Cet été on est retourné·e·s à Lussas pour les Etats généraux du film documentaire. On était en plus petit comité que les années précédentes mais on y a retrouvé tout ce qu’on aime : la détente, la bonne ambiance, la rivière, les afters au stade et surtout la sélection de grande qualité. Avec un peu de retard (désolé c’est la rentrée, on a du taff), voilà une petite sélection des films qu’on a apprécié.
Little Palestine, journal d’un siège d’Abdallah Al-Khatib
C’était sans doute LE film à voir de cette édition 2021, où en tout cas celui qui aura le plus marqué les esprits : suite à la révolution syrienne, la ville de Yarmouk au sud de Damas, abritant le plus grand nombre de réfugié·e·s palestinien·ne·s au monde depuis sa construction en 1957, est assiégée par le régime de Bachar Al-Assad. Entre 2013 et 2015, les 18 000 Palestinien·ne·s qui y résident doivent survivre dans des conditions insupportables, privé·e·s de nourriture et d’accès au soins, exposé·e·s à des bombes frappant de façon aléatoire. C’est cette longue privation que documente Abdallah Al-Khatib, lui-même prisonnier – et militant – du camp, suivant sa mère infirmière dans ses déplacements, rendant hommage à l’abnégation, la force et la solidarité des habitant·e·s et des enfants du quartier, interrogeant avec poésie ce que l’état de siège produit sur les individus. Un film dont on est ressorti·e·s dans un silence de plomb, difficile mais nécessaire, à voir absolument.
Silent Voice de Reka Valerik
Silhouette sans visage, Khavaj a fui son pays et ne peut risquer d’être reconnu. Des violences qu’il a subi on ne saura pas grand-chose, car Khavaj, suite aux traumatismes, a perdu sa voix, qu’il tente de retrouver grâce à l’aide d’une orthophoniste. En attendant, il se sculpte sans relâche un corps-armure, devient machine de muscles et rouages d’acier – une carapace ultra-masculine pour échapper à la violence réservée aux hommes homosexuels en Tchétchénie. Un film glaçant qui rappelle le sort encore réservé aux gays dans de nombreux pays, traqués, persécutés, torturés, pourchassés jusque dans leur fuite.
Que no me roben los sueños de Zoé Brichau
En 2019, durant la révolution chilienne, un groupe de trois jeunes gen·te·s prend activement part aux manifestations. Au milieu de cette effervescence insurrectionnelle, une autre lutte tout aussi politique se joue : celle du droit à l’IVG, dont sont privées les femmes chiliennes. L’une des protagonistes, enceinte, met fin à sa grossesse. Au-delà du propos, c’est aussi sur la forme que le film surprend par sa radicalité, en prenant le parti de montrer l’avortement sans filtre et sans concession.
La Cité de l’ordre d’Antoine Dubos
Contemplatif (voire parfois un brin esthétisant peut-être), ce film nous plonge dans un lieu inattendu : un centre d’entrainement pour les « forces de l’ordre ». Des policier·e·s, aidé·e·s de quelques comédien·ne·s, y jouent et rejouent des scènes auxquelles vont être confronté·e·s les futur·e·s gardien·ne·s de la paix. Le documentaire aux airs de mauvaise fiction, en révélant les moyens délirants dépensés par un Etat qui anticipe la lutte contre sa propre population, nous plonge de façon vertigineuse dans son inconscient paranoïaque.
La Nuit de la radio par Leïla Djitli
Et enfin, ça n’est certes pas un film mais on ne peut pas s’empêcher d’en parler, la Nuit de la radio était une fois encore un des plus beaux moments de la semaine. Cette année, c’est Leïla Djitli qui prenait les commandes de nos casques à Saint-Laurent-sous-Coiron, pour le plus grand plaisir de nos oreilles. Grâce aux précieuses archives sélectionnées autour du thème Avoir 20 ans, on a ri en regardant le soleil se coucher et versé une larme d’émotion en contemplant les étoiles.