Nabihah Iqbal est une productrice britannique d’origine pakistanaise. Elle sort son premier album Weighing of the Heart en 2017. Alors qu’elle s’apprête à sortir un nouvel opus, Dreamer, toujours chez Ninja Tune, nous avons voulu en savoir plus sur ce qu’il s’était passé pour elle entre ces deux albums.
Bonjour, je suis désolée mon anglais est un peu hésitant mais je suis ravie de te rencontrer. Pour commencer, est-ce que tu peux un peu nous parler du chemin que tu as parcouru depuis ton premier album ?
Il y a eu un intervalle assez long, de 5 ans, en fait et il s’est passé beaucoup de choses pendant ce temps. Tout le processus pour faire ce nouvel album a été assez difficile, il y a eu beaucoup d’obstacles, le plus grand étant peut-être que mon studio à Londres a été cambriolé et j’ai perdu deux ans de travail. Mon album était presque prêt et j’ai tout perdu. Mais j’avais peut-être besoin de ce long processus pour bien cerner quelle était ma relation à ma musique.
C’est un album qu’on peut qualifier de brut. Est-ce que tu peux nous expliquer comment tu as travaillé pour le composer ?
Au début, quand j’ai été obligée de repartir de zéro, je n’avais pas d’ordinateur et j’étais au Pakistan, c’était le début du confinement et j’étais allée voir mon grand-père qui était très malade. J’étais partie en urgence et je n’avais pas mon matériel pour composer. Je me demandais comment j’allais pouvoir continuer à travailler sur ma musique et j’ai juste acheté une guitare acoustique et j’ai utilisé mon téléphone pour faire des notes vocales. J’ai aussi acheté un harmonium. J’ai principalement utilisé ces deux instruments pour composer et développer de nouvelles idées de chansons dans ma tête. J’ai presque rien enregistré pendant un an, j’ai laissé les idées mûrir dans mon esprit.
Dans cet album, tu reviens sur des événements traumatisants de l’année 2020. Est-ce que la musique te permet de surmonter les obstacles de la vie ?
Je ne sais pas… La musique est la chose que je préfère au monde et ça me procure des émotions que je ne retire de rien d’autre. Vraiment, ça peut aider. Mais c’était aussi très frustrant, parce que j’étais en train d’essayer de faire de la musique mais je ne pouvais pas parce que j’ai été très malade en 2020. je n’avais jamais été aussi malade, j’étais à l’hôpital, j’ai failli mourir et à ce moment-là je me suis dit que je ne ferais plus jamais de musique. Quand je pense à tout ça et à cet album, j’ai l’impression que c’est un reflet de tout ce que j’ai traversé.
Tu me disais que t’avais commencé à composer au Pakistan. Est-ce que le fait de ne pas être en studio à Londres a influencé ta façon de produire ? Tu parlais des instruments de musique…
Oui, il y a les instruments mais c’est surtout repartir des fondamentaux. Je n’avais pas les choses avec lesquelles je travaille normalement. C’était pas quelque chose de révolutionnaire mais pour moi c’était nouveau de n’avoir qu’une guitare et un harmonium. Je pensais à des choses et je les laissais faire leur chemin. Je n’ai commencé à enregistrer que huit ou neuf mois après ça une fois que ces idées s’étaient développées pour donner quelque chose dans mon esprit.
Mais est-ce que tu as enregistré à Londres ?
J’ai enregistré en partie au Pakistan en fait. Pour être honnête, je n’ai pas beaucoup enregistré à Londres, j’étais plutôt à la campagne parce que j’avais l’impression de ne pas pouvoir me concentrer en ville. J’ai fait la plus grosse partie de l’album en Écosse et dans le Suffolk, dans l’Est de l’Angleterre. J’ai fait de vraies résidences d’artistes pour me concentrer au maximum, je coupais mon téléphone, je me coupais d’internet et je travaillais juste sur ma musique.
Quelles sont tes principales sources d’inspiration quand tu composes ?
Je ne sais pas trop. J’écoutais beaucoup de choses très variées à l’époque. C’est la première fois que j’utilise l’harmonium et le sitar dans ma musique et ce sont deux instruments rattachés à mes origines pakistanaises bien que je ne les aie jamais incorporés à mes propres morceaux. J’ai beaucoup écouté de musique classique pakistanaise pendant la composition de l’album. En même temps, j’écoutais aussi beaucoup Jeff Buckley même si je ne peux pas dire qu’il ait influencé ma musique parce que personne ne fait de la musique comme Jeff mais il a influencé certaines idées. J’écoutais sa musique et je lisais la poésie de Keats. À cette époque j’ai perdu l’une de mes meilleures amies et je lisais de la poésie et je pensais aux personnes qui créent des choses et meurent très jeunes et à ce que ça signifie. Ces réflexions ont beaucoup influencé ma musique sur cet album.
La poésie fait aussi partie des choses importantes pour toi artistiquement…
Oui j’adore lire de la poésie, j’adore lire en règle générale, mais j’ai toujours des livres de poésie dans mon studio parce que je trouve que la plupart du temps, si tu n’as pas d’idées ou si tu as besoin de faire une pause, tu peux juste lire de la poésie et c’est un super moyen d’être inspiré·e. Pas forcément à cause de la musique mais parce que lire des choses si belles et si bien écrites te font te dire : « OK, maintenant je dois créer mon propre truc ! ». Je lisais beaucoup Keats, William Blake comme toujours, Lord Byron et je découvrais l’œuvre de Thomas Hardy et j’essayais de lire tous ses livres. Le premier single de l’album qui est intitulé « This world couldn’t see us » est inspiré de Tess d’Uberville.
Est-ce qu’il y a des dates de concert prévues ? Est-ce qu’on aura l’occasion de te voir en France ?
Le premier concert aura lieu à Londres en mai et ensuite je pars faire ma toute première tournée américain début juin et je suis super excitée. Tout au long de l’été je jouerai dans différents festivals, l’idée c’est de faire une tournée européenne cette année à l’automne. Il y aura aussi des dates en France, oui, en novembre je crois.
Nabihah Iqbal, nouvel album Dreamer, 28 avril 2023, Ninja Tune