Folles, fées et fleurs pour le climat : rencontre avec le mouvement Panzy

A l’occasion de la Queer Week 2017, le mouvement Panzy revient au Point Ephémère avec la seconde édition d’Ecologies Queer, un évènement qui devrait réchauffer nos corps engourdis par l’hiver, faire bourgeonner nos envies de danser, de rêver, de redéployer nos petites ailes mais aussi (c’est important) de militer : un moment de fête, donc, mais surtout de réflexion collective autour des questions environnementales. Pour en savoir plus, j’ai papoté avec le journaliste et activiste Cy Lecerf Maulpoix, membre de Panzy et l’un des organisateurs de l’évènement. 

Ecologies queer - illustration du photographe trans Smith
Photo ©SMITH // Graphisme : Florian Chavanon

Tout d’abord, pourquoi « Panzy » ?

On a choisi Panzy pour s’émanciper du nom qu’on arrivait plus trop à porter : “LGBTI pour le Climat”. C’est un groupe qui s’est créé en amont de la COP21 afin de mobiliser les LGBTQI au sein d’une grande marche climatique qui devait avoir lieu à Paris en décembre 2015. L’idée était autant de créer une sorte de Pink Bloc au sein d’une marche écologiste que de ré-insuffler une présence queer et joyeuse au sein d’un cortège qui avait assez inconsciemment tendance à ne pas visibiliser cette présence. 

Cette idée de visibiliser les LGBTQI au sein de la lutte climatique ne sortait cependant pas de nulle part. Elle venait essentiellement d’un groupe qui avait marché à New York en Septembre 2014 pendant la grande marche climatique, les Queers for the Climate dont on a rencontré certains membres les années suivantes. 

On avait publié à l’époque une sorte d’appel un peu long sur Médiapart pour expliquer notre démarche. Et organisé un premier événement intitulé “Le climat mis à nu” où il s’agissait de replacer le corps au centre du militantisme mais également des moyens de sensibilisation. En usant tantôt d’humour, d’une forme d’érotisme et de jeu pour parler de sujets particulièrement déprimants comme la disparition des espèces animales, l’épuisement des ressources, la destruction de la faune et la flore marine, etc, etc…

Pour le nom, cela a pris du temps du temps mais on s’est mis d’accord sur le terme slang de Panzy, qui est une insulte équivalente à “sissy” en anglais, qu’on adressait en générale aux hommes queers ou efféminés. C’est intéressant parce que cela signifie aussi  “pansée” (la fleur). Le lien se tisse alors tout seul, renvoyer les queers à leur trouble dans le genre en les assimilant à des fleurs, c’est assez poétique.

On est pas les seuls à y avoir pensé d’ailleurs. Le travail de Paul Hartfleet et son The Pansy Project tourne autour de la célébration mémorielle, de l’hommage aux disparus queers. Je pense qu’il s’agit aussi de réinvestir une forme de féminité, cela mériterait d’être discuté, au sein de milieux militants parfois très masculins ou virilistes.

Crédit photo Paul Hartfleet

Que veut dire être un mouvement LGBTI pour le climat ? Y a-t-il un rapport spécifiquement queer à l’écologie ?

Cela veut simplement dire que l’on considère que notre expérience en tant que LGBTQI ou queer peut nourrir ou influer autant sur notre vision ou conception de la “nature”, de l’écologie mais aussi sur notre rapport au militantisme. L’idée d’écologie queer est intéressante parce qu’elle permet de remettre en mouvement le concept même d’écologie, les discours et pratiques qu’on lui associe habituellement.

Il ne s’agit pas tellement de dire que les queers la pratiquent différemment mais plutôt de chercher à l’appréhender avec une vision queer, déviant des normes avec lesquelles on l’appréhende. Cela peut vouloir dire l’érotiser, ou encore la célébrer au cours d’un rite quelqu’il soit. Cela peut aussi correspondre à une émancipation du discours sur la sexualité des animaux, d’aller étudier des exemples de rapport au genre, aux sexes, aux sexualités bien plus souple que ce que la science, l’éthologie nous rapportent souvent.


Cela peut aussi correspondre à chercher de nouvelles manières de se mobiliser en faveur de l’écologie. Les écosystèmes militants sont complexes, parfois discriminants ou marginalisant. Travailler à essayer d’en valoriser chaque composante en identifiant les problématiques rencontrées par chacunE peut faire partie de nos démarches. Cela veut aussi dire créer des pink blocs plus ou moins ouverts et inclusifs lors d’actions ou de marches en fonction des besoins dans ces milieux.

Les écologies queers sont intéressantes dans la mesure où elles encouragent l’intersection entre différentes problématiques également. Au-delà des questions de développement durable, de soin de la planète et par extension des sujets qui l’habitent, il s’agit de voir plus grand, d’articuler capitalisme et changement climatique, de penser le racisme environnemental, c’est-à-dire de se pencher sur la manière dont il serait possible d’articuler une critique globale qui prendrait en compte non seulement les multiples formes d’oppressions et de discriminations des êtres humains mais aussi celles qui concernent les êtres non-humains : animaux, végétaux, énergies, etc…

L’urgence écologique risque de recouvrir toutes les autres urgences si on ne prend pas garde à l’inclure et à la penser de pair avec nos autres revendications. Se battre uniquement pour nos droits dans un monde qui tend à détruire l’environnement naturel qui nous est essentiel sur bien des plans revient à nous tirer une balle dans le pied sur le long terme. Les situations de crise n’ont jamais été favorables par ailleurs aux minorités.

Cet ours blanc est il une illustration du green-pink wahsing ?

Panzy semble aussi s’inscrire dans la lignée des Radical Faeries. Tu peux nous en dire un peu plus ?

Les Radical Faeries sont très certainement une influence, notamment en raison de nos accointances avec certains groupes notamment à l’étranger, mais pas uniquement. Le rapport originaire des mouvances faeries à la création de territoires sanctuaires, d’abord aux États-Unis, Pays-Bas puis en Europe, est intéressant parce qu’il prend souvent en compte des attitudes collectives et des pratiques écologiques, anti-capitalistes, anti-nucléaires qui ont fleuri dans les années 60 et 70 : l’utilisation de méthodes traditionnelles pour cultiver la terre, le recyclage et la réutilisation d’objets ou de déchets.

Je pense qu’il y a eu aussi lors du pic l’épidémie de sida, une forme d’écologie des émotions avec une véritable attention, en tous les cas aux US, aux processus d’accompagnements de la maladie, de la perte. Beaucoup de sanctuaires faeries sont devenus des lieux où l’on allait mourir, où l’on était aidé par des proches issus de la communauté.

Cette dimension collective, cette manière de traverser les catastrophes collectivement correspond à une dimension écologique plus humaine, qui résonne beaucoup avec des ambitions d’attention et de bienveillance qu’on essaye de cultiver au sein du groupe et qu’on continue à essayer de développer.

On avait d’ailleurs organisé l’été dernier un pique-nique bio éco-queer post-marche des fiertés, où l’on proposait de prendre soin de nous avec massages, espace de relaxation, etc.. Bon, il a plu ce jour là, ce sera clairement à refaire cette année.

Des fées australiennes (mouvement des fairies)
Des fées australiennes

A quoi ressemblent concrètement vos actions ?

En dehors de l’organisation d’événements de sensibilisation 2 à 3 fois par an, on a commencé à organiser des ateliers d’échanges de savoirs. Se dessine également un projet de permaculture mais on aurait besoin de plus de monde. Après tout, nous sommes encore un jeune groupe. L’idée d’un stage sur un week-end hors de la ville également pour apprendre à être et faire ensemble sur des thématiques écologiques est dans les esprits. Il y a aussi régulièrement des actions de désobéissance civile auxquelles celleux qui veulent peuvent se greffer. Elles se font souvent avec d’autres groupes d’ailleurs. On reste plus discrets dans ces moments-là.

Vous organisez prochainement l’évènement Ecologies Queer #2 au Point Ephémère. A quoi doit-on s’attendre de particulier ?

Dans l’idéal, une belle synergie entre les performeuses-eurs et les participantEs. Les performeuses-eurs viennent d’univers parfois très différents, des beaux-arts, des médias, et sont engagéEs dans le militantisme à leurs manières. Il y a évidemment la question de la nudité que l’on avait déjà utilisée dans le Climat mis à Nu (leur précédent évènement, ndlr) mais pas que. Chaque intervention a ses particularités en fonction du texte ou de l’extrait que nous avons retravaillé.

Donc oui, plutôt que d’en dire trop : On voudrait que les personnes présentEs puissent se sentir conviées à une sorte de voyage réflexif et poétique. Qu’il y ait aussi de la joie, une bienveillance, une envie de partage.

Comme on l’expliquait dans l’événement, il s’agit de décloisonner un peu notre rapport à l’écologie, à la crise environnementale à travers un prisme queer. On proposera plutôt des pistes de réflexion et d’action plutôt que des solutions. Cela peut tourner autour du véganisme et du patriarcat, du rôle des êtres queers dans une crise générale, de racisme environnemental. Mais il s’agira aussi de faire participer tout le monde. Mais on en dit pas plus…

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Ecologies Queer #2,  samedi 11 mars au Point Ephémère

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