On a embarqué quelques livres sous notre parasol, voilà ce qu’on en a pensé, en commençant par nos pref’ !
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En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut (Gallimard)
Une chronique de l’amour fou qui n’a jamais aussi bien porté son nom. On rit comme on pleure, à chaque page qui se tourne. Le rythme est enlevé, les images touchantes et belles, la tendresse inouïe des personnages les uns pour les autres saisit le/la lecteur/trice de la première ligne à la dernière. On n’avait pas lu plus bel éloge de la folie depuis bien longetemps. Recommandation FRICTION sans hésiter !
« Jamais je ne les avais vus danser comme ça, ça ressemblait à une première danse, à une dernière aussi. C’était une prière de mouvements, c’était le début et la fin en même temps. Ils dansaient à en perdre le souffle, tandis que moi je retenais le mien pour ne rien rater, ne rien oublier et me souvenir de tous ces gestes fous. »
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Aphrodite et vieilles dentelles, Karin Brunk Holmqvist (J’AI LU)
Ce livre, c’est avant tout l’histoire de deux vieilles filles de 79 et 72 ans. Et rien que pour cette raison, on aime. On aime aussi pour l’évocation de la sensualité (voire de la sexualité) de ces vieilles filles qui n’ont pas tarder de « découvrir la source de cette sensation brûlante et [de] l’apaiser seules ». Si la masturbation est ainsi évoquée, c’est la sensualité dans son ensemble que le livre met en avant, puisque pour se payer le luxe de rénover leur maison, les deux vieilles femmes vont se mettre à fabriquer des élixirs aphrodisiaques. Le/la lecteur/trice est pris dans le tourbillon du roman qui apparaît comme une bouffée d’air frais, une agréable lecture estivale.
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Vernon Subutex, 3. de Virginie Despentes (Grasset)
On attendait avec impatience le dernier tome de Subutex – autant vous dire que chez Friction, on n’a pas attendu la hype pour faire de Despentes notre papesse, notre idole et notre guru, et que chacun de ses écrits relève pour nous du sacro-saint. On a retrouvé avec plaisir son style coup de poing et son regard aiguisé, incroyablement nécessaire, sur la France et sur notre époque. Mais du point de vue de l’intrigue, on est bien obligé.e.s d’admettre qu’on a été un peu déçu.e.s : le troisième épisode de la série est moins rythmé que les précédents et le livre qui devait clore la trilogie met beaucoup de temps à démarrer. On a quand même apprécié les fulgurances de Despentes, incarnées notamment par Olga, et son regard sur Nuit Debout. C’est la fin d’une grande fresque qui, on l’espère, fera date. Une chose est sûre : on attend la suite, mais peut-être pas tant de Subutex que des écrits de bae Virginie.
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L’amie prodigieuse, t.1, Elena Ferrante (Folio)
Naples, années 50 et l’histoire d’une amitié. Celle qui unit Lenuccia Greco et Lina Cerullo. Les deux petites filles, puis adolescentes, évoluent dans un univers de violences : de violences verbales, de coups de poing faciles, de meurtres. Plus qu’une histoire, c’est une ambiance que construit l’autrice, et qui fait qu’on se laisse emporter. Elena Ferrante trace le portrait de ses héroïnes précision, profondeur et force : un portrait lucide, lumineux, tendre et passionné. Même si l’on ne sait pas trop où va nous mener le récit, à la fin de ce premier volume, on a envie d’en savoir plus et de lire la suite, merveilleusement bien *teasée par l’annonce liminaire d’une disparition, 50 ans après les faits relatés dans le roman. Alors, qu’adviendra-t-il de Lina ? On a tout de même un peu hâte de l’apprendre.
« Notre monde était ainsi, plein de mots qui tuaient : le croup, le tétanos, le typhus pétéchial, la gaz, la guerre, la toupie, les décombres, le travail, le bombardement, la bombe, la tuberculose, la suppuration ».
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Mother, Luc Lang (Folio)
Un livre aux accents « Nouveau Roman » qui finissent par être assumés dans les dernière pages avec des références à La Modification de Butor ou à La Jalousie de Robbe-Grillet et qui évoque selon trois modalités différentes les rapports d’un fils à sa mère, sur fond de folie voire d’absurde. On s’y perd, mais on aime assez les phrases qui s’allongent vers la fin, les récits qui se diffractent, le rythme qui s’amplifie peu à peu comme un tour de passe-passe assez facile, mais réussi.
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Quand sort la recluse, Fred Vargas (Flammarion)
Du polar, français, et plutôt bien écrit, cette nouvelle enquête du commissaire Adamsberg qui nous emmène sur le terrain de l’arachnologie et montre une fois de plus que Vargas n’a rien à envier aux maîtres·ses du genre. Une enquête improbable avec dans le rôle de l’assassin une araignée invisible et non létale, une famille de merles, une recluse dans un pigeonnier, et d’abominables secrets dans un orphelinat. L’immersion dans les brumes de l’univers du commissaire est rapide et totale, on se laisse happer. Les critiques sont unanimes, un polar de Vargas se savoure comme un bon vin, et à n’en pas douter ce dernier Vargas est un grand cru.
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Le temps est assassin, Michel Bussi (Presse de la Cité)
Clotilde revient, avec son mari et sa fille de 15 ans, pour la première fois sur les lieux de l’accident qui a coûté la vie à toute sa famille. À l’endroit même où elle a passé son tout dernier été avec ses propres parents, elle reçoit une lettre, signée de sa mère. Le doute s’immisce et les pièces d’un puzzle fort compliqué se mettent en place. Michel Bussi en intercalant des extraits du journal intime de la jeune Clotilde et les faits de 2016 s’autorise des incursions malignes du côté du passé et joue à merveille de cette double temporalité. Si le dénouement final est surprenant et on aurait peut-être préféré quelques pages de moins…
« Même les pires souvenirs finissent par s’oublier, si on en empile d’autres par-dessus, beaucoup d’autres. Même ceux qui vous ont cisaillé le cœur, ceux qui vous ont rayé le cerveau, même les plus intimes. Surtout les plus intimes. »
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Millenium, tome 4 , « Ce qui ne me tue pas », David Lagercrantz (Acte Sud)
Dix ans après la publication en Suède du premier volume de Millénium, David Lagercrantz livre un thriller d’une actualité brûlante et signe les retrouvailles des personnages cultes créés par Stieg Larsson. La saga continue donc. Et on a surtout aimé la prouesse qui consiste à ce que jamais au grand jamais le/la lecteur/trice ne sente le fait que ce n’est plus le créateur de Lisbeth Salander et Mikael Blomkvist qui tient la plume. Le rythme est effréné, les sujets abordés d’actualité, on se laisse embarquer dans cette nouvelle enquête, et on en redemanderait presque. Parfois peut-être, fronce-t-on un peu les sourcils face aux ficelles trop grosses, mais c’est l’été. On en profite.
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Tu comprendras quand tu seras plus grande, Virginie Grimaldi (Le livre de poche)
Un roman aux allures de téléfilm de M6 : une jeune psychologue quitte Paris à la suite d’une série de drames personnels et s’en va exercer dans une maison de retraite. Elle y apprend à jeter un regard neuf sur les personnes âgées qu’elle n’aime pas au départ. On salue le regard bienveillant porté sur la vieillesse qui pour une fois n’a rien d’un naufrage, on salue aussi le twist final. Parfait sous le parasol, quand on ne veut pas trop réfléchir.
« – J’ai oublié quarante ans de ma vie, poursuit-elle. Cela m’a appris une chose primordiale, sans doute le secret du bonheur : la vie c’est le présent. C’est ici et maintenant. D’hier, il ne faut garder que le positif. De demain, il ne faut rien attendre. On ne peut pas changer le passé, on ne peut pas connaître l’avenir. […] La peur découle du passé et abîme l’avenir. […] C’est souvent à la fin de notre vie que nous mesurons la valeur du présent. »
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Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une, Raphaëlle Giordano (Pocket)
On a eu du mal à aller au bout de ce roman qui prend des allures de guide de développement personnel. Si on a pioché çà et là quelques idées pour s’alléger le quotidien (on aura, par exemple, fait nous-mêmes notre liste de qualités, on aura listé nos expériences positives et nos réussites, on aura retenu aussi l’idée d’une rumignotte – cagnotte à remplir à chaque pensée négatives), on est quand même plus que gêné·e·s aux entournures par la dimension très hétérocentrée et normative du roman qui fait, par exemple encore, de la perte de poids un objectif du mieux-être ou qui livre la recette des sextos comme on donnerait la recette du filet mignon.
Chez Friction, on n’a pas encore très bien compris l’enthousiasme suscité par cet ouvrage : psychophobie, sexisme, grossophobie semblent au RDV. Et surtout, l’ensemble est d’une pauvreté littéraire sans pareille. Beurk.
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Merci à Matthieu pour sa lecture du dernier opus de « bae Virginie »