Nous inaugurons avec cette première chronique une nouvelle rubrique : « Des paillettes dans la bibliothèque ».
Les Orageuses, de Marcia Burnier, est paru aux éditions Cambourakis le 2 septembre. Ce court roman suit des victimes de viol dans leur quête de justice vengeresse.
Les orageuses, c’est un groupe de filles, un groupe de sorcières, en qui bouillonne une tempête d’émotions, détresse, terreur, colère. L’orage, c’est la rage qui s’abat sur leurs violeurs, à travers des plans minutieux, calculés pour qu’ils aient peur eux aussi, pour qu’elles aient moins peur elles-mêmes. Elles n’appellent pas ça vengeance mais justice : « On dit pas vengeance, lui avait dit Mia, c’est pas la même chose, là on se répare, on se rend justice parce que personne d’autre n’est disposé à le faire. » C’est « un de moins » parce que « une de plus » c’est insupportable.
A travers plusieurs personnages est abordé le large éventail d’émotions possibles après un traumatisme et pendant la reconstruction. Marcia Burnier parvient à brosser un portrait par petites touches, tout en nuances, de la complexité de ces expériences. On y comprend les conséquences du traumatisme, de l’angoisse, de la peur sur le corps et le quotidien.
Si la lecture des récits d’agressions est difficile, les moments de sororité sont un baume au cœur. J’ai rarement l’occasion de lire un roman où je me reconnais autant dans mon vécu de femme : les discussions sur l’éthique et nos rôles sociaux, le soutien dans nos moments de fragilité, les rapports entre filles, nos amitiés, notre sororité, la fluidité si particulière des relations queer. J’ai reconnu entre les lignes mes ami.e.s queer et mes camarades de luttes féministes et LGBT+.
En lisant Les Orageuses, on ressent et partage la colère face à l’impunité, au privilège, à la culture du viol. Et on se sent un peu moins seules. J’ai vu récemment un collage qui disait : « pas tous les hommes mais assez pour qu’on ait toutes peur », c’est le sentiment qui transpire de ce roman. Et après la rage vient l’action, parce qu’après tout, « pourquoi est-ce qu’on est privée de cette violence-là, pourquoi est-ce qu’on ne fait jamais peur, qu’on ne réplique jamais ? »
J’avais un peu peur que la fin soit tragique, qu’elles soient rattrapées par le système judiciaire comme dernière injustice. Mais la fin est satisfaisante, apaisée et apaisante. Les Orageuses est un roman bien écrit, bien construit, bien pensé et qui semble tiré de nos vies, à nous, personnes perçues comme femmes, de nos terreurs et de nos orages.