À l’occasion de la deuxième édition du festival Chez Monique intitulée « Les Mots Dites », nous avons rencontré Clotilde Burté, fondatrice de l’association, qui organise ce rendez-vous queer et féministe en milieu rural. Cette année, le festival célèbre les mots sous toutes leurs formes — du slam aux lectures performées — et accueillera notamment Leslie Préel, une des auteurices membres de Friction. Un échange autour d’une initiative engagée qui tisse des espaces de création, de soin et de résistance au cœur des Monts d’Arrée.

Pour commencer pouvez-vous vous présenter et présenter l’association Chez Monique ?
Je suis Clotilde Burté, 44 ans, j’habite à Locmelar je m’identifie comme lesbienne et j’ai deux enfants (je ne sais jamais quoi prendre comme infos pour me présenter) Je suis membre du bureau de l’asso Chez Monique, que j’ai crée. J’ai une grande passion pour Monique Wittig.
Au départ, après tout un parcours dans le milieu médico-social puis associatif, j’ai crée la librairie Itinérante Les Guérillères. Parrallèlement, avec d’autres personnes nous avons commencé à organiser des espaces de fête et de rencontre queer dans les Monts d’Arrée (Lezboum, Queerboum). La queerness en milieu rural, vaste sujet ! (l’année dernière cette discussion a rassemblé une bonne 40aine de personnes !) Après 2 ans d’existence de la librairie, un bilan très contrasté et un burn-out, nous avons décidé de créer l’asso Chez Monique pour continuer à organiser des évènements (notamment la première édition du festival Chez Monique) et reprendre l’activité des Guérillères mais sous forme de bibliothèque (librairie de manière très ponctuelle seulement) avec toujours des rencontres auteurices/arpentages etc…
Parlez-nous du nom « Les Mots Dites » pour cette édition du festival, et comment reflète-t-il les objectifs de l’événement ?
Cette année nous souhaitions nous focaliser sur des formes artistiques liées aux mots (slam, lectures performées, présentations de livres, performances où les mots/le texte sont centrals etc… et la présence de maisons d’éditions queer féministes).
Nous avons choisi ce nom Les Mots Dites pour illustrer le fait que les mots ne sont pas que écrits, et pour illustrer aussi notre souhait de dépasser la binarité de genre dans la langue française et dans notre société. Héritage Monique Wittig !
Notre objectif de créer un espace de diffusion des artistes queer et de rencontre entre personnes queer (notamment en milieu rural) ne se reflète pas forcément dans ce titre !
Comment l’association Chez Monique sélectionne-t-elle les artistes, auteur·ices et artisan·es participant·es au festival, et quels critères guident ces choix ?
Le premier critère est que les personnes mentionnées s’identifient queer (ou tout autre terme d’identification de cette communauté) car l’un de nos objectifs principaux est de donner la parole/diffuser les artistes queer (qui ne le sont pas ou peu), que le propos de leur création soit directement lié à la queerness ou pas.
Ensuite la sélection se fait selon les formes artistiques (Est-ce qu’on a les moyens techniques et/ou financiers d’accueillir ? à qui s’adresse l’atelier/le spectacle ? On essaye de proposer des choses pour le jeune public aussi), et selon ce qu’on a pu voir avant (nous préférons programmer des œuvres que l’on a pu voir ou voir au moins des extraits ; et qui nous ont touché·es). Nous sommes aussi dans une sensibilité qui nous donne envie de soutenir des imaginaires/formes artistiques qui viennent nourrir nos envies de futurs désirables. Je ne sais pas si ça c’est clair, on peut en rediscuter.
Le festival se veut queer et féministe. Quelles initiatives spécifiques sont mises en place pour assurer un espace inclusif et sécurisant pour tou·tes les participant·es ?
Nous osons en premier lieu la confiance dans nos adelphes, c’est un grand défi compte tenu des dynamiques de domination intégrées et potentiellement présentes partout ☺ c’est notre positionnement politique si on doit en avoir un : d’accepter là où nous sommes (nous situer, embrasser nos contradictions), cultiver l’amour de nous-mêmes avec tendresse sur nos failles, nos peurs, nos traumas (qui peuvent engendrer des réactions heurtantes/violentes pour nous-mêmes et les autres), nos besoins de contrôle etc…et cultiver la communication et la dialogue, à partir de nous-mêmes et pas de dogmes/croyances/vérités absolues.
Bref, il y a aussi un espace RdR et prévention VSS / santé, tout est accessible PMR, il y a des espaces à l’écart, tranquilles. Pour ce qui est programmé, il est possible de faire entièrement le festival avec des activités/performances calmes sans beaucoup de monde. L’année dernière nous n’avons eu aucun souci signalé, plutôt de très bons retours. Je sais pas comment dire autrement que l’énergie et la posture avec laquelle on ouvre cet espace y fait pour beaucoup.
Personnellement je suis très très inspirée des mouvements de community organising et Social Justice Movements des Etats-Unis (je me suis aussi formée là-bas), et notamment des Healing Trap organisés par les communautés Africaines-Américaines qui sont des espaces où le politique (portraits des personnes tuées par la police, lecture de textes/poèmes et discussions) et le soin (massages, ostéopathie, tatouages etc… et repas sains boissons sans alcool) sont entremêlés. J’adore, ça me parle de ouf. Cela explique pourquoi je ne suis plus du tout dans les milieux militants en France (marre de me faire taxer de hippie ou de bisounours ou c’est pas ça le plus important, le plus important c’est la lutte.
La librairie itinérante « Les Guérillères » joue un rôle central dans vos activités. Quel sera son rôle spécifique durant le festival, et comment contribue-t-elle à vos missions ?
La librairie est donc devenue bibliothèque, et elle s’apprête à poser ses valises dans la toute nouvelle maison queer féministe de Brest : Passages. Elle n’aura pas de rôle spécifique pour les festival, car nous ne sommes pas assez pour tenir la bibliothèque/librairie et être présent·es dans l’orga du festival. Sa présence est dans la programmation : notre amour pour les livres, les mots qui nous nourrissent transpire dans toute la programmation !
Ça répond à ta question ?
Quels sont les principaux défis rencontrés lors de l’organisation de cette deuxième édition, et comment l’équipe les a-t-elle surmontés ?
Les principaux défis ont été la fatigue de la fin d’année 2024, nous doutions de refaire une édition ou pas. Ce qui fait que nous avons lancé l’orga tard, donc nous étions trop tard pour les subventions. Nous croisons donc les doigts très forts que le monde sera au rdv !
Au-delà du festival, quels sont les projets futurs de l’association Chez Monique pour promouvoir la culture queer et féministe dans la région ?
Animer la bibliothèque Les Guérillères, se rendre avec la sélection librairie à différents évènements (et y proposer des rencontres/lectures), organiser notre 2ème évènement annuel : le Bingo Frites FestNoz, le 11 octobre.
Si vous deviez adresser un mot, une phrase ou une invitation au public de Morlaix pour les inciter à venir découvrir le festival Les Mots Dites, quel serait-il ?
Venez découvrir des artistes, des univers que vous ne verrez nulle part ailleurs dans la région, et même en France pour certains !
Festival Les Mots Dites – Chez Monique
Asso Chez Monique
Du 09 au 10 mai 2025, à partir de 16h