« La Treizième heure », le dernier roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam, s’est vu couronné du prestigieux prix Médicis. L’autrice y campe le décor d’une congrégation religieuse dont on ne sait pas si elle est habitée de l’idée de Dieu ou pas mais qui fait vivre la poésie et les arts. Église queer, réunion de miséreux·ses plus ou moins brisé·es par la vie, la Treizième heure a été fondée par Lenny à la suite de la grande déception amoureuse que lui a infligée la sublime et fougueuse Hind et dont il lui reste une fille, Farah.
La Treizième heure est un roman vivifiant en ce qu’il met en scène toute une galerie de portraits que l’on ne rencontre que trop peu dans la littérature contemporaine. Personnages intersexes ou trans se côtoient et évoluent dans ce qui est avant tout une grande histoire de famille. On peut se demander parfois si l’ensemble, parfaitement documenté et jamais inadéquat, ne manque pas d’un peu de justesse.
On ne peut que saluer par ailleurs la représentation d’une nouvelle forme de parentalité dont on peut entrevoir qu’elle aurait pu être joyeuse. Si ce n’est pas le cas, elle ouvre la voie vers la création d’une communauté foutraque mais bienveillante et réconfortante, tant pour son créateur que pour les créatures qui la font vivre. Les activités que propose la Treizième heure vont de la ciromancie aux récits d’expérience de mort imminente dans l’idée de se rapprocher d’un sacré innervé par la poésie.
De très nombreuses références littéraires émaillent le récit dans de beaux morceaux lyriques qui nous entraînent dans l’univers de cette Église. Les vers du poème «Artemis» de Nerval qui donnent le titre au roman résonnent longtemps après qu’on a fermé le livre :
La Treizième revient… C’est encor la première;
Et c’est toujours la seule, ou c’est le seul moment;
Car es-tu reine, ô toi ! la première ou dernière ?
Es-tu roi, toi le seul ou le dernier amant ?…