«Mon but, c’est de contribuer à créer du soutien entre les femmes musiciennes » : rencontre avec Mythie

Mythie est compositrice, productrice, chanteuse. Avec ses machines et petits instruments, elle compose une musique cinématique et onirique à partir de voix, de rythmes électroniques, et de samples enregistrés lors de voyages. Engagée, elle a créée l’association Mermaids qui oeuvrent pour la visibilité des femmes musiciennes dans l’industrie musicale. Nous l’avons rencontrée à l’occasion de la sortie de son prochain EP Become a dance le 16 juin prochain. 

Est-ce que tu pourrais te présenter pour nos lecteurs.trices ? D’où vient ton nom de scène ? 

Mon vrai prénom c’est Domitie. Je l’ai changé en Mythie qui est ma part artistique où je peux explorer tout ce qui n’est pas moi. Je ne suis pas venue tout de suite à la musique, je faisais beaucoup de théâtre et j’ai fait des études de philo et progressivement la musique a pris de plus en plus de place jusqu’à ce que j’ai envie d’écrire mes propres chansons et c’est à partir de là que je me suis formée  à la MAO et que je me suis investie à cent pour cent dans la musique. 

Tu t’accompagnes d’instruments assez originaux comme le kalimba, le stylophone ou le mélodica mais tu les samples et les modifies pour créer des sons particuliers. Comment composes-tu tes morceaux ? 

Mon instrument favori, ça reste le chant. Je trouve que c’est le plus intuitif. Tout au début, je composais beaucoup à la voix. J’avais une loopstation, qui fait des boucles de voix, et quand j’avais une mélodie en tête, je la chantais et l’enregistrais et ensuite j’essayais de chanter le reste, c’est-à-dire l’instrumental, l’harmonie, les accords, les mélodies en plus, etc. Au début, je composais comme ça, tout à la voix. Maintenant, c’est un peu différent, parce que j’ai progressé en MAO donc j’ai moins cette habitude de passer par la loop. Mais ça passe quand même encore beaucoup par la voix. 

Ton travail est ponctué de références littéraires et musicales. Quelles sont tes sources d’inspiration ? 

J’ai vraiment eu un déclic et je me suis dit « bon, maintenant, je veux composer », du coup je me suis inscrite au conservatoire en composition, en écriture musicale : j’avais l’impression qu’il fallait que je comprenne la musique classique pour pouvoir faire de la pop. Je suis vraiment passée par la musique classique pour arriver à la pop. J’en n’écoute pas tous les jours mais j’aime beaucoup. Pour moi, c’est un peu les lois fondamentales de la musique. De même que j’aime beaucoup écouter de la musique de film. Ça, c’est une des sources d’inspiration. Par exemple, il y a un compositeur que j’aime beaucoup, Max Richter qui est entre la musique de film, la musique classique et quelque chose de très moderne. J’aime aussi beaucoup des gens comme Nils Frahm, des gens qui vont mélanger la musique classique et l’électronique. J’écoute aussi beaucoup de chanteuse, comme je disais, moi j’aime bien la voix. J’ai beaucoup écouté Björk, des chanteuses comme FKA Twigs, Sevdaliza. J’aime bien les femmes qui produisent, parce qu’il n’y en a pas beaucoup donc ça m’intéresse de voir où elles sont, comment elles font… 

Le féminisme est un sujet important pour toi au travers ton association Mermaids. Que penses-tu de la place des femmes dans l’industrie musicale actuelle ? Comment peut-on agir pour changer les choses ?

Je pense que tant qu’on reste dans les normes, c’est-à-dire si on est chanteuse dans un groupe d’hommes et qu’on reste dans ce rôle ça va, mais à partir du moment où l’on porte son propre projet, on ressent toutes que c’est difficile et qu’il y a beaucoup de sexisme et qu’il y a très peu de femmes. Il y a des femmes mais elles vont être souvent chanteuse, pianiste, etc. Il y a beaucoup de choses qui pourraient évoluer encore.

Ce que j’essaie de faire à mon niveau, et c’est pour ça que j’ai monté l’asso, c’est qu’il y ait plus de visibilité des femmes et plus de solidarité entre nous, qu’on puisse s’entraider. 

Mon projet actuel, c’est que je recueille des témoignages de femmes musiciennes et on discute de toutes ces thématiques-là, le but étant de faire un podcast qui va refléter la condition de femme musicienne dans la musique française actuelle. C’est quelque chose de subjectif, je ne suis pas sociologue mais j’ai envie de partager un ressenti. Pour moi, le but ce n’est pas forcément la dénonciation, c’est plutôt de s’aider, d’avoir le sentiment d’être ensemble. En tant que musicienne lead on est un peu isolée, je fais d’ailleurs partie d’un collectif de femmes, qui est plus ou moins souterrain mais tous les mois on se fait des visios, on se donne des conseils, quand on a une question on en parle, on échange. Ça aide énormément. Moi, mon but, c’est de participer à créer du soutien entre les femmes musiciennes. 

Quels sont les messages que tu souhaites transmettre par ta musique ? Que veux-tu que les auditeurs.trices ressentent en l’écoutant ? 

C’est mon deuxième EP mais en fait, c’est un diptyque. Je me suis rendue compte qu’il y avait un rapport assez fort avec les animaux symboliques, comme dans le chamanisme avec les animaux totem et j’avais envie de tirer ce fil. Chaque chanson est comme une rencontre avec un animal totem qui va nous faire réfléchir. Il y a une expérience spirituelle voire chamanique dans chaque chanson, comme si c’était un parcours qu’on allait traverser ensemble. Je suis très intéressée par ce côté spirituel de la musique. On peut partager son expérience intérieure, mais ensemble. Comme si on faisait un parcours initiatique ensemble. Pour moi, la musique a un côté thérapeutique. 

Elle vient soigner quoi, du coup ? 

Je ne sais pas si le mot c’est « thérapeutique » ou « spirituel » parce que c’est lié. Mais ça nous fait prendre du recul, réfléchir sur nos émotions, sur nous-mêmes. Parfois, ça peut nous donner du courage. En tout cas, c’est lié aux émotions. Ça peut nous aider à vivre nos émotions. Qu’elles soient positives ou négatives… Du fait de les partager en fait. 

Quels sont tes projets pour la suite ? 

Il y a plusieurs choses puisque, déjà, je suis enceinte. Pour moi la vie privée et la vie musicale est toujours un peu liée. J’imagine que ça va m’amener à écrire de nouvelles choses ou à composer de nouvelles chansons. Dans ce deuxième EP, il y a un tout petit peu de français et c’est quelque chose que j’aimerais bien développer. C’est quelque chose que je n’ai pas du tout explorer encore. C’est vraiment récent d’ailleurs. C’est juste avant d’enregistrer, j’ai écrit deux trois lignes en français et j’aimerais bien creuser ça. Donc peut-être écrire un EP en français. 

Comme je suis aussi passionnée par la production musicale, la dimension électronique, etc. Et c’est vraiment un domaine très masculin, c’est quelque chose que j’aimerais développer pour d’autres en réalisant des albums pour d’autres chanteuses par exemple. 

Aura-t-on l’occasion de te voir sur scène ? 

[rires] Pour l’instant c’est un peu en pause du fait d’être bien enceinte et ce n’est pas ma priorité. J’ai beaucoup joué toute seule mais ce qui est sûr c’est que j’ai envie de jouer avec d’autres musiciennes, j’ai l’impression que le format solo ne m’intéresse plus trop. J’ai envie de jouer avec des gens sur scène. Comme tu le disais, j’aime bien les instruments originaux, j’avais fait une session live avec une joueuse de thérémine et j’aimerais bien explorer ça : jouer avec d’autres musiciennes et d’autres instruments. Le fait d’arranger les chansons autrement pour la scène avec d’autres artistes, ça me plairait beaucoup. 

Mythie, Become a dance, 16 juin