Vous lisez Friction Magazine : il y a peu de chances que vous soyez hétéro. Et statistiquement, cela signifie qu’il y a de fortes probabilités pour que vous ayez déjà consommé des drogues illicites et que vous ou un·e de vos proches aient eu des soucis de santé à cause de ça. Vous n’ignorez pourtant pas que c’est illégal… mais y a-t-il une bonne raison à ça ? Pas vraiment selon un collectif d’associations qui appelle à dépénaliser la consommation de drogues.
Le rapport spécifique des personnes LGBTI, et notamment des gays, avec les drogues est documenté depuis longtemps. Et si le chemsex a régulièrement fait la une de l’actualité, les usages festifs ne sont pas en reste. Cela croise une autre particularité, bien française celle-là : la pénalisation des consommateurs·trices de drogues.
La peine prévue par le code de santé publique n’est pas légère : jusqu’à 3500€ d’amende et un an de prison. Or si la consommation de drogues comporte des risques, cet interdit pénal a des conséquences très concrètes dans l’accès des personnes aux soins et aux services de réduction des risques : parler à un·e proche ou à un·e professionnel·le d’une consommation que l’on sent déraper quand on est sous le coup d’une peine de prison ? Pire : combien de personnes meurent des suites d’une overdose car leurs proches, par peur de voir la police débarquer, n’ont pas osé appeler les secours ?
Changer la loi
C’est sur la base de ce constat que le Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD) — qui regroupe une quinzaine d’organisations dont AIDES, Médecins du monde, la Ligue des droits de l’homme, la Fédération Addiction, le Syndicat de la magistrature… — propose de changer la loi en supprimant purement et simplement le délit de simple consommation de produits de stupéfiants.
Le CNPD, qui a déjà rédigé la proposition de loi et lancé une pétition pour la soutenir, souligne en outre que l’interdit pénal tient plus d’une vision morale que d’une quelconque efficacité : malgré les peines prononcées par la justice (le taux de réponse pénale en matière de stupéfiants est de 98,2 % pour les infractions d’usage), les moyens de plus en plus importants accordés à la police pour traquer les consommateurs·trices de drogues (en 2018, les forces de l’ordre ont reçu 1,08 milliard d’euros pour la lutte contre les drogues — soit une hausse de 91 % en six ans — et 83 % des actions de la police sur les drogues concernent la simple consommation et pas les trafics), la consommation de drogues ne recule pas en France. Si l’on cite souvent le cannabis, pour lequel la France est le premier pays consommateur d’Europe (près de la moitié des Français·e·s de 15 à 64 ans l’ont déjà expérimenté), cette tendance ne s’y limite pas : la consommation de cocaïne connaît une progression continue en France (6 % des adultes français en avaient déjà expérimenté en 2017 contre 1,8 % en 2000) et la consommation de MDMA/ecstasy et de cocaïne en France est supérieure à la moyenne européenne.
Changer le système
Pour les organisations signataires de cette initiative, la suppression des sanctions pénales pour consommation de drogues permettrait non seulement de lever les frais dans l’accès aux services de santé mais aussi d’organiser plus aisément des actions de prévention et de réduction des risques. Combien de clubs ou bars sont réfractaires à l’idée d’informer leurs client·es sur les drogues de peur d’être considérés par la préfecture comme un lieu un de consommation ? Combien d’associations ont vu leurs actions en festival ou en soirée entravées par la police ?
Mais au delà, la répression pénale des consommateurs·trices de drogue est aujourd’hui un puissant outil de stigmatisations policières et judiciaires. Le CNPD apporte des éléments édifiants : les personnes en situation de grande précarité ont 3,3 fois plus de risque que la moyenne de faire de la prison ferme pour infractions à la législation sur les stupéfiants. Les personnes racisées sont surreprésentées parmi les mis en cause pour infraction à la législation sur les stupéfiants, les interpellations et arrestations se focalisant de manière disproportionnée sur les jeunes hommes racisés. Le risque de détention provisoire pour simple usage de drogues est 5 fois plus élevé pour les personnes étrangères.
Pour autant, dépénaliser la consommation de drogues n’est pas une révolution : de nombreux pays l’ont fait. L’exemple du Portugal est souvent cité, avec des résultats positifs (moins de morts, moins de contamination VIH), la Colombie-Britannique l’expérimente depuis peu et l’ONU le recommande.
Signez la pétition en soutien à la loi de dépénalisation de la simple consommation de drogues L'argumentaire complet