Pour fêter le retour du bingo drag à la folie on a rencontré Minima Gesté, Clémence Trü et Poulette Zhava Kiki.
Friction : Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous avez abordé la période de la crise sanitaire en tant que drag habituées aux performances ?
Minima : Tous les lieux qui nous accueillaient et nous payaient ont fermé du jour au lendemain. On a assisté dans la semaine qui a suivi à un déferlement de live Instagram, Facebook, YouTube, Twitch etc qui sont devenues nos nouvelles plateformes de performance. Il a fallu réfléchir très rapidement à comment les adapter car il n’y a pas de public live donc pas de retour direct et puis les gens se déconcentrent plus facilement devant un écran. S’est aussi très vite posé la question de la rémunération, faire payer l’entrée virtuelle ? Mettre un lien Paypal ? Donner une partie (voire tout) les dons à une asso ?
Poulette : Ce n’est pas seulement l’absence d’opportunités de monter sur scène qui m’a pesé, c’est aussi le fait que je ne pouvais plus aller voir de shows Drag. Parce qu’ils constituent, au-delà du show en lui-même, autant d’occasions de voir les copins-copines et de faire exister cette communauté. Je suis infiniment reconnaissante à celles et ceux qui ont réussi à continuer à animer cette communauté grâce aux live Instagram et autres, c’étaient quand même de sacrées bouffées d’oxygène pendant ce confinement.
Clémence : C’était assez fou de voir toute cette créativité développé par les artistes pour faire vivre leur scène. Voir tous ces shows, performances, échanges m’a fait chaud au coeur et a montré que notre scène sait se réinventer en étant toujours aussi flamboyante. Je pense que cela a aidé beaucoup de personnes, comme moi, dans ce moment inédit et tout à fait anxiogène. Les Bingos live de Minima, les shows à distance, les discussions entre drags… Autant d’occasions de casser l’isolement et l’angoisse du confinement !
Pour moi, cette période m’a permis de me poser un peu et repenser mon drag, la place que je lui donnais, avec moins de pression. C’était un peu des petites vacances pour la Clémence.
Comment est-ce que vous avez réussi à rester créatives pendant et après le confinement ?
Minima : Il n’y avait aucune injonction de créativité à avoir. Ça a été une période dure et étrange pour toustes. Il y avait clairement des semaines avec et des semaines sans. Il en va de même maintenant.
Poulette : Il y a eu quelques challenges que j’ai trouvés rigolos à faire : le Getty Challenge, le Color Makeup Challenge. Ça a été un moyen de continuer à peindre des trucs étranges sur mon visage et d’en faire des vidéos.
Clémence : Pour être honnête, j’ai eu un petit coup de calgon quand j’ai vu ce florilège de nouvelles formes de représentation et cette effervescence de créativité. Merci mon syndrome de l’imposteur ! (that bitch) Mais, comme le dit Minima, il n’y a aucune obligation et, si l’énergie n’est pas là, autant ne pas la forcer…
Ça a changé des choses sur votre façon d’aborder votre drag ?
Minima : Par les bingos en ligne où on ne voyait que mon buste et ma tête, j’ai découvert un drag sans corset ni talons. Je vais moins imposer de contraintes à Minima.
Poulette : J’envisage à présent ma reconversion en Youtubeuse beauté. Il n’est jamais trop tard pour un changement de carrière, n’est-ce pas ?
Clémence : Pendant cette période, tout le monde a pu découvrir le confort du drag d’intérieur ! Mais quand-même, nos clubs nous manquent tellement ! Cœur cœur le Klub et la Folie (smiley triste, smiley larme, smiley pleurer beaucoup)
Sinon, j’ai découvert que je pouvais combiner 2 de mes activités favorites, à savoir le drag et le yoga, et je compte clairement le faire davantage…
Est-ce que l’expérience du bingo en ligne va modifier votre façon d’animer les bingos à la folie ?
Minima : Ces 8 semaines de confinement ont été l’occasion de remarquer une énième fois l’inaptitude et la dangerosité de notre gouvernement. Je vais davantage afficher ce côté là et le rappeler au public.
Poulette : Le plus difficile pour Clémence et moi ce sera sans doute de tenter de combler au mieux la cruelle absence des trois “breakout stars” de ces bingos en ligne : Pamela, Merlin et évidemment Gigi !
Clémence : C’est clair que Gigi a mis la barre très haute. Que ce soit en termes de beauté fulgurante, de moues dédaigneuses ou de traduction français-catalan…
Qu’est-ce que vous avez prévu pour ce retour du bingo « en présentiel »?
Minima : Être en face des gens pour une fois hahahaha.
Poulette : Déjà j’aimerais qu’on éradique ces termes “en présentiel”, on n’a vraiment pas besoin du jargon macroniste du confinement / déconfinement pendant les bingos.
Clémence : Être en drag et tirer des boules.
Les restrictions liées à la crise sanitaire vont changer quelque chose dans l’organisation du bingo ?
Minima : Bien sûr ! Les drags porteront des visières de protection, les client.es devront avoir un masque pour aller se servir au bar, il y aura 1,5m entre chaque groupe de personnes etc. La Folie a fait un super taff pour rouvrir dans des conditions optimales !
Poulette : Je me dis qu’avec une visière il faudra juste qu’on peigne un peu plus “for the back row” histoire qu’on nous reconnaisse. Et j’ai de toute façon déjà du mal en temps normal à ne pas confondre la paille de mon verre de spritz et le micro du bingo, pour le coup je ne pense pas que la visière y changera grand chose, en bien ou en mal.
Clémence : Bah, c’est bien dommage ! On ne va plus pouvoir cracher sur les gens !