Jeune réalisatrice bloquée au Cambodge depuis des mois à cause du Covid, Amé réalise des Mix avec des DJs internationaux et artistes, eux aussi bloqués au Cambodge, dans des lieux insolites (dans un Tuk Tuk, sur une île déserte (l’île de l’émission Koh Lanta au Cambodge), à l’arrière d’un train de fret, sur un bateau asiatique dans la mangrove d’une rivière à la frontière Vietnamienne, dans un marché, sur un train de Bamboo de Battambang, dans les Temples d’Angkor, etc.). Le Tuk tuk mix est devenu viral ces dernières semaines. Nous l’avons rencontrée pour en savoir plus.
Tu filmes deux djs en train de mixer dans un tuk tuk au Cambodge. Peux-tu nous expliquer les circonstances de ce mix ?
Nous sommes tous bloqués au Cambodge depuis plusieurs mois, pendant et après le confinement, on organisait des soirées, des raves, des boats parties, c’était super mais après beaucoup d’expats et backpackers sont rentrés en Europe et UsA durant l’été donc plus possible d’organiser des soirées (on fait aussi ça pour vivre). Du coup on s’est dit qu’on allait aller en Chine pour faire des soirées et mixer etc. On voit la Chine comme l’El Dorado. Mais c’est très dur d’obtenir un visa business et encore plus avec le Covid donc le seul moyen c’est de se faire inviter par un chinois influent. Du coup pendant l’été on a fait un « Trippy Minimal Mix at 7steps Waterfall – Cambodia », j’ai filmé S.J.M. dans un cascade entrain de mixer au cœur de la jungle et on a kiffé. En septembre on regarde une vidéo de Fatboy Slim & Eats Everything qui mixent dans une voiture et on s’est dit avec S.J.M. « OK on va faire un mix dans un Tuk Tuk ». Le lendemain on allait à la capitale pour réparer un ordi et notre Pioneer, on loge chez une amie Mini Banana by My Way (une DJ française) et on retrouve notre ami DJ français Nemo (Like The Fish) qui est un pote avec qui on organisait les boat parties et autres à Kampot (la ville où nous habitons qui est le cœur de la musique underground et des rave/free party au Cambodge). On dit a Nemo « ça te dis de faire un mix dans un Tuk Tuk ? Je filme et vous vous mixez ». Bien sûr il était partant. On s’est dit qu’avec celle vidéo ça en ferait une autre en plus de waterfall mix et que c’était bon pour attirer l’attention des chinois sur WeChat. Et qu’on aurait du bon contenu musique et vidéo à envoyer aux chinois pour qu’ils nous recrutent ou nous invitent en Chine. La veille du tournage je rencontre un colombien, Andres qui me dit : « OK je filme avec toi j’ai un stabilisateur ». « OK super ». Sans Andres la vidéo n’aurait jamais été aussi bien, son matériel nous a sauvés. Le lendemain on trouve un Tuk Tuk Driver, trop sympa Bong Meng, je lui montre le parcours que je souhaite faire dans Phnom Penh (la capitale du Cambodge) pour qu’on ait les meilleurs spots (buildings, rond point coloré avec fontaine, bord du Mekong, parc d’attraction etc.), on installe le matos dans le Tuk Tuk (2 caméras + 1 speaker + 1 ordi + 1 contrôler Pioneer + 1 table et c’est parti). Le mix commence, on filme on fait le tour de la ville on s’éclate c’est super. Et une semaine plus tard Nemo m’appelle pour me dire que le journal national le Khmer Times (Le Monde ici quoi) veut écrire un article sur notre Tuk-Tuk Mix, la journaliste Pamela est trop intéressée, elle pense que c’est une bonne idée pour booster le tourisme dans une période post-covid où les frontières seront réouvertes. Du coup elle a tourné l’article dans cet angle pour donner l’idée aux gens de visiter la ville by night avec de la musique dans un Tuk Tuk, ca change du mega bus (et je crois même pas qu’il y en ait à Phnom Penh), mais bref une idée pour mettre la ville en valeur en musique ! On a fait l’inteview et là tout a démarré, on a été contacté par des gens pour streamer la vidéo en France et en UK, puis les journalistes etc. Donc maintenant on surfe sur la vague en produisant d’autres vidéos pour notre avenir en tant que DJs, producteurs et réalisateurs (mais ça on voulait déjà le faire avant notre « célébrité » on va dire, car le Cambodge est un pays magnifique avec des endroits magiques cachés partout c’est hallucinant). Bref du coup on veut se servir de notre environnement magique pour les vidéos et ça permet de faire connaitre un peu mieux le Cambodge qui est surtout visité pour les temples d’Angkor alors que le pays a beaucoup plus a offrir.
Comment s’est faite la rencontre avec les djs ?
S.J.M. et moi on s’est rencontré au Cambodge sur une plage quasi déserte et on est tombé amoureux. Une fois qu’on a quitté l’île on a formé une équipe de choc pour organiser des soirées, faire des vidéos et des mix en pensant que le Covid nous avait fait réaliser qu’on voulait plus bosser à l’occidentale mais qu’on voulait vivre dans le monde underground, organiser soirées, festivals, produire de la musique, faire des featuring avec nos amis. DJ. S.J.M. est anglais il est passionné par la musique et a un réel don, ce qu’il mixe le plus : Drum & Bass (of course pour un anglais lol), Minimal, Tech House, mais aussi Disco. Il connait beaucoup de DJs, moi pareil des DJs européens surtout. Mais au Cambodge on a rencontré pleins d’autres DJs, comme Nemo par exemple, que notre pote DJ Sandy nous a présenté lorsqu’on fait la line up pour notre 2ème boat Party : Wet & Wild Boat Party. Nemo est français donc pour moi c’est comme un frère, on aime les mêmes choses, on parle la même langue on s’entent trop bien, c’est juste parfait. On fait beaucoup de projets ensembles même si on habite plus dans la même ville. Lui il a migré à Phnom Penh comme beaucoup de gens à cause de la crise et du manque de touristes (les frontières sont fermées aux touristes depuis mars 2020!).
Tu as pour ambition de valoriser la culture underground au Cambodge et plus largement en Asie du Sud-Est. Est-ce que tu peux nous en dire plus ?
Pour moi la culture underground c’est un mode de vie libre, c’est-à-dire qu’on sort des sentiers battus, du train train quotidien, c’est le monde des artistes aussi, on rencontre des gens sympas et intéressants qui cultivent aussi un autre mode de vie. C’est un monde où tout est possible, le temps n’existe pas, on vit pour l’art quoi qu’il en coute, on refuse l’aliénation, la dictature de conscience ou réelle, on refuse les codes imposés, on est libres, on va où on veut, pas de frontières (ce que le covid nous a enlevé). Je suis très militante pour la liberté de penser et pour moi la culture underground c’est le monde que j’ai trouvé qui répond à toutes mes attentes. Je cherchais pendant longtemps ce monde, je savais que quelque chose d’autres existait sur terre au-delà de toute la manipulation médiatique, politique et sociale. Je sentais qu’il y avait quelque chose de plus grand que ce petit système dans lequel j’étais bloqué avant avec mon boulot, mon appart et ma vie ennuyeuse où j’essayait d’obtenir de la reconnaissance de personnes je ne connaissait même pas et avec qui je partageais peu. On a le droit de choisir, de vivre sa vie en anglais je dis souvent « do what you want ». J’ai étudié les sciences politiques et la diplomatie pendant 6 ans et ça m’a beaucoup apporté en terme de compréhension du monde social, politique et économique et aujourd’hui tout ce que je veux c’est soutenir les personnes qui vivent libres dans ce monde et soutenir leur mode de vie (souvent nomades, etc.) pour qu’il perdure et que d’autres humains puissent rejoindre ce mouvement et vivre la vie qu’ils méritent et à laquelle ils aspirent. La culture underground passe surtout par l’art et la musique. C’est toute la musique qui échappe aux oligarques de l’industrie musicale contre qui on se bat sur Facebook et Instagram (lol). La culture underground ce sont vous, moi, n’importe qui, qui souhaite créer son art et notamment la musique (live ou éléctronique ou les 2). La musique underground est très présente au Cambodge on a de gros DJ allemands, anglais, turcs (personne ne soupçonne qu’ils sont là) qui font danser des dizaines de personnes toute la semaine dans les meilleurs endroits pour sortir de Kampot comme Kennys Korner, Jungle Village, Meraki, Sound Island, Playground. Donc je n’ai évidemment rien inventé mais j’ai eu cette révélation ici au Cambodge et avec le situation inédite « covid » et je souhaite faire plus de vidéos et plus de soirées / festivals dont le cœur est la culture underground et notamment la musique. Je souhaite aller en Chine pour retrouver des DJs et artistes qui sont là bas et qui œuvrent pour l’émergence d’une scène underground entre l’Europe et l’Asie. On veut créer des évènements et faire circuler la musiques, les vinyles etc. On souhaite organiser des festivals en Asie du sud est en 2021 (Indonésie, Philippines et bien sur Cambodge) déjà un de prévu mais ce n’est pas encore totalement confirmé tant que la folie covid n’a pas cessée.
Tu nous as parlé d’une prochaine vidéo, de quoi va-t-il s’agir ?
La vidéo que je suis entrain de produire est un mix underground disco de 2 DJs anglais (S.J.M. & Danny B de Krong Ensemble) qui mixent au bout d’une jetée sur la magnifique plage de Long Beach au Cambodge sur l’ile de Koh Rong (l’île où ils ont tourné Koh Lanta pendant plusieurs années), c’est l’ancien régisseur général de Koh Lanta qui nous a donné accès à ce lieu unique normalement privé pour faire notre tournage la semaine passée. Le mix sortira ce soir (lundi 30 nov) à 19h streamé en exclu par Mawifamily sur ma page @WHYNOTCREA et 50 autres pages FB dont ItinéraireBis, ARTS in Paris, Trop vieux pour le hardcore, Ramdam.live, Volkane.re, Disorder, Beat Addicts, L’Officine 3.0, Touche Pas A Ma Teuf, GAIA CONCEPT, La Pépinière . Les images sont a couper le souffle, la plage est si belle et on peut admirer le coucher de soleil car nous avons filmé de 5h à 6h et le coucher du soleil est à 5h30. On était avec des potes, 3 caméramans, pas mal de DJ, un ami khmer qui avait un drone. C’était une super journée, le mix est super et j’espère que la vidéo plaira. « Sunset Disco Mix » sera dispo sur YouTube juste après la diffusion sur ma page et chaine YouTube WHY NOT CREATION.
Comment est-ce que tu vis la période actuelle et la crise sanitaire et son impact, notamment en ce qui concerne les voyages et le tourisme ?
Je vis cette période avec es hauts et des bas, je positive du fait d’avoir la chance de ne pas avoir connu de confinement, nous avons eu 500 cas répertoriés de covid au Cambodge en 9 mois. Mais la déprime mondiale nous atteint quand même, et le fait que nous passerons Noël loin de nos famille fait baisser le moral. c’est notre destin, nous devons nous adapter à la situation. C’est pour ca que quand on a vu l’apocalypse on s’est dit « ok faut qu’on construise notre petit empire nous même car tout peut péter à chaque crise » et donc tout le temps libre qu’on a eu, même si on a beaucoup voyager dans le Cambodge, on eu beaucoup de temps pour se réinventer, découvrir quelles étaient nos vraies compétences, les cultiver et les mettre en commun pour créer la communauté dans laquelle on vit actuellement que Jeff 23 de Spiral Tribe a condensé sous le festival Otaku qui a lieu à Kampot toutes les 2 semaines. Et je pense que cette période inédite fera prendre conscience a pas mal de gens ce qui compte vraiment à savoir être heureux, faire ce qu’on aime en ayant bonne conscience envers autrui et l’environnement. Pour les voyage il est tjrs possible de voyager en obtenant des visa business ou travail (même pour la chine mais c’est très cher), j’ai hâte d’être en 2021 pour aller en Chine et continuer tous mes projets en itinérance, je souhaite aussi aller en France l’été prochain pour rendre visite à mes oncles et tantes de Bresse et voir mes amis et qui assister aux festivals qui ont tant manqué cet été ! La sédentarisation n’a jamais été mon fort et maintenant que j’ai trouvé ma voie j’ai encore plus la bougeotte car je vois des opportunités et des rencontres partout. Pour le tourisme je pense que c’est un vrai manque à gagner pour l’industrie et que ceux qui sont au bout du système vont en souffrir mais en revanche pour la planète c’est bien car le tourisme de masse c’est plus possible. Quand on voit les dégâts en Thaïlande, ça fait flipper, mais heureusement le covid a stoppé ça, du moins mis en pause.
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