[LECTURE] « J’écris depuis les marges, depuis les égouts du sexe » : Devenir chienne d’Itziar Ziga

« Je suis une salope basque, féministe radicale, grossière et pamphlétaire. Avant que qui que ce soit me le crache à la gueule, voilà qui est dit. » Voilà comment se présente Itziar Ziga dans l’avertissement de Devenir chienne, paru le 21 octobre dernier aux éditions Cambourakis et traduit par Camille Masy et Diane Moquet.

Préfacé par Virginie Despentes et Paul B. Preciado, Devenir chienne est une enquête sur l’hyperféminité, celle des chiennes, bien entendu mais aussi celle des femmes trans, des pédés, des folles. Galerie de portraits et essai autobiographique, Devenir chienne visibilise celles (et ceux) qui sont poussé-e-s aux marges de la société. Le livre fait la part belle aux salopes, aux putes, aux travesti-e-s et fait de l’hyperféminité un outil de subversion de l’hétéropatriarcat. Les chiennes d’Itziar Ziga forment une meute en lutte avec les normes de genre et les injonctions. Injonction de l’ordre patriarcal mais également injonctions des mouvements féministes dont le livre fait la critique.

Itziar Ziga écrit : « Quelque chose m’a toujours gênée dans le mouvement féministe, une espèce de pacte interne qui nous disuade d’exprimer la moindre autocritique. L’excuse est toujours la même : on reçoit assez d’attaques de l’extérieur, on ne va pas, en plus, leur faciliter la tâche. […] Je suppose que ça énervera beaucoup de camarades de lutte que j’attaque de manière si féroce les abolitionnistes et les féministes décentes, mais j’ai assez ramé pour m’autoriser à questionner ce mouvement auquel j’appartiens, avec plus ou moins de régularité, depuis des années. » Et justement elle s’en prend autant aux abolitionnistes qu’à celles qui voient dans le hijab un outil d’aliénation des femmes musulmanes.

C’est sans doute d’ailleurs davantage pour cette critique des mouvements féministes que Devenir chienne est un ouvrage précieux. Itziar Ziga ne rogne pas seulement contre les violences machistes, elle montre les dents à toutes celles qui veulent renvoyer dos à dos les « gentilles filles » et les « mauvaises filles ». Et Itziar Ziga est du côté de ces dernières, « putes, émigrées, gitanes, handicapées, noires, arabes, lesbiennes, femmes trans, SDF, vieilles, alcooliques, femmes battues, junkies, rebelles, folles, pauvres en général… » et elle leur rend l’autorité de « s’autodénommer ». Qu’elle parle de violences machistes, de prostitution, du voile, de sexualités ou de la précarité sociale, Itziar Ziga le fait avec rage. Devenir chienne est un ouvrage fort, à l’énergie communicative qui nous invite à repenser les luttes féministes dans une perspective résolument intersectionnelle et anti-assimilationniste.

Devenir chienne, Itziar Ziga aux éditions Cambourakis

Traduit de l’espagnol par Camille Masy et Diane Moquet.
Préface de Virginie Despentes et Paul B. Preciado
21 octobre 2020, 176 pages

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