Les rideaux sont à peine clos et le poppers à moitié fermé.
La lumière du jour est faible et les paupières ne cessent de trembler.
Un ordinateur est entrouvert dans un coin. Ses doigts encore humides viennent frôler le clavier. Pas d’appel, pas de mail, pas de combiné à décrocher.
Chaque minute devient une goutte de temps dérobée au salariat. On la déguste du bout des langues, on la fait rouler contre nos peaux serrées, on humidifie nos glands et nos culs avec son humidité.
Les siestes et les positions se suivent et se mêlent, laissent le temps à nos alcools de la veille de s’évanouir dans nos organes, de s’assécher dans nos sangs et nos salives.
Interruption des passions pour une courte réunion. Des banalités sont échangés, des rendez-vous sont notés, des tableaux Excel se remplissent de formules à la va-vite. On tire des bullet points, on enchaîne les formules toutes faites, on enfile les perles le plus vite possible… On glisse une main, des doigts, une bouche sur une parcelle que l’écran ne voit pas. On éteint la caméra le temps d’un baiser. On s’agenouille loin des regards, on s’exhibe dans la pénombre d’un couloir. On expédie de ce qu’il faut, on retarde ce qu’il peut. On fait de la place alors qu’on prétendait, la veille, n’avoir aucune seconde à nous.
On prend enfin le temps de s’ouvrir à l’autre, mot à mot, centimètre par centimètre. On attend pour jouir, on fait monter l’orgasme pour mieux le savourer plus tard, comme un salaire durement gagné.
Nos corps ne font pas la révolution mais on aimerait croire qu’ils ont enfin gagné. On les fantasme loin des contraintes, loin des peines, des usines et des carrières. Dans ces douceurs cachées du capital, on déguste enfin le règne éphémère de l’oisiveté.