Ce texte aborde des sujets en lien avec la santé mentale qui peuvent être difficiles pour certain·es lecteurs·trices.
« Je suis actuellement hospitalisée, je… » Ce n’est pas la première fois que je me retrouve en clinique psy, mais c’est la première fois que je fais le choix de ne pas mentir totalement sur mon état. J’ai laissé tomber les « je suis souffrante » pour évoquer des soucis de santé plus sérieux.
Évidemment, je ne dis pas à chacun·e de mes interlocuteurs·trices que je suis en psychiatrie parce que j’ai pété une durite et que je n’arrive pas à fonctionner normalement : que je dois réapprendre des milliers de choses qui leur semblent pourtant d’une facilité déconcertante. Comment on fait pour gérer la colère ? Comment on fait pour ne pas être dans le surattachement ? C’est quoi, une peur abandonnique ? Mais je suis là, et pas ailleurs, en train de me dorer la pilule : la pilule c’est 5 fois par jour pour éviter les grandes larmes et les idées noires qui m’assaillent.
En parler
Je crois que c’est important pour moi, cette vérité, ou cette semi-vérité. C’est un peu me réapproprier mon discours sur la santé mentale, tout en restant suffisamment pudique pour ne pas être confrontée, ni confronter l’autre, au mal-être infini qui submerge et emporte tout. «Pour une durée indéterminée…» Et voilà, les bases sont posées. On y est pour un moment, on sait tous·tes plus ou moins de quoi il est question et surtout : on sait que c’est grave.
Cette pudeur vis-à-vis de la santé mentale, c’est elle qui fait que l’on minimise en permanence la gravité du mal. Mais finalement, moi, je préfèrerais me péter une cheville que me jeter du quatrième étage parce que je supporte plus la vie. Il y a peu j’ai dit « je crois que je suis malade » et ça a fait rire mon entourage : je parlais d’un rhume, ou d’un début de grippe. Mais je suis malade, probablement depuis des années. Si même nous, en tant que malades ou patient·es d’institutions psychiatriques – on pourra parler de la psychiatrie comme institution un autre jour – nous minimisons nos symptômes, nos ressentis, nos vécus, alors la dépression, les troubles de l’humeur et finalement tous les troubles mentaux, resteront le luxe de celleux qui s’écoutent trop.
Celleux qui s’écoutent trop
La psychiatrie est un luxe de riches, nous en avons déjà parlé, mais un des lieux communs sur la maladie mentale, c’est de dire que c’est à force de trop s’écouter qu’on fait des symptômes, des petites variations de l’humeur qui, finalement, seraient communes à tous·tes. S’il y a bien une chose que j’ai comprise de mes années de thérapie, c’est qu’on ne s’écoute finalement jamais assez. Si je m’étais davantage écoutée, j’aurais compris que ce n’était pas une dépression saisonnière et qu’il ne me faudrait pas que du sport à outrance et un peu de vitamine D pour me guérir cette fois. Si je m’étais écoutée, j’aurais pu dire à mon entourage où j’en étais réellement de ma santé mentale, j’aurais pu ne pas me voiler la face en faisant comme si tout allait bien. Le monde ira mieux lorsque les gens s’écouteront davantage et seront en mesure d’identifier leurs émotions et d’avoir des ressources pour les vivre pleinement.
S’écouter, être écouté·es et se parler, parler vraiment, de santé mentale sont deux choses qui nous permettront collectivement d’aller vers un mieux-être qui ne relève pas du développement personnel mais d’un choix politique en matière de santé mentale qu’il est urgent de faire dans un climat où tout est dépressiogène et anxiogène. Le monde va mal, essayons de tenir le choc collectivement.
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