On a découvert OH MU cet hiver, et on est tombé·e·s amoureux·ses. OH MU, c’est un premier clip qui parle de montagnes et de sorcières et un univers visuel naïf et enfantin qui émeut, c’est aussi un concert pour la deuxième de la soirée Panoplie, à l’International, le 9 décembre prochain, au côté de Sentimental Rave, le projet de Soraya Daubron et de Musique Chienne. OH MU, c’est beaucoup de choses, et c’est pour ça qu’on a voulu en savoir plus. Interview.
FRICTION : Pourquoi OH MU ?
OH MU : À la base, les ohmus sont des créatures qui ressemblent à des insectes géants dans le film « Nausicaa de la Vallée du Vent » de Miyazaki. Je me sens hyper proche de ces créatures car elles sont pacifiques mais ont une colère, une rage, qui peut devenir destructrice si elles sont en danger ou maltraitées. Dans le film, elles peuvent détruire des villes entières.
Tu dessines, tu réalises tes propres clips, tu es un peu touche-à-tout. Comment ça se fait ?
Ma manière de me familiariser avec des sujets consiste presque toujours à apprendre par moi-même, je fonctionne comme cela. Je ne sais pas exactement d’où ça vient, je dirais que mes expériences et mon handicap (autisme) non-diagnostiqué jusqu’à mes 22 ans font que pour survivre et faire mes projets j’ai toujours dû un peu compter que sur moi-même, et surtout trouver des alternatives au fait d’avoir du mal à interagir avec les autres, à être dans certains lieux bruyants, suivre un cursus scolaire etc. Donc d’une part dessiner, faire de la musique etc., c’était et c’est pour moi un des seuls lieux où je peux vraiment me sentir à l’aise réellement. Et puis, quand je ne sais pas faire quelque chose, en général je suis hyper curieuse d’apprendre à le faire, et ça me donne plein de possibilité artistiquement.
Ça te permet de créer un univers bien à toi. D’où tires-tu ton inspiration ?
Je ne sais pas trop à vrai dire. De ma vie, de la colère que j’ai en moi sûrement, car je ne peux pas la garder en moi et il faut bien qu’elle sorte d’une manière ou d’une autre pour ne pas crever sur place, alors je préfère qu’elle soit positive. Aussi simplement le besoin de m’exprimer autrement que par des mots à l’oral, chose qui n’est pas toujours facile pour moi (je parle lentement et je cherche mes mots, je suis pas l’éloquence incarnée), alors j’essaie de trouver d’autres manières de communiquer mes idées.
Quand tu parles de ton clip, tu parles de l’histoire de « deux sorcières ». C’est quoi, c’est qui, les sorcières d’aujourd’hui ?
Deux sorcières, c’est un peu l’histoire de ma meilleure amie et moi. On se connait depuis toutes petites, on a vécu au même endroit pendant des années dans un milieu, dans une vallée en Suisse qui était assez hostile envers nos identités, on ne pouvait que très peu s’exprimer, c’était un peu l’enfer, du coup ça nous poussait à nier tout ce qu’on était. C’est seulement vers nos 20 ans quand on est parties de la Suisse, chacune de notre côté, qu’on a pu commencer à vivre telles qu’on était réellement, que ça soit vis-à-vis de notre genre, notre sexualité, nos idées, nos passions, nos centres d’intérêts, notre façon d’être, nous quoi. C’est un chemin qui a été très douloureux d’une manière différente pour chacune de nous deux, mais quelque part, on partage le même trauma et le même ressenti sur énormément de choses et c’est ce qui nous lie profondément.
Dans ce sens, les sorcières d’aujourd’hui sont assez similaires à celles qu’on brûlaient il y a quelques décennies/siècles. Les sorcières sont celles qui, par leur simple fait d’être, remettent en question toute une société patriarcale basée sur la haine de soi et des autres êtres. C’est pour ça qu’elles font peur, leurs existences sont tellement puissantes qu’elles poussent indéniablement à la remise en question, et souvent malheureusement les gens ne veulent pas changer ou se remettre en question, ils veulent préserver ce pouvoir qu’ils ont sur les autres, ce qui les rend agressifs, violents voire dangereux.
Tu parles aussi du chemin pour sortir d’«un système aliénant, normé, et violent. » Tu fais référence à quoi ?
Je fais référence à un milieu où on ne peut pas s’exprimer sur tous les points. J’ai vécu entourée d’hommes violents, vieux ou jeunes, avec des femmes, vieilles ou jeunes, qui devaient se soumettre et ne pas se soutenir entre elles. Si ces gens me lisaient, ils diraient que j’exagère, car quand on est le nez dedans, on pense toujours que ça peut être pire et qu’on devrait arrêter de se plaindre. Mais la réalité, c’est que, jusqu’à ce que je parte du milieu où j’ai vécu les 20 premières années de ma vie, c’est le seul exemple que j’avais devant les yeux. À partir de là, difficile de pouvoir se sentir bien lorsque mon identité va à l’encontre d’absolument tout ce que je connaissais. Quand j’ai pu être loin de tout ça, j’ai commencé une déconstruction extrêmement éprouvante, et je n’ai même pas fini de me reconstruire, mais je vois doucement le bout (je crois).
Quels sont tes projets à venir ? Des expos ? Des concerts ? Où en es-tu de ton parcours d’artiste ?
J’ai quelques concerts, dont un le 9 décembre à l’International à Paris, et un autre en février à Lyon. Ça va me faire un peu sortir de chez moi, parce qu’en ce moment je suis en mode ermite, je travaille sur deux gros projets, mon prochain album musical et je suis aussi en train d’écrire un roman, et je vais me coucher à 21h. Ces derniers temps j’ai donné beaucoup de concerts à Paris, Bruxelles et Lille qui ont été très motivants, les gens étaient vraiment super et maintenant je suis aussi contente de pouvoir me concentrer sur mes projets chez moi. À côté, je fais des illustrations ou des bds pour des particuliers ou des associations. J’essaie pas à pas de construire quelque chose de plus en plus solide pour être libre artistiquement mais aussi financièrement.
Si tu devais nous recommander un son pour illuminer nos journées d’hiver, ce serait quoi ?
Alors y’a pas longtemps j’ai découvert Priestess, une rappeuse italienne, et j’adore :
Et sinon plus calme, je dirais Blossom Roses de Her :
Si je te dis « friction », ça t’évoque quoi ?
Une lutte constante qui provoque des frictions avec les autres, pour être qui nous sommes réellement.
Retrouvez OH MU sur les internets :
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