Fellow Travelers : voyage à travers l’histoire gay américaine

L’internet homosexuel s’est particulièrement enflammé pour deux duos d’acteurs cette année : Andrew Scott/Paul Mescal et Matt Bomer/Jonathan Bailey. On a pu voir les deux derniers dans des extraits de scènes de sexe un peu partout, extraits des passages les plus attrayants de Fellow Travelers, une mini-série nommée plusieurs fois aux Golden Globes cette année. Car les récompenses en sont les preuves, cette œuvre a bien plus à apporter que ses nombreuses scènes de cul (mais vous pensez bien que nous allons vous en parler quand même).

Fellow Travelers nous fait suivre la relation tumultueuse et passionnée entre Hawkins Fuller et Tim Laughlin à travers plusieurs décennies. Les deux hommes se rencontrent alors qu’ils travaillent pour le gouvernement américain, actuellement bouleversé par la montée politique du sénateur McCarthy, instigateur d’une période de répression violente des communistes mais aussi des homosexuel·les. Nous suivons ainsi le début de cette idylle dans les années 50, pour se rapprocher graduellement des années 80 et de l’apparition du VIH/Sida.

Hawkins et Tim, ce sont deux amants aux personnalités profondément opposées mais qui luttent tous les deux contre l’homophobie, des autres comme celle qui les dévorent intérieurement. Tim est un romantique au catholicisme culpabilisant, incapable de se libérer de sa naïveté et de son syndrome de l’infirmière. Hawkins, quant à lui, s’avère être un carriériste sans foi ni loi, fermé et prêt à tout pour protéger son intimité.  

L’écriture de ce duo est absolument magistrale, tant par la profondeur de leurs dialogues que par l’évolution de leurs personnalités sur plusieurs décennies. Deux rôles incarnés par Jonathan Bailey et Matt Bomer avec grande intelligence, tout deux ayant réussi à fabriquer une alchimie indéniable mais pleine de subtilité. C’est d’ailleurs certainement grâce aux comédiens que les scènes de sexe sont à ce point réussies, tant elles sont gorgées de sensualité et d’émotion. La sexualité des deux amants illustre parfaitement la passion et les difficultés du couple dans une mise en scène délicate qui met en valeur la gestuelle et les corps des acteurs. Les prouesses de réalisation s’arrêtent toutefois là puisque la majorité des épisodes ne s’illustrent pas forcément par la mise en scène, qu’on qualifiera de correcte, voire d’assez peu imaginative.  

Cette monotonie visuelle enfonce parfois un rythme narratif qui manque de variété. Résultat, la mi-saison est difficile à passer, avec un ou deux épisodes qui auraient mérité de ne faire qu’un. Côté B.O, même sentiment de trop peu, avec des thèmes musicaux loin d’être mémorables, qui se contentent d’appuyer les scènes de drame et d’intimité.

Bien heureusement, la relation chaotique entre Hawks et Tim nous tient en haleine et nous permet de constater à quel point la répression homophobe impacte non seulement nos quotidiens mais aussi nos façons d’aimer. Par ailleurs, fait encore trop rare pour ne pas le souligner, la série retrace en parallèle de cette passion entre deux hommes blancs, celle de deux gays noirs, Marcus et Frankie. Au -delà de leurs propres conflits relationnels, également alimentés par l’homophobie et la répression, leur histoire dépeint les difficultés rencontrées par les hommes racisés homosexuels de l’époque.

Fellow Travelers réussit l’exercice difficile mais terriblement nécessaire de dépeindre l’histoire homosexuelle américaine dans une certaine globalité. Dans la fiction, le cadre temporel est souvent posé et ne se déplace pas : les années Sida, les années 70, de nos jours… La relation de Tim et Hawk nous permet d’enfin casser ces portraits restrictifs pour nous rappeler à quel point nous sommes en tout temps héritiers des difficultés passées de notre communauté, difficultés qui gangrènent aussi nos relations amoureuses. Mais au-delà de l’importance mémorielle de Fellow Travelers, on repensera souvent avec émotion à ces deux amoureux qui faillissent, se relèvent et se blessent à travers les décennies, grandissant ensemble comme l’un contre l’autre.  

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