« [Le féminisme] s’ancre dans la sororité de nos expériences personnelles, par le truchement de l’histoire des femmes de notre famille. » C’est une histoire de transmission que propose le Journal intime d’une féministe (noire). Car si ce n’est pas le sujet central, cet ouvrage d’Axelle Jah Njiké raconte une vie indissociable de celles des mères et des filles qui l’entourent.
L’autrice d’origine camerounaise relate ici sa vie intime et personnelle de femme afropéenne, ayant souffert de violences sexuelles et éducatives dans son enfance. Mais on ne tient pas ici le livre d’un récit douloureux. Il y a quelque chose de jubilatoire dans la façon dont l’autrice se réapproprie sa propre histoire en la liant intimement à celles de ses aïeules et celle de sa propre fille. En exergue d’un des chapitres, elle cite Toni Morrison : « Definitions belong to the definers, not the defined. » Axelle Jah Njiké refuse d’être définie par les autres, par les hommes coupables de violences notamment. Elle réinvestit son propre corps et le célèbre, le revendique, comme dans l’exposé de la liste de ses expériences sexuelles qui ouvre le récit.
Au milieu d’une succession de violences faites aux femmes, la narratrice est le fruit d’une rencontre amoureuse entre deux individus qui n’auront jamais pu s’unir. Elle ne se libèrera vraiment du joug de l’oppression d’un demi-frère abusif et abuseur que lorsqu’elle pourra prendre pleine possession de son vécu, de son passé. Si elle revient sur son passé, on a ici à faire à un journal intime au sens littéral du terme, c’est le journal d’une découverte de son intimité, charnelle et presque spirituelle, intellectuelle. L’écriture est ciselée, les phrases sont brèves, et les virgules, parfois placées à des endroits inattendus, donnent un souffle nouveau à certains passages.
Journal intime d’une féministe (noire) se lit d’une traite et culmine dans l’affirmation d’un féminisme joyeux, placé sous le signe de la transmission et de la réappropriation de l’intime, du sensuel, du sexuel.