Nous avions rencontré Luz du collectif berlinois Room 4 Resistance pour leur première parisienne au Dada Temple (la Machine du Moulin Rouge), il y a de ça plus d’un an. Cette année, nous retrouvons Luz et Room 4 Resistance à l’affiche du festival Station Electronique³, le 25 août à la Station – Gare des Mines. L’occasion de (re)découvrir le collectif. Rencontre.
Luz : J’ai créé Room 4 Resistance à la fin de l’année 2014. L’un des bookers du SchwuZ (le plus vieux club queer de Berlin) m’a contactée pour me demander si j’étais intéressée pour programmer l’une de leurs scènes pendant leur Hot Topic Party.
Hot Topic est un projet queer féministe, centré sur les questions de musique et de politique. A l’époque, j’attendais une bonne opportunité pour démarrer un projet, j’avais déjà ça en tête depuis un moment. Notre vraie première Room 4 Resistance à Hot Topic, c’était le 17 octobre 2014.
Hot Topic, c’était une bonne plateforme pour lancer Room 4 Resistance et nous continuons à collaborer à l’occasion.
Pour cette première soirée, j’ai invité mon amie rRoxymore à jouer – c’est l’une de nos résidentes aujourd’hui. Je me souviens d’avoir bavardé avec elle jusqu’à la fin de la soirée et avoir réfléchi à ce que l’on voulait faire de R4R. On a vu cet espace, ce dance floor comme une opportunité de faire jouer des artistes femmes, ou s’identifiant comme femmes et de leur donner – mais aussi de nous donner – des espaces pour se produire, pour expérimenter, et pour faire des expériences musicales sans pression extérieure.
Nous avions l’impression que globalement, ça manquait dans la scène dans laquelle on évoluait. On voulait construire un noyau dur de DJs résidents qui pourraient bénéficier d’un espace pour développer leurs talents et se sentir libres d’être aventureux-ses et d’explorer musicalement. Nous voulions créer un espace plus safe et fun pour nos ami-e-s également.
Ma motivation première a toujours été d’organiser le genre de soirées auxquelles je voudrais aller moi même. Dans notre crew, nous sommes tou-te-s des raver de longue date et avec de l’expérience…C’est devenu incroyablement difficile de nous amuser quand nous sortions – de trouver des espaces queer dans lesquels nous nous sentions safe, protégées et inspirées musicalement – donc organiser notre propre soirée, c’était un bon moyen de contrer ces expériences.
Avec le temps, Room 4 Resistance a évolué plus collectivement et est devenu ensuite encore plus radical quand nous avons eu l’opportunité de lancer nos propres soirées à ://about blank (Berlin).
La première soirée à ://about blank a eu lieu en Août 2015. C’était plus un “test” et finalement nous avons commencé une résidence en mars 2016. Depuis la soirée a lieu tous les deux mois et c’est une vraie expérience !
Room 4 Resistance se définit comme « a family night of queer friends & friendly strangers ». Pourquoi est-il si important de créer des espaces d’expression pour les artistes minorisé-e-s?
Room 4 Resistance c’est un collectif queer basé à Berlin qui a pour objectif de créer des espaces communautaires et de donner plus de visibilité pour des artistes qui ne sont pas (ou beaucoup moins) représentés dans la dance music – comme par exemple les femmes, gender queer, non-binaires, les trans, les personnes Noires ou de couleur …
Notre collectif lui-même est surtout composé de femmes, de femmes queer ou de couleur mais nous avons aussi des alliés mecs ou qui s’identifient en tant que mecs, queer ou hétéros.
La dance music et la culture électronique ont été créées par des personnes de couleur (surtout par des personnes Noir-e-s et Latino-a-s), queer, trans, etc.) C’est important de nous souvenir que ces cultures prennent racine dans des communautés marginalisées et DIY.
Nous vivons dans une société extrêmement “white-washed” et c’est notre façon de rendre un peu à cette culture que nous aimons tant.[…]La musique électronique est devenue très prévisible et conformiste ces dernières années et l’effacement des minorités sur cette scène-là n’arrange pas les choses…
Se présenter comme soirée militante n’est pas anodin. Est-ce que vous trouvez que les collectifs festifs sont assez engagés aujourd’hui?
Il y a quelques collectifs femme et queer qui font un travail vraiment important, par exemple, SIREN à Londres avec qui on va collaborer pour notre prochaine soirée à ://about blank en mai et Discwoman à New-York avec qui nous avons collaboré par le passé pour un événement / soirée avec des tables rondes sur les sujets “How to bring (back) politic on the dance floor” et “Political activism in Dance Music today”, à voir ici :–
–Il y avait un autre collectif à Berlin, Faux Real, qui met l’accent sur les performances drag où prennent part des performer-euse-s meufs, trans, non-binaires qui a fait un super boulot aussi.
Bien sûr, plus il y aura de personnes et de collectifs qui voudront travailler autour de la prise de conscience et d’un travail politique, mieux ce sera. C’est la raison pour laquelle nous aimons échanger des idées et collaborer avec d’autres collectifs partout dans le monde. Nous prévoyons aussi un évent avec le collectif mexicain Traición en juillet.
Vous célébrez la diversité, cela se traduit-il également du point de vue de la musique?
Oui, complètement. La musique qu’on joue à Room 4 Resistance est très variée et couvre beaucoup de genres différents. C’est très important pour nous d’offrir des espaces où les artistes puissent se sentir safe et libre pour sortir de leur zone de confort et pour expérimenter et explorer musicalement. L’idée à la base, ce n’est pas que les artistes plaisent au public (même si le public finit généralement par être très content…) mais de vraiment s’emparer de l’espace pour essayer des choses nouvelles et définir leur propre style.
À quoi sait-on qu’une soirée va être réussie?
La musique, le lieu, et la qualité du soundsystem sont de bons indicateurs.
Mais l’élément essentiel, c’est le public et sa variété !
Tu peux avoir la meilleure musique du monde mais si le dancefloor est seulement rempli de white straight bros, tu peux être sûr-e que la soirée va être emmerdante !
D’après mon expérience, plus il y a de femmes, de queer, non-binaires, trans et de personnes de couleur sur le dancefloor, mieux c’est !
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