Le BAAM : « On note chez Macron une obsession pour les questions migratoires qu’on ne lui demandait pas »

En attendant notre soirée de soutien prévue à l’Officine 2.0 samedi 25 janvier, on a discuté avec Héloïse Mary, présidente du BAAM, pour faire le point sur la situation deux ans après notre première rencontre en vidéo.

Friction : On s’était rencontrés il y a deux ans peu après l’élection de Macron. Qu’est-ce qui a changé avec ces deux années sous Macron ?

Héloïse Mary : Ce qui a empiré avec Macron c’est tout d’abord la loi Asile et Immigration qui est liberticide pour les migrants, prolonge les délais de rétention, diminue le temps pour déposer une demande asile, et empêche les migrants d’obtenir une régularisation.

Sous Macron on a constaté une augmentation du nombre de places en centres de rétention, au détriment d’une augmentation du nombre de places en centre d’hébergement.

On note aussi chez Macron une obsession manifeste pour les questions migratoires qu’on ne lui demandait pas, une pratique réactionnaire et raciste qui se traduit par une augmentation du nombre d’expulsions et, globalement, par une augmentation du nombre de personne malades en centres de rétention, plus d’enfants en centres rétention.

Les conditions de vie dans ces centres de rétention administratives (CRA) ont été souvent dénoncées ces derniers mois.

Tout d’abord, ces centres de rétention sont des zones d’enfermement, des lieux d’enfermement, comme peuvent l’être les prisons. Tu n’as pas le droit de garder ton téléphone portable si c’est un smartphone, tu dois manger à heure fixe, les conditions sanitaires et d’accès au soin sont terribles.

La deuxième question, c’est comment tu exploites les zones de rétention : ce sont en réalité des salles d’attente dégueulasses en vue des expulsions, des plateforme d’expulsion vers l’Afghanistan, ou vers L’Italie puis le Soudan.

On y trouve plein de personnes qui sont demandeuses d’asile mais placées sous procédure Dublin, qui en fait ils n’ont pas leur place en centre de rétention. Ils sont alors coupés de leur soutien, qui ne peuvent plus les aider, n’ont accès qu’à des organisations disposant d’une convention avec l’Etat comme la Cimade, mais ces asso n’ont pas beaucoup de personnel, elles croulent sous les demandes.

Comme ce sont des zones très peu observées par l’opinion publique, ça permet tous les traitements dégradants et violents possibles.

Il y a aussi ce décret du 30 décembre dernier, dont on a peu parlé, qui réduisait la prise en charge des frais de santé

Ce décret, qui est désormais en application, concerne uniquement les demandeurs d’asile car eux seuls disposaient de la CMU (Couverture Médicale Universelle). Ils y avaient droit immédiatement dès qu’ils étaient en procédure de demande d’asile, alors que les sans-papiers eux étaient couverts par l’AME (Aide Médicale d’Etat), mais devaient attendre trois mois de présence sur le territoire français.

En gros, ils ont aligné le régime de la CMU sur celui de l’AME, et les demandeurs d’asile devront aux aussi attendre trois mois de présence sur le territoire français pour en disposer. Ca veut dire que tu arrives, tu fais ce que l’Etat te demande en déposant ta demande d’asile dans les délais, et pourtant tu n’auras pas accès au soin à un moment où souvent, tu n’as pas d’hébergement et tu es susceptible de tomber malade.

Tout ça se couple avec le fait que les permanences d’accès aux soins de santé accessibles aux gens qui n’ont ni l’AME ni la CMU sont saturées. Il s’agit d’une « politique de dissuasion » d’arrivée sur le territoire français, théorisée et mise en place par le gouvernement, pour dissuader la venue d’une « immigration clandestine” – terme, rappelons-le, jusqu’ici plutôt employé par l’extrême droite.

Au-delà des urgences que représentent les centres de rétention et l’accès à la santé, où se situent les urgences politiques du moment ?

Il y a d’autres urgences liées au territoire dans lequel vivent les migrants : à Paris, là où intervient principalement le BAAM, il y a de plus en plus de campements disséminés aux portes de la ville. La municipalité a décidé qu’il fallait repousser les migrants le plus soin possible du centre parisien – comme les travailleurs du sexe dans une certaine mesure – du coup les asso ont du mal à faire leur travail. 

Les camps sont de plus en plus insalubres, les places en centre d’hébergement vont en diminuant, les centres d’accueil de jour ne fonctionnent pas puisque très peu de places réservées pour les migrants – j’ai des exemples où on ne laisse rentrer que 20 ou 30 personnes par jour, ce qui ne suffit pas du tout. Et en parallèle, on met aussi des batons dans les roues des organisations qui viennent en aide aux migrants. 

La mairie de Paris, pourtant, pointe souvent vers l’Etat ou la préfecture lorsqu’on évoque des manquements sur ces questions

Il y a plein de choses qui dépendent de la préfecture, comme les contrôles au faciès ou autres. Mais lorsque des agents de la municipalité mettent des coups de canif dans les tentes, il s’agit de la mairie de Paris. Quand on appelle le Samu social pour faire héberger une femme enceinte de 7 mois et demi, il s’agit de la mairie de Paris. Les pierres qui empêchent les gens les gens de dormir à Porte de la Chapelle, et plus généralement les politiques d’urbanisme qui mettent en place du mobilier anti-SDF – car les migrants sont aussi des SDF comme les autres – il s’agit de la mairie de Paris. C’est important pour nous de parler de la politique municipale qui se présente comme parfaite alors que Paris n’est pas une ville accueillante pour les migrants. Ils ne font pas le taff.

En parlant de bâtons dans les roues, où en êtes-vous quant à votre local ?

La Base va bientôt fermer, jusqu’ici c’était pas notre local en propre, on était accueillis contre rémunération. Le local c’est la vie de l’asso, c’était un spot. On n’aura plus de locaux pour faire les permanences juridiques sans-papiers et LGBTQI. Je dis pas qu’on n’a pas des pistes. Mais on n’a rien de stable, rien de signé.

En fait, c’est surtout une pratique généralisée : Nogozon aussi se sont fait virer de leur local. Solidarité Migrants Wilson a pris des amendes pour distribution alimentaire. On le voit dans les déclarations d’Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris, qui disait au printemps dernier qu’il serait prévu des arrêtés pour empêcher les distributions alimentaires par des asso non-mandatées par l’Etat, et déclarait plus généralement être prêt à « déclencher les feux de l’enfer » sur le nord de Paris.

Que peuvent faire nos lecteurs et lectrices pour aider le BAAM, concrètement ?

Le BAAM est une asso non-subventionnée, ils peuvent faire des dons financiers sur le site internet du BAAM. Mais on préfère que les gens s’investissent dans cette cause, en venant à une réunion d’information puis en rejoignant une de nos permanences. On a besoin de profs de français, de juristes et de gens pour s’investir dans nos permanences sociales, emploi, LGBTQI, etc.

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Le BAAM organise aujourd’hui 23 janvier un rassemblement devant la Mairie de Paris.

Soirée de soutien au BAAM le samedi 25 janvier à l’Officine 2.0

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