[BORDEAUX] Club Amour, la mixtape pour Intergalactic Boogie

Dans notre tour de France de ce qu’il se fait de cool en dehors de Paris, on a rencontré Laurent, Club Amour, qui officie aux platines des soirées Intergalactic Boogie, entre autres, à Bordeaux. Il nous a concocté une mixtape aux petits oignons pour se lancer à corps perdu dans le mois de février. On en a profité pour lui poser deux trois questions.

Qui es-tu ?

Si on parle en critères Grindr, je suis un « vieux ». Il suffit de me ghoster et/ou me bloquer et hop, fin de l’interview, problème réglé.
Heureusement, ici c’est pas l’app maudite alors je suis un gros pédé de 46 ans qui aime Robert Smith, le vernis à ongles, les Lego et le chocolat. Né en Dordogne, je ne suis jamais rentré dans le moule local ni dans de nombreux autres.

Durant les 90s, mon adolescence a été consacrée à écouter The Cure, Depeche Mode ou Cocteau Twins mais aussi des groupes de l’époque comme Suede, Radiohead ou Nine Inch Nails et je jouais de la batterie dans des groupes formés avec les autres ados qui n’étaient pas branchés par le sport, les mobylettes et les filles. On fumait des joints en regardant pas mal de films indés et la découverte de Gregg Araki a été très marquante : en voyant ces VHS, j’ai voulu vivre dans ses films !

Ancien smalltown boy dans le 24, je suis dorénavant une « célébrité locale » à Bordeaux. Je vis chez mes chat·te·s Simone et Klaus dans un appart plein de Lego, de livres, films, disques et jeux vidéos. Le rêve du moi de 16 ans.

Parle-nous de ton parcours ? Depuis quand mixes-tu ? Pour qui ?

À la fin de l’adolescence, j’ai fui ma petite ville pour aller vers celle qui semblait plus grande et j’y ai découvert le clubbing dans des clubs (LGBT mais souvent très gays) locaux où mixaient des dj résidents qui passaient de la house américaine, du garage, de la musique de qualité.

J’ai commencé à acheter des disques dans la foulée sans trop savoir ce que j’achetais puis, à l’approche de l’an 2000, j’ai découvert la scène electro/wave et j’ai plongé à fond dans la musique de Kittin & The Hacker, Adult, David Carretta, Dopplereffekt, I-F, Alden Tyrell & co.

Pour mes débuts en tant que dj, je ne sais plus trop exactement comment ça s’est fait mais j’avais des disques, un copain m’a proposé de les passer en soirée et hop, me voilà derrière des platines à faire danser des potes sur qu’on appellera electroclash peu de temps après. Je n’avais aucune technique ni aucune idée du « comment faire », je l’ai appris ensuite.

Au cours de toutes ces années à jouer en tant que DJ, j’ai aussi fait quelques rares lives de mon projet solo (sur lequel j’étais accompagné par mon ami Sébastien, merveilleux musicien qui est derrière le projet Hørd) mais j’ai aussi fait partie d’un groupe pendant une dizaine d’années, signant chez Born Bad Records et Teenage Menopause.

Grâce à toute cette musique, j’ai pu voyager en Europe et rencontrer et jouer avec des artistes incroyables comme The Hacker, David Carretta, Vitalic, The Horrorist, Millimetric, In Aeternam Vale, Alexander Robotnick, Kas Product, Alessandro Adriani, Charles de Goal ou encore Guerre Froide (et même Mylène Farmer l’été dernier !) et toustes m’ont influencé et montré une autre voie à suivre.

J’ai toujours eu la flemme de courir après la fame et je préfère faire des choses avec des gens rencontrés en apéro ou en after et même si je dis parfois que ma vie est ennuyeuse, j’ai des milliers d’anecdotes incroyables à raconter !
En tous cas, je n’aime pas le business. La musique, c’est une question de passion avant tout !

Depuis 4 ans, j’ai ici une résidence mensuelle dans une soirée nommée Intergalactic Boogie et dédiée à la disco, italo, hi-nrg, freestyle et plein d’autres musiques de niche et rétro. J’y joue aussi house et techno quand ça me chauffe. Ces soirées ont lieu à La Tencha, lieu emblématique de la fête qui mélange tout un tas de personnes différentes et avec une prog très variée. On y croise souvent le camarade Sohier qui travaille notamment avec Elips et Nicky Doll !

Un autre lieu qui m’accueille souvent est Le Container, un sauna queer et alternatif qui se différencie clairement des autres lieux que j’ai pu connaître avant. Tu peux y aller et danser sur un de mes sets, voir une femme trans toute tatouée trinquer avec un trouple et un puppy qui porte sa hood et y’a pas plus de question à se poser !

J’aime faire danser les gens et partager de la musique et ce que j’aime par-dessus tout, c’est voir des kids de 20 ans tenter de shazamer ce que je passe puis finalement venir me voir pour me demander le titre. Encore plus quand ce sont des morceaux « pour public exigeant » ou des titres sortis bien avant leur naissance.
En revanche, si tu viens me voir avec ta request foireuse, tu peux t’attendre à un « NON » avant même d’avoir fini ta phrase !

Quel regard portes-tu sur la fête queer ?

Je trouve génial que toute une nouvelle scène débarque : plus jeune, plus militante, qui joue avec le genre et ses codes, plus vénère, il faut tout casser !

Je fais partie d’un groupe social qui, même s’il est plus ou moins visible et militant, s’est embourgeoisé et se dit que c’est gagné parce qu’il y a le mariage pour toustes et des bars où aller. Heureusement, tout n’est pas perdu et il y a aussi de fières pédales qui ont conscience qu’il existe d’autres lettres que le G et vont gueuler dans la rue.

Il y a peu, après un set techno dans un club, un twink tout pimpé et maquillé est venu me voir en me disant « monsieur, vous voulez un quart de taz ? La musique était trop bien !». Cette puce n’était pas la seule à être flamboyante cette nuit-là et dans cet espace totalement libre mais malheureusement temporaire, les règles de la société cishétéronormative n’existaient pas mais j’imagine qu’elle est habituée aux regards dans la rue.
Ces espaces de fête et de visibilité sont hyper importants pour vivre et s’amuser sans avoir peur de crever parce qu’on est jugé·e·s « trop visibles ».

C’est aussi pour ça faut plus de persones queer sur scène, à la télé, dans les médias, dans la politique, partout ! Une emission comme Drag Race France fait bien plus pour la cause qu’un 1er ministre blanc et bourgeois réduit à une caution ou un vernis progressiste. C’est même grâce à un personnage dans Plus belle la vie que ma mère a découvert et compris ce qu’était une personne trans !

Il faut des shows drags partout et pas que par des mecs cis. Il faudrait plus de visibilité pour des femmes cis, les mecs trans et personnes NB qui sont aussi légitimes à performer. Ici, on a La Cave à Kings qu’on voit trop peu et la Maison De La qui fait des shows arty et weird.

Il faut des fêtes qui soient aussi des lieux et des moments d’enpouvoirement pour la commu et pas que des établissements avec des logiques uniquement capitalistes, il faut des fêtes qui melent plusieurs générations parce que je sais très bien qu’on peut faire danser des personnes queer de 20, 40 ou 60 ans avec Donna Summer ou Madonna !

Tu n’es plus tout jeune (nous non plus !) comment c’est de vieillir en tant que queer ?

J’aimerais résumer à des évidences comme mal au dos, l’eau gazeuse est la meilleure boisson, la dépression, rester sous la couette devant Star Trek et Macron explosion.

Cependant, en vieillissant et en tant que « tata » d’un mec trans qui n’a pas encore 25 ans, je sens comme un devoir de protection et transmission. Il est hyper important de transmettre la mémoire et l’histoire queer aux générations suivantes car sinon, elle se perd.

Notre histoire et nos vécus ne sont pas transmis au sein d’une famille de sang mais avec une famille choisie et on sait très bien quel sort la société cishétéropatriarcale réserve aux femmes, aux personnes racisées et queers.
D’où l’importance pour des gens de mon âge et au dessus de ne pas considérer les jeunes comme « des morveux·ses qui ne connaissent rien à rien » et, à l’inverse, ne pas penser que les personnes de plus de 30 ans doivent rester chez elles et se cacher. L’âgisme étant un autre problème à régler dans la commu.

Même si on est plus aussi punk et en colère à 40 ans qu’à 20, il est important d’être visible. Il est important d’éduquer et dresser les cishets de son entourage pour ne plus qu’iels lancent des « blagues » et expressions stigmatisantes. La langue française est assez riche pour ne pas insulter des parties entières de la population chaque fois qu’on veut dire « Fillon, rends l’argent » !

Pour terminer : je passe de la super musique, j’ai beaucoup d’humour et je suis totalement sobre alors bookez moi !

 
 
 
 
 
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Prochaine soirée Intergalactic Boogie : mercredi 31 janvier