Après Le Pays sous le vent et Braises, les éditions Cambourakis poursuivent leur projet de réédition des œuvres de Grazia Deledda avec la publication de Dans l’ombre, la mère, traduit de l’italien par Myriam Cheyns-Condé et Fabienne André Costa.
Grazia Deledda est née en Sardaigne en 1871, auteure autodidacte, elle quitte l’école très tôt. Installée à Rome en 1900, elle s’attache pourtant à ancrer son œuvre dans sa Sardaigne natale. Elle y décrit la vie de gens ordinaires, la violence et le poids des lois non écrites qui régissent les rapports entre les hommes et les femmes. Grazia Deledda sera la deuxième femme à obtenir un Prix Nobel, celui de littérature en 1926, après Marie Curie.
L’histoire de Dans l’ombre, la mère se passe en Sardaigne, justement, dans le village d’Aar. La mère, Marie-Maddalena veille sur son fils, Paulo, devenu le curé du village. Depuis quelques temps, elle nourrit des soupçons et s’inquiète : elle sait que son fils sort furtivement la nuit. Un soir, elle décide de le suivre. Maria-Maddalena découvre alors que son fils se rendait chez une jeune femme Agnese, qui vit seule dans une immense propriété à la lisière du village.
« Il vit alors sa mère assise devant le feu éteint comme pour une veillée funèbre. Il eut une sensation d’angoisse qui ne le quitta plus et entrevit soudain toute la vérité. » (p. 33)
Pendant trois jours et demi, le jeune prêtre hésite, tandis qu’il continue à officier et à accomplir des miracles. Grazia Deledda nous entraîne dans les affres de la passion de ce jeune homme qui ne doit pas aimer, et qui aime pourtant, d’un amour charnel et irrépressible.
« Aimer, être aimé, n’était-ce pas cela le royaume de Dieu sur la terre ? Son cœur se gonflait encore à ce souvenir. Pourquoi tout cela, Seigneur ? Pourquoi tant d’aveuglement ? Où chercher la lumière ? Il était ignorant et savait qu’il l’était. Sa culture était faite de fragments de livres dont il ne comprenait pas entièrement le sens : la Bible surtout l’avait modelé avec son romantisme et son réalisme d’un autre âge. » (p. 51)
À la lecture, on entend le vent qui souffle, on sent la poussière qui se soulève sur les pas du prêtre et de son enfant de chœur Antioco, qui le suit presque partout, et on ressent les hésitations, la douleur de devoir choisir, qui vient questionner la vocation voire la foi.
Dans l’ombre, la mère est un roman à l’intensité narrative maximale, liée à la temporalité resserrée de l’action et qui sonde avec sensibilité et subtilité les mouvements des âmes des personnages principaux.
Grazia Deledda, Dans l’ombre, la mère, traduit de l’italien par Myriam Cheyns-Condé et Fabienne Andréa Costa, 208 pages, édition Cambourakis