé à m’envoyer un tweet comportant la vidéo de l’agression sexuelle que je venais de subir. Je ne connaissais même pas l’existence de ces images donc je n’ai pas pu consentir à ce qu’elle soit diffusée sur Twitter.
Sur internet, les choses se sont très vite envenimées, entre haine transphobe, putophobie, propos misogynes alimentant la culture du viol. Très vite, ce tweet est devenu viral et comptabilise plusieurs millions de vues.
J’ai subi un déversement de haine sans nom. En ligne, les gens se sentent tout puissants et se déchargent sans retenue avec des propos immondes, pénalement répréhensibles et extrêmement difficiles à supporter. Mon histoire a fait de moi une personne extrêmement résiliente mais ce n’est pas le cas de tout le monde : certain·es peuvent être pousser au suicide par ces actes.
Répondre à mes détracteurs de façon vulgaire m’a valu d’être suspendue deux jours après le début du buzz. Le problème est que mon compte Twitter est mon outil de travail, c’est ce qui me permet de vivre en faisant la promo pour mon compte OnlyFans. C’est grâce à mes revenus Onlyfans que je paye mon loyer, c’est en partie grâce à lui que je vis aujourd’hui. Revenus qui n’existent pas sans communication sur les réseaux sociaux. À ce moment précis, le buzz de la vidéo de l’agression m’a apporté des abonnés mais je sais que lorsque cette histoire sera redescendue, si je n’ai pas récupéré mon Twitter, mes ressources vont en pâtir.
Twitter a fait une erreur en désactivant mon compte parce que je suis la victime dans l’histoire. D’abord victime d’une agression, filmée et publiée sans mon accord. Puis, victime de harcèlement acharné suite à cette visibilité que je n’avais pas demandée. Mais comme toujours, c’est la victime qui mange. Il s’agit d’une double peine.
Je ne pense pas qu’avoir répondu « Ma chatte anale bien tight » en réponse à toute cette haine soit une raison légitime pour désactiver mon compte. Ni que cela enfreignent les règles du réseau social en tant que « harcèlement » comme c’est indiqué sur le message de suspension de mon profil. C’est moi qui suis harcelée. Je ne mérite pas de subir cette double peine alors que je ne faisais que me défendre en étant submergée par toute cette violence.
J’appelle Twitter France a examiner la situation avec un regard humain et leur demande de réactiver mon compte. Je revendique le droit de disposer de son corps. Je revendique le droit de protester seins nus. Selon la jurisprudence, manifester topless ne constitue pas un délit d’exhibition sexuelle. Je trouve cela hypocrite que les Français m’accablent de montrer ma poitrine lorsque je lutte pour mes droits alors que nous vivons dans un pays arborant comme symbole de liberté une femme qui a les seins nus. Lorsque c’est pour célébrer la République il n’y a pas de problème mais quand c’est une pute trans qui le fait, cela dérange ! Je revendique l’inclusion des travailleurs et travailleuses du sexe dans la lutte ouvrière.
Je revendique l’accès à la retraite pour les putes. Je suis la liberté guidant le peuple.
Icy Diamond