Le Centre Pompidou propose jusqu’au 11 novembre « L’inventaire infini », une exposition d’images vernaculaires extraites de la collection personnelle de Sébastien Lifshitz. On savait déjà le réalisateur friand de photos anciennes (cf. son livre « Les invisibles » regroupant des clichés amateurs d’homosexuel.le.s avéré.e.s ou non), on découvre que sa passion de la collection dépasse le simple hobbbie de l’amateur du dimanche.
En effet, des centaines et des centaines de clichés (on a une pensée émue pour les encadreurs de l’exposition) sont réunies, classées par séries et exposées. Des femmes du début du siècle qui se lancent des regards de braise, des jeux photographiques montrant des humains chevauchant des lapins de Garenne, des yeux en gros plans, etc. Les sujets sont variés et queer.
Sébastien Lifshitz a chiné ces photos « un peu partout, des brocantes aux marchés aux puces, des vides-greniers en passant par internet ». Un peu comme s’il sauvait in extremis toute une mémoire de l’époque passée. Pas la mémoire des vainqueurs, des puissants de l’histoire mais plutôt celle de ta vieille tante, tu sais, celle qui a vécu en « colocation » pendant quarante ans avec cette Geneviève. Est-ce que dans plusieurs décennies on s’écharnera à dégoter des cartes SD et des clés USB sur les brocantes pour reconstituer l’histoire de nos communautés ? On conserve comment l’histoire de nos luttes ? (Apparemment pas avec l’aide de la Mairie de Paris, cf. le projet d’archives LGBTQI au point mort depuis des années)
C’est souvent touchant, parfois très drôle. La photographie devient alors un moyen de contourner l’interdit de sexualités jugées déviantes. Les textes de l’historienne Isabelle Bonnet accompagnant les clichés laissent néanmoins la part belle à nos imaginations :
- ces deux femmes qui s’enlacent sont-elles cousines ou amantes ?
- Mais qui a bien pu appuyer sur le déclencheur ?
Monique Wittig écrivait :
« Fais un effort pour te souvenir. Ou, à défaut, invente. »
Et en effet, cette exposition offre une précieuse matière à invention.
En parallèle de l’exposition, une rétrospective des films de Sébastien Lifshitz est organisée jusqu’au 9 novembre. A noter que dimanche 27 octobre, Paul B. Preciado présentera le film Wild Side (2004) en présence du réalisateur. C’est par ici pour avoir toutes les infos sur cette projection et pour réserver.