À l’occasion de la Saint Valentin et afin de surfer sur la mode des livres qui prétendent révolutionner l’amour, Leslie Préel a elle aussi décidé de réinventer les relations affectives.
Alors que j’étais attablée à Beauvais seule et attendant un avion pour un ville d’ex-URSS qui incarne tout le sel de l’Ostalgie qui nous caractérise, personnes ayant subi des conditions d’oppressions systémiques, je me suis rendue compte : il est temps d’affirmer le self-dating comme norme éthique permettant l’émergence d’une situation réellement révolutionnaire.
C’est ici, dans cet aéroport cheap que — décidant d’ignorer les expériences, vécus et écrits communautaires, notamment péd*s, de ces 70 dernières années — j’ai compris qu’il était temps de revendiquer une solitude empouvoirante qui casse enfin véritablement les codes des relations hétéronormatives elles-mêmes fondations de la société capitaliste.
Pour détruire le patriarcat, il est important que nous, femmes, lesbiennes et les autres (mais surtout pas les péd*s) prenions la mesure de la tâche qui nous incombe dans la révolution affective qui sera le terreau de la Révolution. Nous ne pouvons continuer d’attendre le Grand Soir sans poser comme éthique personnelle essentielle au développement à la fois individuel et collectif sinon communautaire un rapport à soi totalement dégagé du rapport à l’autre, loin du consumérisme affectif (j’inventerai une définition lors de mon prochain déjeuner). Aujourd’hui face à ce steak tartare à 13,50€ au restaurant le Kiosque de Beauvais, je pense qu’il est essentiel de dire et de répéter que la seule façon valide, légitime et non toxique de relationner, c’est de relationner avec soi-même.
C’est la seule démarche véritablement empouvoirante, non pas contre les autres mais pour moi. Détruisant ainsi tous les ressorts de l’interaction humaine, je suis à même de détruire les fondations à la fois de l’amour, du couple et de la société, tout simplement. Il ne saurait y avoir d’éthique queer que dans la solitude radicale.
Évidemment, cela ne signifie pas de vivre une vie pauvre et dénuée d’interaction sociale et sexuelle : je continue d’adresser la parole à d’autres de façon purement utilitaire et je veille à la charge de mon Satisfyer. Occasionnellement, j’inviterai dans mon lit quelqu’une afin de subvenir à un besoin de réchauffement corporel mais uniquement dans le but de contrer l’augmentation du prix de l’énergie et ainsi laisser mon chauffage éteint. Alors je lèverai mon verre de Pouilly fumé à cet accord parfait de moi à moi-même et décrèterai qu’il est temps que la Saint Valentin soit enfin la fête de l’amour propre et de l’individu.