Au Cœur du bois

Au Cœur du bois de Claus Drexel a été diffusé il y a quelques semaines dans le cadre de Chéries-Chéris et sort ce mercredi 8 décembre au cinéma. L’occasion pour nous de vous parler de ce documentaire important, qui met au centre de son récit la parole des prostituées du Bois de Boulogne.

Des plans fixes. Des travailleuses du sexe sont assises et regardent la caméra droit dans les yeux. Elles sont installées près de leurs cabanes de fortunes ou dans leurs camions, pour celles qui en ont. Toutes sont très différentes, femmes trans mais aussi des personnes dites travesties. Différentes identités, différentes origines, expériences et conceptions du métier et pourtant un point commun : le bois de Boulogne.

C’est dans cet endroit que Claus Drexel filme leurs témoignages, découpés en extraits qui se suivent et s’entremêlent. Les sujets s’enchainent avec un naturel feint, une façon de mener un documentaire comme l’on tisse une discussion avec une inconnue. C’est ainsi que la vie de ces prostituées se déroule, non sans humour, colère et émotion. Comme tout documentaire digne de ce nom, Au Cœur du bois offre un morceau de vérité brute, qui s’égrène avec intelligence. Pour illustrer ces moments d’intimité, les rendre plus imagés, le réalisateur fait le choix d’introduire des visions du bois : des plans de phares de voitures la nuit mais aussi la nature le jour, dans ce mélange paradoxal qui voit les familles s’y balader et les prostituées y travailler.

Mais malgré sa sensibilité liée à la personnalité de ses personnages, Au Cœur du bois ne retire pas la dimension politique de leurs discours. Ainsi, plusieurs femmes évoquent la loi de pénalisation des clients et la façon dont elle a impacté leurs sécurités. Elles évoquent également la transphobie et l’assassinat de plusieurs de leurs collègues. La grande variété d’âge et d’origines des interviewés permet également d’offrir une histoire de la prostitution qu’on ne raconte pas, une histoire profondément politique : comment celles qui ont désormais soixante ans et plus se souviennent du travail du sexe des années 80 et 90, comment le rapport à la police a changé… Et les plus jeunes, elles, se chargent de nous parler des rencontres par Internet mais aussi d’une prostitution où les femmes sont séquestrées par des réseaux mafieux.

Voilà pourquoi le film de Claus Drexel est un documentaire important : en s’enfonçant au cœur du bois, le réalisateur vient écouter celles dont la parole est souvent confisquée, masquée. Lors d’une des deux séances à Chéries-Chéries, les intervenantes présentes ont fait part de la satisfaction qu’elles ont ressenties lors de ce tournage, d’avoir l’impression d’être véritablement entendues et secondés dans leurs revendications. Des témoignages puissants et nécessaires qu’on vous incite vivement à découvrir dès ce 8 décembre au cinéma.

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