Le mouvement #MeToo a pris de l’ampleur dans le sillage de l’affaire Weinstein à partir de 2017. Il s’enracine dans les communautés féministes car il ne repose pas seulement sur la dénonciation des agresseurs mais dans parce qu’il prend en compte les violences sexuelles et sexistes en général, ainsi que la nécessité d’adopter des réformes concernant certaines politiques et lois. #MeToo a ainsi déclenché une prise de conscience quant au respect des droits des femmes et quant au caractère inacceptable des violences sexuelles et du harcèlement sexuel.
Ça a été un puissant moyen de dénoncer un système d’oppressions sexistes dont sont victimes les femmes que ce soit dans la sphère privée ou publique mettant ainsi en évidence les ressorts patriarcaux qui sont à l’origine des violences. On a assisté à l’émergence de plusieurs discours #MeToo qui avaient pour objet de pointer du doigt les violences sexuelles et sexistes dont sont victimes les femmes dans des milieux divers : l’éclatement de ces prises de paroles en corporations (le dernier en date avec Paye ta truelle qui évoque les VSS en archéologie) a tendance à minimiser le caractère systémique des violences qui relèvent toutes d’un même système. Il est difficile pour une parole gay au sein de ces revendications et dénonciations de s’étendre aux sphères féministes or, il est de notre responsabilité de construire des ponts pour une meilleure compréhension d’un continuum de violences sexistes ancrées dans le patriarcat.
Or l’homophobie naît du sexisme, elle est définie par l’intériorisation, pour chaque individu, du sexisme dans ses rapports aux autres. L’homophobie est la discrimination envers les personnes qui montrent, ou à qui l’on prête, certaines qualités (ou défauts) attribuées à l’autre genre. (« L’Homophobie, la face cachée du masculin » ) Daniel Welzer-Lang : « Si l’on peut s’appuyer sur cette idée d’un lien fort entre homophobie et sexisme, une réelle politique antisexiste ne peut pas faire l’impasse sur les problématiques spécifiques aux hommes gays ».
En 2020, Matthieu Foucher écrivait « À la recherche du #MeTooGay » pour Vice dans un article qu’il faut voir plus comme un geste militant qui a permis d’initier une prise de parole nécessaire et une réflexion collective. Il mettait en avant via un #MeTooGay dans un article de Vice cet appel de Jean-Baptiste, 26 ans: « J’ai envie que le #MeToo gay existe, qu’on se pose et qu’on parle de nos violences sexuelles, en dialogue avec les féministes tout en réfléchissant depuis nos propres vécus ». L’article faisait déjà également, d’ailleurs, le lien avec les enjeux féministes. Les hommes gays ne sont pas isolés dans des sphères hermétiques aux violences patriarcales. Un discours a permis la médiatisation de la question : celui d’un jeune homme accusant le conseiller de Paris Maxime Cochard et son conjoint, tous deux adhérents du PCF, de viol et agression sexuelle. C’est à la suite d’un #MeTooInceste que la prise de parole gay s’est faite plus entendre. Dans un article pour le HuffPost, le sociologue Sébastien Chauvin décrit un « événement incontestable» : « À travers ces témoignages, la question des violences sexuelles dans le milieu gay s’autonomise en partie des agressions homophobes, mais aussi des violences pédophiles et incestueuses »
Les personnes LGBT sont « surexposées aux violences sexuelles et physiques » intrafamiliales, remarque pour Vice Christelle Hamel de l’Institut national d’études démographiques, responsable de l’étude Virage sur les violences de genre et intrafamiliales, publiée en avril 2020. Vice relatait que les taux d’abus sexuels dans l’enfance (CSA) chez les HSH ont été estimés à 46%. Par ailleurs, #MeTooGay a permis de faire la lumière sur des violences intracommunautaires qui sont trop peu médiatisées et qui restent taboues mais reposent sur les mêmes ressorts de domination qui s’inscrivent dans un contexte patriarcal.
Si les hommes gay – et nous vous parlerons du #MeTooGarçons – ont pu bénéficier de la libération féministe de la parole au sujet des VSS, nous, militantes féministes avons tout intérêt à nous pencher sur la question des violences sexuelles auxquelles sont confrontés les hommes gays. En effet, les VSS s’inscrivent dans un système de domination patriarcale. « Il est important de préciser qu’il s’agit de violences patriarcales, et que les gays ont appris à les reconnaître comme telles, auprès des femmes ayant témoigné pour #MeToo. Mais attention à ne pas en faire une manière de se dédouaner, de ne pas se remettre en cause. Ce droit à la sexualité masculine, qui primerait même contre d’autres hommes, peut être lié aux violences patriarcales, mais il ne s’y réduit pas », explique Sébastien Chauvin, faisant référence notamment aux violences au sein même du couple.
Ainsi, si les discours féministes sur les violences sexuelles ont pu pointer les ressorts d’une culture patriarcale violente à l’encontre des hommes gays, car l’homophobie naît sur le terreau du sexisme et de la présomption de féminité des hommes gays. La prise en compte des violences sexuelles auxquels sont confrontés les hommes gays peut nourrir les réflexions féministes et nous permettre collectivement de sortir des discours corporatistes qui sont des arbres qui cachent les forêts. En décentrant le regard des relations hétérosexuelles et en pointant du doigt le fait que les violences sont systémiques, l’ouverture de la discussion autour des enjeux de la prise de conscience politique d’un #MeTooGay permet de sortir de logiques qui entraînent un éclatement de la parole.
C’est pourquoi, il en va d’une responsabilité féministe pour les militantes et activistes de recueillir la parole des hommes gays autour de la question des violences sexuelles car elles interrogent différemment les notions de consentement, par exemple, en mettant l’accent sur un système. Nous n’avons de cesse de chercher des alliés hommes hétéros dans certaines sphères féministes mainstream alors que les hommes gays sont souvent plus à même de comprendre certains pans de la misogynie et qu’ils doivent aussi prendre part au combat féministe pour leur propre libération homosexuelle. Nous avons tout intérêt à inviter les gays à la table #MeToo car nous pouvons nouer des échanges pour lutter contre un système d’oppressions patriarcales.
Un engagement féministe ne saurait être hermétique à ces réflexions. À notre échelle, nous essayons de construire des ponts et d’ouvrir des espaces de dialogue. C’est pourquoi il est important que nous soyons nombreuses à entendre les discussions et échanges à ce sujet lors de la deuxième édition de la Friction Folle & furieuse qui aura lieu mercredi 6 mars à à la folie Paris. En un mot : ramène tes copines !