Sucrette Story, chapitre 3 : le diabète 

« Les drag shows en sous-sol, mal installé·es, c’est chiant, quoi ! » pour la troisième édition de Sucrette Story, la drag queen Victoria Sucrette investit le théâtre Clavel. Sucrette Story, c’est un drag show et une table ronde autour de sujets impactant la vie de Victoria Sucrette. À chaque édition, Victoria Sucrette aborde un des ses traumas et invite des artistes concerné·es pour partager leurs histoires, sensibiliser et aborder des thèmes inhabituels. Pour ce troisième chapitre, elle a décidé de parler d’un sujet qui la touche de près – comme le rappelle habilement son drag name – le diabète. 

Un drag show au théâtre 

« Si je m’adresse à un public de diabétiques, c’est important. Gérer sa glycémie pendant un drag show quand on espère être assis·e mais que finalement on se retrouve debout, c’est plus compliqué. » nous explique Victoria lorsqu’on lui demande ce qui a joué dans le choix du lieu pour cette nouvelle édition du show : « Vu les thèmes abordés par Sucrette Story, être assis·e, c’est quand même mieux pour digérer les informations. » Pour cette édition, en faisant le choix d’organiser le show dans un théâtre, Victoria prend elle-même un risque financier pour organiser cette édition dans un théâtre, en assumant la location et les cachets des artistes présent·es : dans la sphère diabétique, il y a des acteurices qui ont de l’argent vers lesquelles elle s’était tournée pour financer le projet. Si elle comprend le refus des prestataires de santé, puisque la législation française rend difficile le fait de faire de la publicité pour les professionnels de santé, et malgré l’aborgation de l’interdiction de la publicité dans le domaine de la santé, les professionnels du secteur restent soumis·es à des règles juridiques et déontologiques strictes qui peuvent être un frein : « J’ai un prestataire qui m’a répondu après un très long délai en me proposant 100€ si je remplissais un dossier : c’est assez drôle parce qu’un·e diabétique rapporte beaucoup plus que ça mensuellement en chiffre d’affaire…Dans le public, il va y avoir probablement beaucoup de diabétiques pouvant leur rapporter de l’argent… » Le financement ne s’est donc pas fait par l’intermédiaire des acteurices du diabète mais grâce à la solidarité communautaire par le biais d’une cagnotte qui a permis de financer le théâtre. (Et les contributeurices sont invité·es à contacter Victoria Sucrette pour bénéficier d’un prix préférentiel pour l’événement). 

©Tasya Krougovykh

Aborder des thèmes difficiles par le biais de la performance artistique 

Le format lui permet d’aborder des thèmes qui ne sont pas toujours légers, comme les TCA ou le deuil. Parfois, on voit le drag comme un divertissement, Victoria Sucrette, elle, choisit ce moyen pour aborder des sujets plus sérieux. « On aime bien dire que le drag, c’est politique, maintenant il faut allier les paroles aux actes. Vivre, c’est politique. Ne pas crever, c’est politique. Évidemment, divertir les gens d’un quotidien pas toujours facile, c’est déjà important, mais donner des informations c’est encore mieux. » Quand elle est en drag, Victoria a l’impression que les informations qu’elle peut donner sont mieux acceptées et que l’attention du public est plus facilement captée par une drag queen : « Le drag me permet de dédramatiser des sujets pas forcément funs. Ça permet de prendre de la distance par rapport à ces sujets qui sont lourds, et donc d’en parler plus facilement avec une dimension artistique qui permet de montrer qu’on n’est pas que des maladies ou des états mais aussi des personnes créatives qui font des choses. » 

Le diabète, c’est tout un tas de choses auxquelles les gens ne pensent pas s’ils ne les voient pas.

Victoria Sucrette
©Tasya Krougovykh

Victoria aborde régulièrement la question du diabète dans ses shows : lors d’un événement récent au WAB, elle avait, par exemple, fait deviner sa glycémie au public. Elle incorpore d’ailleurs, de façon plus ou moins consciente, toujours de la nourriture dans ses shows car le diabète fait partie intégrante de sa réalité. C’est donc tout naturellement qu’elle a choisi de centrer l’édition autour de cette question : « Quand tu es diabétique, c’est une question qui est présente en permanence. Pendant un show, je dois gérer mon diabète. » C’est donc naturellement qu’elle a choisi d’en parler pour ce troisième chapitre de Sucrette Story : « Ça s’adresse déjà aux personnes elles-mêmes diabétiques qui ont envie de voir des représentations positives du diabète. Quand tu es diabétique, on te parle souvent de mort, d’amputations, de choses comme ça, tu te projettes pas forcément dans un avenir. Les diabétiques médiatiques, en France, sont souvent des sportifs. C’est ceux qui montent l’Everest, qui font des marathons… C’est très bien de montrer ça, mais pour ceux et celles qui n’ont pas envie de faire des marathons, il n’y a pas beaucoup de représentations d’artistes diabétiques, ou de personnes publiques diabétiques. C’est aussi dire aux personnes diabétiques : ‘Eh ! Regarde ce que tu peux faire, même en étant diabétique.’» 

Victoria espère aussi qu’il y aura des soignant·es pour pouvoir leur donner une autre vision du diabète car elle déplore leur représentation trop souvent décorrélée de la réalité : « soit parce qu’iels n’ont pas les nouvelles informations, soit parce qu’iels ne comprennent pas qu’on n’est pas des chiffres et un tamagotchi ». Le troisième objectif est aussi de donner de l’information aux personnes qui n’y connaissent rien. Cela ne sera pas un exposé mais la drag queen veut surtout que les gens repartent en comprenant ce que sont les symptômes du diabète : « Le plus gros problème aujourd’hui, c’est quand le diabète est découvert trop tard. Juste ça, faire circuler les informations, ça permettra de sauver quelques personnes. Informer sur le diabète de type 2, c’est aussi la possibilité de prendre les choses en amont, de s’en préserver, et de vivre une transition vers un diabète moins mortel. » 

©Lee Shulman

En effet, le diabète se décline en plusieurs formes principales : le diabète de type 1, une maladie auto-immune où le corps ne produit plus d’insuline, nécessitant des injections à vie ; le diabète de type 2, le plus courant, souvent lié au mode de vie et à des facteurs génétiques, où le corps devient résistant à l’insuline ou en produit insuffisamment (à quoi il faut rajouter le diabète gestationnel qui survient pendant la grossesse). Chaque type requiert un suivi et un traitement adaptés pour éviter les complications, c’est pourquoi proposer de l’information à ce sujet est essentiel : « dans le public, il y a forcément des futurs parents, des futurs oncles, tantes, etc., c’est aussi de futures personnes sachantes capables d’identifier certains comportement chez des enfants, par exemple. »

Pour Sucrette Story, Victoria invite des artistes concerné·es. Pour cette édition, on pourra voir Cyborg René·e, une drag brestoise dont le drag name fait référence aux capteurs de glycémie qu’elle porte, Nonby Nary, drag king parisien et Marquis de Grognasse, artiste drag de Strasbourg : « Ensemble, on va faire une sorte de talk show théâtral avec une touche de drag. Ce n’est pas une pièce de théâtre, mais c’est vraiment un spectacle avec un début, un milieu, une fin, avec des prises de parole entrecoupées de performances drag des invité·es sur le thème du diabète. Il y aura aussi des petits jeux, parce que peu importe ce qu’elle fait, Victoria Sucrette fait toujours des jeux et de l’animation. » L’idée est de montrer qu’il n’y a pas un seul diabète et que même avec le même type de diabète, on peut avoir des visions et des conceptions très différentes. 

RDV le 10 novembre  à 15h30 au Théâtre Clavel pour le troisième chapitre de Sucrette Story(lien billetterie)