« Je vais m’arranger » de Marina Carlos illustré par Freaks (disponible sur son site) est un petit ouvrage illustré très éclairant et pédagogique sur le validisme. Marina Carlos fait le point sur la représentation médiatique du handicap, sur la manière dont les politiques s’en emparent (mal) et sur toutes les façons d’améliorer la situation. Après avoir travaillé durant 5 ans dans le domaine du Social Media, Marina Carlos s’est concentrée sur la création de contenus concernant les droits des personnes handicapées et écris, en français et en anglais, de textes sur le validisme ainsi que sur la représentation des personnes handicapées dans les médias.
« Je vais m’arranger » décline 5 grandes thématiques de façon extrêmement pédagogique. Dans un premier temps l’autrice définit le validisme et évoquent ces manifestations. Marina Carlos rappelle que dans la grande majorité des situations, les personnes handicapées passent leur temps à devoir s’adapter aux situations. « Et le « je vais m’arranger » devient alors un mode de vie. » L’autrice rappelle que le validisme a un coût pour les personnes handicapées – c’est ce que les anglophones appellent le disability price tag – les coûts supplémentaires d’un adulte handicapé représentent en moyenne presque la moitié de son salaire (après les dépenses relatives au logement). Outre des exemples très concrets de validisme systémique, Marina Carlos passe en revue toutes les manifestations du validisme ordinaire, de l’intimité forcée à l’objectivation des personnes handicapées.
Il est ensuite question des problèmes d’accessibilité. « L’accessibilité est une des priorités lorsque l’on parle des droits des personnes handicapées parce qu’elle représente un des obstacles majeurs de leur quotidien. » Le manque d’accessibilité exclue les personnes handicapées de l’espace public. Là encore, Marina Carlos recense des exemples très précis, de l’absence de stations de métro accessibles au problème posé par les places de parking situées sur le côté gauche de la voie et par conséquent inaccessibles concrètement aux personnes en fauteuil roulant (du fait du trottoir, le fauteuil est situé trop haut pour pouvoir se placer sans risque dans le véhicule). L’autrice aborde aussi bien les questions d’accessibilité dans les transports que dans les salles de concert ou en voyage et rappelle qu’aux Etats-Unis les compagnies aériennes cassent ou perdent, en moyenne, 26 fauteuils roulants par jour.
Marina Carlos aborde ensuite la question de la représentation des personnes handicapées dans les médias et les objets culturels. Elle décrypte le traitement réservé par les médias aux informations concernant les personnes handicapées entre misérabilisme et inspiration porn. Alors que la question de la diversité au cinéma, dans la série ou à la télévision devient peu à peu un sujet de réflexion, rares sont les personnes handicapées à l’écran et elles sont encore bien souvent jouées par des personnes valides – ce qu’on appelle le creeping up. On découvre ainsi le test DisRep – pour DISability REPresentation ou représentation du handicap en français, un équivalent du test de Bechdel pour la représentation du handicap. On notera également que Marina Carlos ne se contente pas de critiquer les productions audio-visuelles validistes, elle propose aussi une liste d’oeuvres où des personnages handicapés sont joués par des acteur-ices handicapé-es.
Puis vient la question du discours politique : celui-ci, « construit sur un lexique vague et émotionnel, permet à l’État de se distancer et de faire passer le sujet des droits des personnes handicapées non pas comme politique mais comme un sujet de solidarité. » Marina Carlos montre ainsi les limites des discours politiques qui se disent en faveur des droits des personnes handicapées.
Enfin, Marina Carlos détaille les revendications des militant-e-s dans la lutte contre le validisme et en faveur des droits des personnes handicapées. Elle montre dans quelle mesure les personnes handicapées sont trop souvent exclues des discours féministes : » Depuis le mouvement #MeToo, les femmes handicapées ont été très peu écoutées alors qu’elles font partie des principales victimes de violences sexuelles. » Marina Carlos propose à la fin de son ouvrage une liste d’activistes à suivre.
En mettant des mots sur ce que vivent les personnes handicapées, « Je vais m’arranger » rappelle avec pédagogie aux personnes valides qu’elles perpétuent des systèmes d’oppressions des personnes handicapées et constitue une excellente porte d’entrée dans une réflexion sur le handicap et le validisme.
« Je vais m’arranger » : comment le validisme impacte la vie des personnes handicapées de Marina Carlos, en vente sur son site web : www.marinacarlos.com/