Afro Queer Rising est une soirée caritative qui a pour but de soutenir les luttes de Queer Afrodescendant·es. On a rencontré Jaj et Kim Darlan qui hostent l’événement qui aura lieu le 20 janvier à FGO Barbara.
On avait échangé lors du premier format club d’Afro Queer Rising. Qu’est-ce qui change avec la soirée du 20 janvier ?
La soirée du 20 janvier est un cabaret où perfemeront plusieurs artistes afroqueer. C’est la 4e édition de la soirée sous ce format car nous souhaitions mettre en visibilité nos talents artistiques dans leur diversité.
Par le passé, nous avons accueilli des musiques urbaines, du cirque, des créatures, du drag, de la danse, du théâtre, du slam…
Pour cette édition l’accent sera mis sur la musique et en particulier la musique classique : un domaine où nos talents sont encore inconnus du grand public.
La soirée est hostée par Jaj & Kim Darlan. Est-ce que vous pouvez vous présenter et nous parler de votre parcours ?
Jaj : Je suis Jaj, artiste non binaire et gay, originaire de la Martinique. Je suis également neuro-atypique. Mes talents comprennent le chant, la composition, l’écriture, la poésie, le drag, les oracles, le MC et l’organisation de soirées ! De formation d’ingénieur·e, j’ai littéralement tout appris sur le tas, en autodidacte et avec l’aide de profs, d’étoiles et de collectifs que j’ai rencontrés. Je pense par exemple au Sankofa, à Camelia Jordana et à Madame Arthur, où je joue en ce moment. Mon projet de compositions s’appelle Jaj & The Family Hope : c’est via celui-ci que j’ai eu la chance de rencontrer Kim ! Mon prochain EP s’appelle L’enfant ark-an-syel et il est prévu pour 2024 ! Je prépare aussi un recueil de poèmes et j’aimerais créer mon oracle.
Kim Darlan : Je m’appelle Kim Darlan. Je suis d’origine Centrafricaine, je suis née à Washington DC, j’ai grandi en Suisse, au Sénégal et au Maroc avant d’arriver en France il y a 15 ans. J’ai commencé mes premiers concerts dans le métro et des petits bar en 2015. En 2017 j’ai intégré Gospel pour 100 voix et depuis ma vie a changé. Des tournées européennes avec cette troupe, des chœurs pour les Neg’Marron, Mika ou encore Jaj & the Family Hope. Comme Jaj, j’ai pratiquement tout appris sur le tas concernant la musique. Aujourd’hui je donne aussi des cours de danse et je développe mes talents de d’organisatrice d’évènements et MC. Dans ce dernier domaine, je prends un moment pour remercier Jaj avec qui j’apprends beaucoup!
Le but est de soutenir des causes militantes de structures queer de personnes afro-descendantes. Quelle association allez-vous soutenir avec cette édition ?
Pour cette édition, nous soutenons Oasis RD Congo, qui vient en aide aux minorités de genre en République Démocratique du Congo.
L’association mène un travail de terrain de dingue sur un territoire où les questions de queerphobies restent malheureusement importantes.
C’est d’ailleurs un trait spécifique et commun des personnes intersectionnelles QPOC [Queer People of Color, ndlr] : nous connaissons la queerphobie au sein des communautés afro, et le racisme au sein des communautés queers. Nos rapports à l’Hexagone et à nos territoires ancestraux sont teintés de ce paradoxe douloureux.
C’est aussi le contexte politique actuel du Congo qui nous a amené à choisir Oasis RD Congo. Dans les périodes de crises, les personnes minorisées sont d’avantage exposées : il est donc important de les aider.
Est-ce que vous pouvez nous parler du modèle économique que vous avez choisi ? Il s’agit d’une soirée à entrée libre mais avec la possibilité de faire des dons. Pourquoi avoir choisi ce système plutôt que, par exemple, une entrée payante dont une partie serait reversée à une structure de votre choix ?
Effectivement, la soirée est caritative. Les artistes et les organisateurices sont toustes bénévoles. L’entrée est à prix libre et elle est se fait directement sous forme de dons à l’association aidée.
C’est une façon pour nous de lutter en fête : je crois d’ailleurs que c’est un trait culturel que partagent les personnes afrodescendantes et les personnes queers. Je pense au carnaval de Martinique, par exemple, ou à la chanson « Rachida » de Sexy Sushi. Nos fêtes sont aussi nos luttes. Elles prouvent que, même dans la difficulté, notre joie prospère.
Ce modèle économique est aussi un moyen de contrer l’illusion capitaliste, le temps d’une soirée : nous oublions la notion de bénéfices, les dépenses du public font sens et toute personne est bienvenue indépendamment de sa santé financière.
Comment vous choisissez l’association que vous comptez soutenir ?
Nous sélectionnons les associations sur la base de nos connaissances personnelles.
Dès lors qu’une association vient en aide sur la thématique afroqueer, nous sommes ok pour la soutenir.
Par le passé, nous avons aidé QRA, Acceptess-T, Diviines LGBTQia+, la Pride Radicale, et aujourd’hui, Oasis RD Congo.
Si une association souhaite être aidée, elle peut nous contacter.
Nous sommes évidemment contraint·e·s par la fréquence des événements que nous organisons puisque chaque édition est dédiée à une seule association.
Actuellement, nous souhaitons organiser 4 soirées par an.
Les QPOC expérimentent l’intersection de plusieurs oppressions : en quoi cela consiste ?
Il est important d’imaginer l’intersectionnalité comme un point de vue et comme une expérience du monde et de la société.
En ce sens, pour les personnes non concernées qui nous rencontrent, l’écoute bienveillante dessine un chemin d’ouverture, de conscience, d’intelligence émotionnelle, de compassion et donc d’adelphité nécessaire à la paix sociale.
Pour ce qui est des oppressions subies par les QPOC, pour ma part, je retiens principalement le manque de visibilité car vivre sans repères est une entreprise vaine et douloureuse. Logiquement : nous manquons d’espaces où vivre libres et en sécurité.
C’est la raison d’être de l’Afro Queer Rising, mais aussi du Bunker, de la P3, de la Flèche d’Or, de la Créole, des Balls et des Houses du voguing etc…
On espère ainsi rajouter un peu plus d’égalité dans notre société, notamment dans l’accès à la joie et à l’art, aux lieux d’art et aux métiers de l’art, pour les QPOC.
Quelles sont les causes que vous souhaitez défendre et les valeurs que vous revendiquez ?
Notre souhait initial était de créer et de nourrir un safer space, c’est-à-dire un espace commun de liberté, de vulnérabilité et de sécurité, pour les personnes QPOC.
Nous envisageons les safer spaces comme des espaces d’apprentissage commun sur la question de la bienveillance : les traverser en respect accompagne nos transformations personnelles vers un monde plus respectueux de toustes.
En ce sens, la vigilance stricte et consciente vis-à-vis de toutes les discriminations, la capacité à se remettre en cause, le dialogue, le pragmatisme et le consentement sont les valeurs que nous défendons le plus.
Sur la question des discriminations, nous avons particulièrement à coeur d’élargir les consciences. Notamment pour developper une vigilance quant aux intersections dans notre intersection : je pense par exemple au colorisme, à la transphobie, à la psychophobie, au validisme, aux discriminations de classe etc…
Est-ce que vous pouvez nous donner des détails sur le programme ? À quoi peut-on s’attendre précisément ?
Cette édition se déroulera sous l’égide de la musique, notamment classique.
Nos deux artistes invité·e·s sont Aitua, qui a créé le spectacle Afroclassical, et Séléna Cléo Helim qui est chanteuse lyrique. Pour les avoir déjà vu·e·s performer, les deux sont vraiment incroyables !
C’est particulièrement précieux de réunir sur scène deux artistes évoluant dans la musique classique : domaine dont les personnes afrodescendantes ont été exclues par le passé. Preuve supplémentaire, s’il en fallait, des limites évidentes de la logique d’assimilation. Logique que les personnes concernées transforment et dépassent aujourd’hui, comme hier, via leur art.
Pour ponctuer la soirée, le karaogay et la lipsync battle viendront souffler un vent d’enthousiasme collectif et de liberté folle et joyeuse !
Enfin, durant la soirée, celleux qui le souhaitent pourront lire leur oracle auprès de Noemie Taty, notre witch alliée, découvrir les parfums créés par Tyson KMK, plonger dans les oeuvres d’Alienbéré, et, bien sûr, approfondir le travail de terrain réalisé par Oasis RD Congo.
Et si on veut s’impliquer ou vous soutenir en dehors de la soirée ?
Pour nous soutenir : like la page Instagram, mets-nous en favori pour être tenu·e au courant et surtout, si tu le peux, viens à la soirée et fais des dons pour Oasis RD Congo.
Les personnes qui le souhaitent peuvent également nous aider à préparer les prochaines éditions.
Nous recherchons notamment un·e community manager.
Afro Queer Rising, FGO Barbara, le 20 janvier, entrée libre