Nouvelle venue dans le paysage des soirées interlopes parisiennes, la Calor Ultra Gliss a fait une entrée fracassante au Chinois au début du printemps. La soirée revendique un line up en non-mixité MINT (meufs, intersexes, non-binaires, personnes trans) de façon à laisser les platines à celleux qu’on invite trop rarement à jouer. À l’occasion de la venue de la Calor Ultra Gliss à la Jeudi OK au Wanderlust le 30 juin, nous avons voulu discuter avec Adeline Journet aka F/cken Chipotle qui organise la soirée. Amatrice de gros son qui fait du bien où ça passe, elle signait déjà récemment une mixtape de feu pour Friction.
Le Calor Ultragliss est un fer à repasser… Pourquoi avoir choisi ce nom pour une soirée ?
Ça faisait déjà quelque temps que je cherchais quelque chose, mais rien ne venait, puis… une soirée un peu arrosée chez moi, un pote en partant qui lit une inscription sur une boîte en disant, l’air de rien, « Calor Ultra Gliss, ça ferait un bon nom de soirée ça ». Je pense qu’il blaguait. Mais j’ai eu le déclic. Un truc chaud, qui glisse, une connotation un peu absurde… c’est tout ce que je voulais pour la nouvelle soirée que je lançais !
Il faut arrêter d’avoir peur d’être politique et de faire des choix, cette peur-là, elle dessert et invisibilise le propos.
Est-ce que tu peux nous raconter l’origine de ces soirées ?
Je pourrais faire une chronologie, mais je crois que je me perdrais dans la réflexion. Si je dois ne citer qu’une origine, ce serait les Souffleurs. Cet espace a énormément joué dans la vision des soirées que j’essaie d’organiser depuis quelques années. J’y sortais beaucoup entre 2012 et 2015, on y était quasiment tous les weekends, c’était sale, dégoulinant, sombre, très excitant, et queer as fuck. Le seul endroit où trans, pédés, gouines, se réunissaient quasiment tous les soirs de la semaine, sans se poser trop de questions. C’est ça qui me plaît et me donne envie dans la nuit, qu’on soit tous réunis dans une même envie, un même amour de la « déviance » d’une certaine manière, un même rejet des codes du fonctionnement traditionnel de la société. C’est ce que j’ai toujours essayé de faire ou d’inspirer du coup, tant avec les soirées Souffleuses et Sneaky Sneaky, que j’organisais avec deux amis, que dans les soirées Heeboo plus récemment à La Station-Gare des Mines. La Calor, c’est un peu différent du coup, mais ça va un peu plus loin dans mon mode de pensée et de fonctionnement. Je suis partie du principe que l’histoire du « 100% meufs derrière les platines » devenait léger, portait à confusion et finalement, était devenu excluant pour toute une génération d’artistes qui n’avaient ni l’envie ni le besoin de se situer quelque part. J’ai donc décidé de simplement laisser les « mec-cis » en dehors des programmations. De laisser l’espace à « tout » ce qui reste en dehors, « tout » ce qui a du mal à trouver sa place sur les programmations classiques, « tout » ce qui est même parfois booké « pour les quotas », « tout » ce qui rentre dans ce qu’on appelle MINT : meufs, intersexes, non binaires et trans. Tout nous quoi. Être fluide en 2022, c’est pour moi essentiel, c’est signe d’un plus beau futur, d’un avenir un peu plus rassurant même je crois. Ce qui est dangereux c’est que beaucoup de soirées et d’orgas surfent sur cette vibe, sans jamais s’engager réellement. Il faut arrêter d’avoir peur d’être politique et de faire des choix, cette peur-là, elle dessert et invisibilise le propos.
Quel est le lien avec Heeboo ? D’ailleurs, c’est toujours un média web, Heeboo ?
Le lien, je dirais, c’est que la Calor rentre dans la continuité de ce qu’était Heeboo, tout en s’en détachant un peu. Heeboo était un média sur ce monde de la nuit qui faisait avancer les combats du jour. La Calor est son bébé, son bébé transgénique et futuriste. Heeboo est en pause. Heeboo est vivante mais elle se cache derrière quelques soirées pour l’instant. Elle sommeille.
On peut s’attendre à quoi lorsqu’on vient à la Calor Ultra Gliss ?
À avoir mal à la tête. Non je déconne. Mais la plupart des artistes programmé.e.s jouent vite, fort et frénétique. On peut donc s’attendre à avoir la tête qui tourne, à danser vite, à être bien entouré aussi, à se sentir safe, c’est important pour moi.
Parle-nous du line up de la Jeudi OK ?
Je suis très contente de cette programmation. Beaucoup de nouvelles têtes, de jeunes artistes pluridisciplinaires. J’aime programmer les têtes brûlées, les passionné.e.s, les gens qui s’assument, ne font pas semblant, sans pour autant se prendre la tête. J’aime cette légèreté, ce je m’en foutisme, qui pourrait s’apparenter à un écart certain avec la projection artistique, mais finalement, je la trouve intéressante, cette légereté, et profonde. Le Kaiju je la connais depuis septembre dernier, on avait joué à Marseille ensemble et c’est une artiste complète que j’admire beaucoup, tant par sa discipline, sa technique et sa créativité. Moesha 13, je l’avais invité il y a trois ans pour une Jeudi Ok à Concrète, et cette année je suis super contente de pouvoir accueillir son live, je suis pas certaine que le plancher du Wanderlust soit prêt. Apocalypse Nao également, elle vient du crew Club Schumacher et c’est une bombe. Ce sont toutes des bombes sur ce line-up. Laura Trance et Ange Paradiz que j’ai fait jouer à ma première Calor le 9 avril dernier au Chinois. Les petites nouvelles, AcidePlastique, Vera Fatale et Kennymphe. Puis je jouerai aussi. Enfin venez voir et danser, la pluie s’arrête à 16h !