P.A.L.O.M.A. : la reine mère nous présente le clip

WARRIORECORDS a lâché une seconde bombe la semaine dernière pour annoncer la compilation qui sortira le 26 avril et qui réunit des figures iconiques de la scène queer. Aujourd’hui, mardi 12 mars, le label révèle le clip de P.A.L.O.M.A., une collaboration incroyable entre Rebeka Warrior, RAUMM et la reine des queens Paloma. En attendant de pouvoir assister à la tournée dont les premières dates auront lieu fin avril, nous avons rencontré la Queen pour discuter de ce morceau incroyable.

Est-ce que tu peux nous raconter comment s’est faite la collaboration avec Rebeka Warrior et RAUMM pour ce morceau ?

J’ai rencontré Rebeka l’année dernière lorsque nous participions à l’Hyper Weekend Festival organisé par Radio France en hommage à Mylène Farmer. Je faisais la clôture du concert où je chantais l’Horloge. J’étais absolument tétanisé à l’idée de chanter après Rebeka, Juliette Armanet, Yelle, Bilal, Fishbach… des gens que j’admire. Et Rebeka est venue me voir et m’a dit « T’es super, amuse toi ! ». Ça m’a vachement aidé. Et puis on s’est revus, plus tard, on a fait un jury ensemble au Festival du Court métrage de Clermont, on a cliqué. Et un matin, je reçois un message de Rebeka « Je t’ai écris une chanson, je suis flippée, j’espère que ça te plaira ». Et j’ai fondu en larmes en lisant le texte. J’ai eu l’impression qu’elle avait lu en moi comme dans un livre ouvert. Puis tout s’est enchaîné, on a fait deux sessions d’enregistrement avec Rebeka et RAUMM, le compositeur. Ils m’ont libéré de mes peurs. J’ai pris énormément de plaisir à bosser avec ces deux foufous.

Tu es une artiste complète : comment jongles-tu avec toutes tes casquettes ?

Je ne sais pas. J’ai l’impression d’avoir toujours fonctionné comme ça, en touche à tout. Je m’ennuie vite, j’ai besoin d’avoir mille projets. Et puis je suis curieux et je crois que ça m’a souvent aidé dans la vie. Quand j’ai besoin d’un faux vitrail, plutôt que de trouver quelqu’un pour me le faire, je préfère regarder des tutos de vitriers et le faire moi-même. J’aime apprendre des trucs, développer de nouvelles compétences. Et puis le drag c’est un peu la quintessence de tout ça : il faut savoir tout faire.

C’est ton deuxième morceau. Quel est ton rapport à la chanson ?

J’ai toujours aimé la musique et je lui ai toujours donné beaucoup de place dans mes créations, que ce soit au cinéma, au théâtre, même dans mes looks je m’inspire de la musique, des clips… La musique ça permet d’exprimer plein de choses de manière simple et immédiate. Je suis quelqu’un de très pudique, étonnamment. Et j’ai la sensation que la musique me permet d’exprimer des choses très intimes. Et puis c’est une bonne excuse pour faire des clips !

Quel sens est-ce que cela a pour toi de figurer sur cette compilation aux côtés de tant d’artistes queer talenteux·ses ?

Déjà c’est un honneur. Depuis que j’ai fait Drag Race, j’ai vraiment pris conscience que mon identité queer sera toujours au coeur de mon travail. Pour le grand public je ne suis pas juste un comédien ou un metteur en scène… Dans la tête des gens je suis avant tout un garçon homosexuel qui se travestit. Mon art est étroitement lié à mon identité, à ma sexualité, à qui je suis intimement. Donc c’est normal que je fasse des projets qui célèbrent ça, nos identités.

Tu dis que lorsque Rebeka t’a envoyé les paroles, elles ont particulièrement résonné en toi. Les meufs gouines ont tendance actuellement à valoriser les espaces en non- mixité sans mecs cis qui excluent les pédés : c’est important de construire des discours où gouines et pédés sont dans la co-création artistique ?

Oui. Et en même temps je comprends ce besoin de non-mixité. Y a un moment où ça devient nécessaire de se créer des espaces safes. Parfois on me demande d’intervenir dans des tables rondes sur le féminisme. Je dis non. Je ne vais pas prendre la place d’une femme dans un débat qui les concerne en premier lieu. Être un allié c’est aussi savoir se taire. Et en même temps je constate qu’au sein de notre « grande communauté » il y a encore trop de séparations. Les soirées gays versus les soirées lesbiennes, les kings versus les queens… Sans parler du manque de représentation des queers racisés au sein de la communauté LGBTQUIA+. Il serait temps qu’on s’unisse vraiment, parce qu’en face, nos détracteurs eux ne se divisent pas et ils prennent de plus en plus de place.

Est-ce que tu es confronté à des attentes particulières de la part du public du fait de ta notoriété ?

J’imagine. Être un porte-parole peut-être, avoir une voix utile. Sur ce point j’essaie d’être à la hauteur, de ne pas fuir devant mes responsabilités. C’est important d’occuper l’espace public et de parler des sujets qui nous concernent. Après, artistiquement je ne sais pas trop ce qu’on attend de moi… Mais je compte bien surprendre toujours.

Dans ce morceau, tu chantes : « On m’encense dans les émissions / Tout le monde veut être ma copine / Ça reste de la télévision en vrai j’ai peur qu’on m’assassine » : est-ce que tu veux dire que le succès ne change rien aux violences subies par les mecs gays et les queens dans la société ?

Non, bien au contraire. J’ai la chance d’évoluer dans un milieu plutôt safe pour moi et je suis privilégié. Mais il n’empêche qu’en médiatisant mon identité queer, je m’expose à la haine et à la violence. Il y a beaucoup de gens qui aimeraient me voir disparaître de leurs écrans et de l’espace public. J’ai reçu des menaces de mort, des insultes. Mais je m’en fiche, j’ai fait face à cette violence toute ma vie. Aujourd’hui j’ai une armée de queers derrière moi. Je suis reine et je suis prête à partir en guerre.